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Photo de Ivan Tchotourian

3 constats sur les entreprises

«Si j’avais su, j’aurais pas cru.» Cette citation (détournée de la phrase du p’tit Gibus dans le film de 1962, La guerre des boutons) résume mon parcours universitaire. Si j’avais su que mon mémoire de maîtrise me conduirait à réaliser un doctorat, à immigrer dans cette belle province qu’est le Québec et à me passionner pour l’encadrement juridique de l’entreprise capitaliste –cet acteur si particulier à nos sociétés modernes–, j’aurais sans doute eu du mal à y croire. Au début de mon parcours, j’ai en effet adopté une démarche et une approche traditionnelles pour scruter l’affectio societatis, ce sentiment d’appartenance à une entreprise. J’ai rapidement observé que le débat fondamental soulevé par cette notion pouvait, et devait, être élargi à 2 phénomènes: la déshumanisation des acteurs de l’économie et l’utilisation stratégique du cadre réglementaire à des fins purement utilitaristes ou spéculatives.

 Cette vieille lune juridique qu’est l’affectio societatis m’a ainsi amené à me demander pourquoi on crée une entreprise et à déterminer les fins auxquelles elle devait servir. J’ai cherché… mais qu’ai-je trouvé?

             1- Que l’entreprise n’est pas définie sur le plan juridique!
«N’y a-t-il pas déjà une conception claire de l’entreprise?», me direz-vous. «Les économistes n’ont-ils pas tout écrit à ce sujet?», ajouterez-vous. La réponse est non et c’est là le rôle du chercheur d’aller où les autres ne vont pas. Or, ce chemin m’a appris que si les juristes ont, pendant un temps, cherché à définir l’entreprise, ils ont depuis délaissé le sujet. Certains évoquent l’inutilité de la démarche, mais je ne crois pas à cette excuse. «Boîte noire», réseau de contrats, institution sociale, organisation… chacun de ces mots qui sert à décrire l’entreprise façonne le droit économique à sa manière.

            2- Que le couple «entreprise et responsabilité sociale», c’est l’avenir!
Ma participation à des colloques internationaux ainsi que des rencontres avec de grands professeurs m’ont fait réaliser une chose: l’entreprise est devenue une pierre angulaire de notre société, ce qui implique de la voir autrement. À l’heure de la mondialisation, rien ne semble lui échapper. Qu’elle soit petite (PME) ou grande (multinationale), quel que soit le nom que le système juridique lui donne (société par actions, société anonyme, corporation, etc.), elle traverse les continents et fait fi des cultures juridiques. Aujourd’hui, l’entreprise est omniprésente et cela implique d’appréhender les conséquences de ses activités.

 Or, ces conséquences sont devenues considérables au point de mettre en danger la survie de la planète, surtout lorsque l’entreprise cherche à fuir ses responsabilités. La situation est telle que les organisations internationales (ONU, OCDE), les organisations suprarégionales (Union européenne), les États eux-mêmes et les forums politiques (G8, G20) réagissent conjointement autour d’un objectif commun: la responsabilisation des entreprises.

            3- Que le marché ne doit pas être oublié!
Rencontre de l’offre et de la demande, le marché demeure un pourvoyeur inégalé de capitaux pour les entreprises et les particuliers. Cependant, il peut être plus que cela en insufflant à la finance d’entreprise, aux produits financiers et aux intervenants du marché des priorités différentes, de nature essentiellement progressiste et humaniste. L’histoire démontre que le droit et l’économie ont construit des marchés qui ont permis aux sociétés industrialisées de se démarquer.

Un droit ouvert aux préoccupations du monde
Dans ce blogue, je proposerai des synthèses sur l’actualité touchant le droit économique (réformes, projets en cours, discussions, articles de recherche…) et je mettrai en lumière les enjeux contemporains engendrés par l’entreprise. Parmi les sujets qui seront abordés figurent la gouvernance des entreprises, le droit des valeurs mobilières, la responsabilité sociale des entreprises…

 Ce blogue sera également l’occasion de revenir sur des projets de recherche issus des 2 axes (Régulation et entreprise et Services financiers) du Centre d’études en droit économique afin d’en présenter les résultats ainsi que les réflexions de certains de ses membres. Nous soulèverons également de nombreuses interrogations: aux frontières de la science, tout n’est-il pas finalement question?

Le droit économique a ceci de particulier qu’il n’est pas enfermé dans une catégorie juridique prédéterminée et qu’il est porteur de valeurs et d’idéaux parfois oubliés ou trop négligés. Dans ce blogue, je présenterai un droit économique à l’écoute du monde. En faisant une place à l’«économique», ce domaine du droit rappelle que le juriste a un rôle à jouer dans la construction moderne de sociétés progressistes. Face aux excès du financiarisme et de l’économisme, il leur assure un avenir pérenne.

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  1. Publié le 5 novembre 2013 | Par Ivan Tchotourian

    Bonjour,
    Merci de ce commentaire. Définir l'entreprise est une tâche effectivement complexe. Les notions de personnalité morale et de société viennent compliquer la lecture. Il me semble fondamental de ne pas abandonner une vision pragmatique ou substantielle des choses pour bien en comprendre la signification.
  2. Publié le 1 novembre 2013 | Par Jérémie Gnagniko

    Je vous remercie d'avoir fait sortir le débat sur la notion d'entreprise, car il n'en finira pas. Pour avoir eu une formation initiale dans un univers de droit romano-germanique dit civiliste, je pensais que l'entreprise est une entité économique et que la société est la représentation juridique de l'entreprise. Mais chemin faisant, le fait de me titiller au droit économique je comprends bien que l'entreprise peut être une entité juridique. Personne n'a donné la définition juridique de l'entreprise mais comme il est de coutume, on l'utilise seulement( art. 1525 al.3 C.c.Q). Il s'agit d'une approche pragmatique, qui ferait bouger de sa tombe l'éminent Jean Carbonnier, car le juriste civiliste classique n'est pas prêt à accepter cette ignominie. Mais il faut évoluer sur la question. Une illustration patente de ce gène se retrouve dans l'OHADA, à travers l'Acte Uniforme sur le droit commercial qui définit le commerçant et l'entreprenant. De qui parle-t-on «entreprenant»? Devant le blocage, le législateur de l'OHADA, esquivant le débat, fit recours à la comptabilité pour faire la différence entre commerçant et entreprenant et oublie de parler du fonds d'entreprise. Bref pour vous dire que le juriste civiliste n'est pas prêt à franchir le Rubicon pour ce qui concerne la notion d'entreprise. Merci pour avoir lancer le débat et il se poursuit.

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