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Photo de Simone Lemieux

Comment éviter la guerre à table?

Petite, je n’aimais pas les carottes cuites. J’avais beau masquer leur goût en les cachant dans mes pommes de terre ou en les noyant dans la sauce, il m’arrivait tout de même de ne pas pouvoir en venir à bout et d’en laisser dans mon assiette. Ma mère me disait alors: «Simone, pense aux petits enfants en Afrique qui n’ont rien à manger». J’avais beau y réfléchir du mieux que je pouvais, je ne voyais pas le rapport entre les carottes que je ne mangeais pas et le vide dans l’estomac de ces enfants… Et puis un jour, ma mère coupe ses carottes en biseau et les fait cuire à la marguerite. Et là, révélation, j’aimais les carottes (pas trop) cuites…

CruditesLes histoires d’aversions alimentaires ne se dénouent  pas toujours aussi simplement. Certains enfants, au grand désespoir de leurs parents, possèdent un spectre très restreint d’aliments qu’ils daignent avaler, ce qui crée parfois bien des tensions au moment des repas: argumentation, négociations, chantage, etc. Toutes les armes semblent permises et la salle à manger prend alors les allures d’un véritable champ de bataille.

Les parents  souhaitent ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants. La plupart savent  très bien qu’une alimentation équilibrée favorise une bonne croissance et une bonne santé, d’où leur désarroi quand fiston lève le nez sur tout ce qui s’appelle légume ou que la petite dernière n’aime ni la viande ni le poisson, ni rien du tout. Que faire dans de telles situations? Les experts s’entendent pour dire que la persévérance et le calme sont alors de mise.

1- S’armer de patience
La néophobie alimentaire réfère à la crainte éprouvée par les enfants face à de nouveaux aliments. Selon certaines études, cela pourrait prendre de 5 à 10 expositions à un nouvel aliment (et parfois même plus!) avant que l’enfant accepte de le consommer. La néophobie n’explique pas tout puisque certains enfants refusent également de consommer des aliments qui leur sont familiers en raison, entre autres, de leurs préférences gustatives.

Puisque les enfants apprennent par l’exemple et font confiance à leurs parents, le fait de voir ces derniers consommer l’aliment mal-aimé avec plaisir favorisera leur propre consommation. Pour l’enfant en âge de s’exprimer avec des mots, une stratégie intéressante est de le questionner sur les raisons pour lesquelles il n’aime pas un aliment. Tout d’abord cela démontre à l’enfant qu’on respecte ses goûts et qu’on s’y intéresse. Puis, en lui demandant de nous livrer ses commentaires sur l’aliment, on l’invite subtilement à goûter de façon objective… Les informations procurées par l’enfant peuvent alors nous aider à comprendre la nature du problème et ainsi nous mettre sur la piste de solutions. Est-ce une question de saveur, de texture, de température, de présentation?

2- Rester calme
Même les tout-petits peuvent sentir l’insistance et l’agacement de leurs parents lorsqu’ils refusent de manger les aliments qu’on leur présente. Ce climat tendu est rarement propice à l’exploration de nouvelles saveurs. De plus, les enfants peuvent rapidement se rendre compte que le refus de manger certains aliments s’avère  un puissant outil  de négociation. C’est d’ailleurs le cas quand le parent promet une récompense en échange d’un «bon» comportement alimentaire, et dit par exemple: «Mange ta viande si tu veux un dessert». Des études démontrent qu’un tel rituel  de récompense amène l’enfant à préférer de façon encore plus marquée l’aliment récompense et à déprécier davantage l’aliment qu’il doit ingérer pour se mériter la récompense. Effet non désirable, on s’entend!

3- Manipuler avec soin l’argument santé
Je termine avec une réflexion sur notre habitude à inciter les enfants à manger des aliments qu’ils n’apprécient pas beaucoup en leur disant: «Mange, c’est bon pour ta santé!» Les frères et soeurs se mettent parfois de la partie du mieux qu’ils le peuvent et mon fils a d’ailleurs déjà dit à sa petite sœur: «Bois ton lait si tu veux que tes os soient musclés…». En fait, je crois que si nous utilisons systématiquement l’argument santé pour inciter nos enfants à manger les aliments qu’ils apprécient moins, c’est un peu comme si on leur disait: «Quand tu n’aimes pas un aliment, c’est parce qu’il est bon pour la santé». Autrement dit, on transmet le message que les aliments «santé» ne peuvent pas avoir bon goût. Sachant que le goût est un puissant déterminant de nos choix alimentaires, souhaitons-nous vraiment  créer cette association d’idées?

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  1. Publié le 18 juin 2013 | Par Gabriel

    Merci, Simone, j'ai apprécié votre réponse ;
    j'ai téléchargé plusieurs de vos billets (et aussi des articles auxquels ils renvoient) que je compte soumettre à des amis, et même à d'autres personnes, parce que je pense qu'ils abordent la question de façon originale, fraîche et agréable.
    En d'autres termes, je vais essayer de les faire connaître.
    Bien cordialement, et agréable journée,
    Gabriel
  2. Publié le 18 juin 2013 | Par Simone Lemieux

    Merci beaucoup pour votre commentaire très pertinent!
    Les préférences et aversions alimentaires peuvent s’expliquer par de nombreux facteurs. Je n’en ai pas discuté dans mon billet mais les aversions alimentaires ont eu un rôle à jouer dans la survie de l’espèce. En effet, l’aversion pour les aliments amers a permis de nous éloigner des plantes toxiques (qui ont souvent un goût amer). À l’échelle individuelle, on peut voir le même phénomène et, comme vous le proposez, il arrive que des enfants refusent certains aliments en raison des effets indésirables que ceux-ci ont sur leur organisme. En effet, si l’ingestion d’un aliment a eu dans le passé des conséquences désagréables (par exemple, des crampes abdominales) l’enfant «apprend» que cet aliment n’est pas bon pour lui. Comme vous le soulignez également, le refus de manger certains aliments peut être une façon de s’exprimer par rapport à différents types de situations. Ceci démontre à quel point l’acte de manger est complexe et on le décrit d’ailleurs comme un acte bio-psycho-social. À ce sujet, plusieurs études sont effectuées pour mieux comprendre les différentes dimensions biologiques, psychologiques et sociales qui influencent notre façon de nous alimenter. L’influence des relations parents-enfants sur l’alimentation de l’enfant est d’ailleurs un sujet qui reçoit de plus en plus d’attention.
  3. Publié le 18 juin 2013 | Par Gabriel

    Bonjour Simone!
    Je me suis senti profondément concerné par votre article, et grande a été ma joie de constater que vous n'avez pas échappé, vous non plus, au désamour pour tel ou tel aliment...
    En plus des causes que vous avez exposées, je voudrais demander si le phénomène ne pourrait pas être aussi dû à des allergies que l'organisme de l'enfant perçoit sans que les parents en soient conscients, mais aussi (c'est une voie qu'il me paraît urgent d'explorer) l'expression indirect d'un conflit entre l'enfant et le parent, généralement la mère.
    Pour ma part, il m'est arrivé de rejeter des aliments que j'ai consommés pendant des années, et je pense que cela résultait d'allergies, ou à l'inverse de refuser certains aliments à la maison et de les manger plus tard, et hors du cadre familial, ce que j'ai interprété comme une forme de résistance à ma mère.
    Pour terminer (mais le débat peut continuer), je vous soumets la vidéo suivante, sans préjudice des soupçons de manipulation ou d'utilisation orientée qui m'animent à son égard.
    Portez-vous bien,
    Gabriel (de Cotonou)

    http://www.agoravox.tv/tribune-libre/article/le-petit-garcon-qui-ne-voulait-pas-39535

    http://www.lepoint.fr/insolite/video-le-petit-garcon-qui-ne-voulait-pas-manger-de-viande-05-06-2013-1676575_48.php

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