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Photo de Martin Dubois

La fable du plafond bleu

Pour ce billet d’été, je vous propose un sujet léger qui sied bien au contexte estival. En fait, je m’attarde à un détail architectural que j’ai souvent remarqué lors de voyages aux États-Unis: les plafonds de véranda et de galerie peints en bleu (Blue Porch Ceiling). Cela m’a toujours intrigué de voir cette couleur appliquée sur des maisons toutes blanches ou aux teintes imitant des matériaux naturels. Je me suis dit qu’il devait bien y avoir une raison pour que cette tradition soit si fréquente dans le sud et l’est des États-Unis. Depuis quelques années, j’ai donc cherché à connaître l’origine de cette coutume. Trouver une réponse à une question si simple ne s’est toutefois pas avéré facile et j’ai été surpris que les raisons invoquées, parfois farfelues, soient aussi variées. Voici donc un petit voyage dans le monde des mythes et des légendes.

Véranda au plafond bleu à Ogunquit, Maine. Photo : Martin Dubois

Véranda au plafond bleu à Ogunquit, Maine. Photo Martin Dubois

Une tradition répandue
Les plafonds bleus de galerie ou de véranda extérieure sont souvent observables sur des maisons de bord de mer, des résidences victoriennes ou des grandes maisons d’été dotées d’espaces extérieurs protégés s’ouvrant sur un jardin ou un beau panorama. Les bleus utilisés sont variés et les diverses nuances vont du bleu ciel au bleu foncé en passant par les bleu-vert et les bleu-gris. Cette tradition proviendrait du sud des États-Unis et aurait migré vers le nord, si bien qu’on trouve ce détail architectural autant à Key West, en Floride, à Savannah, en Georgie, à Cape Cod, au Massachussetts, qu’à Ogunquit, dans le Maine. J’en ai aussi aperçu plusieurs exemples en Louisiane et je présume qu’on en trouve même sur la côte Ouest que je connais moins. Pour ceux qui ont voyagé chez nos voisins du sud, vous avez sûrement déjà observé cette tradition chromatique. Sinon, ouvrez l’œil lors de votre prochain séjour.

La théorie ésotérique
L’une des explications les plus souvent avancées sur l’origine des plafonds bleus serait liée à une croyance voulant que le bleu chasse les mauvais esprits. En effet, en peignant le plafond bleu au-dessus de l’entrée, certains habitants d’origine afro-américaine ou antillaise prétendaient que les esprits malveillants, appelés Haints (déformation de Haunt), ne pourraient pénétrer dans la maison pour les hanter. Cette légende est tellement répandue que certains manufacturiers de peinture, tel Sherwin-Williams, ont dénommé une de leur couleur «Haint Blue». Disons que cette explication, bien qu’elle soit plutôt amusante, m’a quelque peu laissé sur ma faim.

Galeries superposées aux plafonds bleus à Key West, Floride. Photo Martin Dubois

La théorie romantique
Au 19e siècle, le courant romantique en architecture prône un rapprochement avec la nature. Les maisons des mieux nantis sont alors construites dans de beaux jardins, sont orientées vers un plan d’eau ou possèdent une vue panoramique. Les ouvertures et les grandes vérandas permettent d’admirer cette nature et, pour créer un effet parfait, les plafonds peints en bleu donnent l’illusion que les occupants qui se prélassent à l’ombre sur la galerie peuvent admirer le ciel bleu, même par temps gris et couvert. Bien que ce phénomène romantique ait bel et bien existé et puisse avoir généré certains stratagèmes inspirés des décors de théâtre, cette théorie peut-elle à elle seule expliquer une tradition aussi répandue? Probablement en partie, mais pas complètement. Par ailleurs, dans la catégorie des théories romantiques, j’ai déjà entendu que le plafond bleu d’une galerie annonçait qu’une fille à marier vivait dans la maison. Cette explication est charmante, mais plutôt anecdotique.

Galeries au plafond bleu à la Nouvelle-Orléans, Louisiane. Photo : Martin Dubois

Galeries aux plafonds bleus à la Nouvelle-Orléans, Louisiane. Photo Martin Dubois

La théorie illusionniste
Faute de duper les humains, une autre théorie tente de faire croire que les plafonds bleus peuvent tromper les araignées, les guêpes ainsi que les oiseaux. Pensant que le plafond est le ciel, ils ne tenteraient pas d’y faire leur nid. Je trouve que cette théorie est tirée par les cheveux et tient encore moins la route que la précédente, bien qu’elle demeure très répandue. Je l’ai souvent entendue de la bouche des guides-interprètes qui nous font visiter des maisons historiques aux États-Unis, ce qui a pour effet de la renforcer dans la croyance populaire.

La théorie scientifique
La piste des insectes demeure toutefois intéressante. Des experts  affirment qu’à l’origine certains composés chimiques contenus dans les pigments de la peinture bleue faisaient fuir les insectes. Après avoir constaté l’effet insectifuge de cette couleur, on se serait mis à appliquer du bleu sur les plafonds des vérandas afin de s’y prélasser sans être incommodé par la présence de bestioles. Bien que les peintures ne comportent plus depuis longtemps les mêmes composés, la tradition se serait poursuivie jusqu’à nos jours. Quoique cela reste à prouver, j’aime cette théorie un peu plus terre-à-terre et scientifique. Il arrive souvent que des phénomènes du genre soient nés d’un usage pratique qui s’est perdu avec le temps pour devenir purement esthétique et symbolique.

La théorie psychologique
Enfin, comme le bleu est une couleur apaisante, certains trouvent logique que cette teinte soit employée dans un lieu de détente comme une véranda. Par ailleurs, dans des endroits chauds et même torrides, cette couleur froide pourrait avoir un effet psychologique rafraîchissant, car elle évoque l’air et l’eau. Sans nier l’effet psychologique de la couleur bleue, il serait très improbable que cela explique cette tradition architecturale.

La véranda au plafond bleu de ma maison à Québec. Photo : Martin Dubois.

La véranda au plafond bleu de ma maison à Québec. Photo Martin Dubois.

Morale de l’histoire
Comme toute fable contient une morale, voici la mienne: peu importe l’origine –connue ou non– d’une tradition qui met de la couleur dans nos vies, pourquoi ne pas la poursuivre et la transmettre aux générations futures? Personnellement, j’ai tellement aimé cette tradition que je l’ai appliquée sur ma propre maison, à Québec, qui possède une architecture d’influence américaine. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une coutume de chez nous et que son origine demeure nébuleuse, je me prélasserai cet été sur ma véranda au plafond bleu.

Bon été!

 

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  1. Publié le 18 juillet 2014 | Par Johanne Poulin

    Charmant, votre article!
    Et les photos me donnent le goût d'ajouter du bleu au plafond de ma galerie...

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