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Le poids du Québec dans le Canada

Les statistiques sur la population parues le 8 février1 ont soulevé la question de la place du Québec dans le Canada. Trois mots clés résument mon analyse: importance relative, poids du nombre et concentration.

Un nouvel équilibre
Le poids démographique du Québec au sein du Canada n’a cessé de diminuer depuis un siècle. Il était de 28,8% en 1961 et il a régressé à 23,6% en 2011. Quelles conclusions faut-il tirer de cette évolution? Premier commentaire entendu dans les médias: «le Québec et les provinces de l’Atlantique pèsent désormais moins lourd que les provinces de l’Ouest au sein du Canada». Voilà une bien curieuse manière de voir les choses, car ces deux entités ont rarement fait alliance depuis un siècle. Pourquoi les amalgamer?

D’autres ont écrit que «le Québec a maintenant un poids démographique exactement égal à celui de l’Alberta et de la Colombie-Britannique combinées». Soit, mais encore? Ces deux provinces sont fort différentes, même si elles sont toutes deux situées à l’Ouest. La première vote conservateur et la seconde, social-démocrate. Rappelons aussi que l’Alberta a été une alliée du Québec dans le dossier (avorté) de l’Agence nationale des marchés financiers.

Importance relative
Le Québec et l’Ontario –qui ont toujours été ensemble deux grands joueurs au sein de la Confédération– comptent pour les deux tiers de la population du Canada. Le centre du Canada pèse encore très lourd. Les grandes alliances entre le Québec et l’Ontario du temps de Robarts et Lesage dans les années 1960 ou du temps de Peterson et Bourassa par la suite sont choses du passé. Mais qui dit que les partis d’opposition sur la scène fédérale ne reprendront pas le pouvoir en s’appuyant sur le centre du pays?

Il faut voir les choses autrement. En fait, c’est un nouvel équilibre entre les régions et entre les grosses provinces qui est en train d’émerger. Chacune établira ses alliances et fera valoir ses intérêts, y compris le Québec, avec plus ou moins de succès.

Poids du nombre
La proportion n’est pas tout. Le nombre compte aussi, comme l’avait bien noté le sociologue Georg Simmel. Avec ses 8 millions d’habitants, le Québec est encore un acteur clé au sein du Canada, il ne faudrait pas l’oublier trop rapidement. Il est marginalisé au sein du gouvernement actuel, certes, non pas en raison du déclin relatif de sa population, mais plutôt en raison des choix politiques qu’a fait sa population (élire une majorité de députés souverainistes d’abord, puis une majorité de députés de l’opposition NPD).

Concentration
Le nombre n’est pas tout non plus. La concentration géographique de la population compte aussi. Le Québec est la seule province à large majorité francophone (et la plus hautement bilingue de fait, on le sait). Les statistiques montrent une polarisation linguistique de plus en plus marquée: la part du français (langue d’usage) augmente au Québec et la part de l’anglais (langue d’usage) augmente au Canada. Deux univers linguistiquement différents coexistent au sein du même État.

La concentration sur un même territoire et le fait de contrôler leur État provincial donnent aux Québécois un pouvoir politique considérable et une prise sur leur destinée qui n’est pas près de disparaître. Il leur reste à décider s’ils veulent être présents dans les partis politiques fédéraux exerçant le pouvoir, ce qu’ils n’ont pas fait lors des dernières élections.

Les conséquences
Quelles sont les conséquences de la mutation démographique, d’un côté, et des choix politiques faits par les Québécois depuis 20 ans sur la scène fédérale, de l’autre? Il ne fait pas de doute que «le poids politique du Québec» au sein du gouvernement fédéral s’est affaibli, mais c’est d’abord à cause de choix électoraux. Bien des politiques fédérales se décident maintenant sans eux pour cette raison.

Si le Canada change, c’est aussi sous la poussée de la droite qui est partout à l’œuvre, y compris au Québec (même s’il y a peu d’élus conservateurs) et en Ontario. Une partie du Québec se reconnaît dans le Canada de Harper, ne l’oublions pas, et une partie du Canada anglais ne s’y reconnaît pas, notons-le aussi.

Peter White du Parti conservateur s’est inquiété récemment dans Maclean’s de «la dé-canadianisation du Québec»2. Justin Trudeau ne reconnaît plus le Canada de son père. Cela est dû à une nouvelle donne politique, certes, mais aussi à des facteurs structuraux nouveaux comme les déplacements de population ou la mutation de l’économie. La polarisation dont j’ai parlée plus haut et le poids du nombre constituent deux facteurs structuraux qui contribueront cependant à distinguer le Québec dans l’ensemble canadien.  

La place du Québec dans le Canada sera dépendante de son poids démographique, mais il ne faudrait pas oublier qu’elle découle aussi des choix politiques de son électorat.

1 Statistique Canada, Recensement de 2011: Chiffres de population et des logements

2 Patriquin, Martin. Harper’s French disconnection, Maclean’s, 19 janvier 2012

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  1. Publié le 12 mai 2014 | Par mansire

    J'adore le Québec.
  2. Publié le 21 février 2012 | Par Simon Langlois

    @Raymond Saint-Arnaud
    Vous donnez bien des informations pertinentes, notamment sur la pertinence de la mesure du bien-être. Les sociologues avancent en effet qu'il existe deux sociétés globales au sein du Canada (dans leur jargon disciplinaire!).
  3. Publié le 21 février 2012 | Par Raymond Saint-Arnaud

    Il y a un changement de paradigme au Canada.

    Le poids relatif du Québec dans le Canada devient de moins en moins signifiant. C’est fini le temps où le Québec pouvait influencer la fédération. Le Canada se développe sans nous et souvent contre nous. On constate en effet de plus en plus que les valeurs et les priorités du Canada ne sont pas représentatives de celles du Québec.

    Les récents épisodes de monarchite aigüe chez Harper, son gouvernement ultra-conservateur, droitiste, militariste et rétrograde, les récentes nominations d’unilingues anglophones à des postes-clé nous révèlent une fois de plus que les Québécois ne se reconnaissent pas dans ce pays bancal qu’est le Canada.

    Le Canada est sorti de la tête des Québécois. Le Canada aux deux peuples fondateurs est mort, grâce à l’intransigeance du Canada anglais envers les francophones depuis l’Acte d’Union, le million de Métis anglicisés de force, le règlement 17 en Ontario, la Constitution imposée de 1982, l’hypocrisie actuelle du bilinguisme de façade. Et le souffle congelant de la droite Harpeurienne.

    Harpeur oublie le Québec et les Canadiens-Français. Réciproquement, beaucoup de Québécois ne se sentent plus aucun lien avec ce Canada bancal, à part le fait de se faire siphonner la moitié de leurs impôts par un gouvernement va-t-en-guerre (5 milliards de $ venant du Québec pour la guerre en Afghanistan), constructeur de prisons, royaliste, etc.

    Le Canada n’est pas UN vrai pays, il y a en réalité DEUX pays au nord du 45e parallèle. Deux langues, deux mentalités, deux pays.

    Se pourrait-il que le Canada (i.e. le ROC) ait un grand intérêt économique (sûrement pas amoureux) à conserver le Québec dans le Canada? Ce ne sont pas nos beaux yeux qui les attirent, mais nos immenses richesses naturelles.

    Quant au poids absolu du Québec dans le monde, il n’est pas négligeable. Le Québec n’est pas un petit pays. En 2006, le PIB du Québec s'élevait à 230,6 milliards de $ US, soit 19,7% du PIB canadien. En 2006, l'État du Québec se situait ainsi au 22e rang dans monde quant à son produit intérieur brut (PIB) par habitant de 30 143$ US, derrière Singapour et la France, mais devant l'Italie et l'Espagne. Sur le plan de la superficie de son territoire (1 667 441 km2), le Québec souverain se placerait au 18e rang dans le monde et, en regard de la population (7 651 531 habitants), il se situerait au 94e rang. Dans le même peloton que plusieurs pays européens de taille comparable (Norvège, Danemark, Suède, Suisse, Irlande, etc).

    Ce qui fait la richesse d’un pays, c’est le produit intérieur brut PIB par habitant, pas le nombre de personnes dans ce pays. Il n’y a aucune corrélation entre le niveau de vie et l’ampleur de la population. On n’a qu’à penser aux pays scandinaves riches et et de faible population, et aux pays africains pauvres et avec beaucoup de population.
    L’avenir du Québec ne peut s’écrire que par une meilleure instruction donnée à nos enfants, et par des efforts soutenus en recherche et développement. Nous serons alors plus productifs. L’augmentation de notre productivité est la vraie clef de notre survie comme peuple francophone et la clef de la santé économique et sociale du Québec.
    Les dénigreurs de l’État québécois ne sont que trop heureux de salir et de rapetisser le Québec. 
Malgré les masochistes dépendantistes qui s’acharnent à rapetisser et discréditer le Québec, le Québec demeure un des endroits au monde où il fait le mieux vivre.
 Le vrai indice social est l’INDICE DE BIEN-ÊTRE qui tient compte de tous les facteurs de la vie. 
Le Québec a un si bon système et un si bon indice de bonheur que les immigrants veulent y venir à la pochetée.

    Le Québec est une nation pacifique avec ses caractéristiques distinctes qui mérite de se perpétuer dans son identité francophone et selon ses propres choix. Mais par toutes sortes de moyens, les pseudo-fédéralistes à Ottawa ne cessent d'étendre leurs tentacules étouffantes dans les champs de compétence du Québec. Il faut contrer le travail de sape continue des médias, inféodés au fédéralisme invasif et centralisateur, qui s'acharnent à rapetisser le Québec et à ralentir sa marche vers la souveraineté.

    Les souverainistes québécois savent que leur pays est viable et enviable. C’est pourquoi ils veulent être Maîtres chez eux et construire le Québec de demain.
  4. Publié le 20 février 2012 | Par Simon Langlois

    @A.-M. Lapointe
    Vos questions sont pertinentes. Ma remarque était à l'effet que si le Québec est absent (la chaise vide, comme au temps de Bourassa par exemple), il ne peut influencer le cours des choses. La Colombie-Britannique est effectivement divisée, comme l'est toute société, c'est un bon point. Et sa présence forte au sein du PC fédéral lui confère une influence certaine que les conservateurs québécois n'ont pas. C'était précisément mon point... Il restera à voir si les néo-démocrates québécois réussiront à influencer le cours des choses au sein de leur parti. Or, la plupart d'entre eux «ont été élus par défaut ou presque», ils ont peu d'expérience et une faible organisation. Ce n'est pas de très bon augure pour le NPD québécois...
    Bref, peu d'influence au sein du NPD, faible présence au sein de la majorité au pouvoir, Bloc québécois affaibli et Parti libéral en déroute: voilà où en est l'influence québécoise à Ottawa...
  5. Publié le 17 février 2012 | Par A.-M. Lapointe

    Est-ce à dire, monsieur Langlois, qu'il faudrait voter pour le parti au pouvoir pour simplement avoir notre mot à dire et faire en sorte que le Québec soit représenté à Ottawa? Est-ce un mauvais choix de notre part? Est-ce que le Québec n'a pas à s'exclure volontairement d'un parti qui a si peu à voir avec sa culture et sa vision de l'État, même s'il était prévisible qu'il gagne les élections? Il y a, me semble-t-il, un désintérêt généralisé pour le Québec et ses idées au Canada anglais et une grande lassitude; un malentendu permanent qui nous incite peu à nous sentir chez nous dans les partis fédéraux. Et il me semble qu'il y a bien peu de choses qui nous rapproche de l'Alberta, hormis sans doute un certain nationalisme qui, pourtant, n'a pas grand-chose à voir avec les valeurs albertaines.

    D'autre part, je trouve un peu fort de dire que la Colombie-Britannique est sociale-démocrate. Certes, elle est beaucoup plus contrastée politiquement parlant que les Prairies, mais, tout de même, n'oublions pas que 21 circonscriptions y ont voté conservateur aux dernières élections, sur une possibilité de 36. Elle a donc voté majoritairement conservateur.

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