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Photo de André Desrochers

Les aires protégées: 12% vous avez dit?

Un réflexe naturel en conservation de la nature est de soustraire des lieux à l’exploitation humaine. Ces «espaces protégés» ont pour vocation de préserver de précieux échantillons de ce que la nature peut nous offrir: des paysages de toute beauté, des espèces vulnérables, etc. Si l’idée de base fait l’unanimité, c’est moins le cas lorsque vient le moment de déterminer combien il en faut, de ces aires protégées. Vous pensez que la science peut fixer ce nombre? Think again!

 

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La légende du 12%
De nombreux gouvernements ont adopté la valeur de 12 % ou une valeur avoisinante comme note de passage quand vient le temps de déterminer quelle partie du territoire il faut protéger. Par «protéger», on entend ici exclure toute activité humaine qui laisse une empreinte significative sur le territoire (coupes forestières, agriculture, immobilier, etc.).

Prenez le Québec. On y trouve une vingtaine de sortes d’aires protégées, variant de la cloche à fromage (les réserves écologiques) au bar ouvert (les réserves fauniques, des espaces, au final, pas réellement protégés). En date du 11 novembre 2013, ces territoires, à l’exclusion des réserves fauniques, couvraient 9,1% du territoire québécois. S’appuyant sur ses engagements dans la Convention sur la diversité biologique (mise à jour régulièrement par la Conférence des parties), le Québec vise d’ici 2020 à protéger 10% des superficies marines et 17% des superficies terrestres. Pas 12% exactement, mais jamais très loin de ce nombre encore souvent cité comme s’il s’agissait d’une constante de l’Univers.

Naturellement, vous vous demandez d’où vient ce 12%? Bonne question! Selon plusieurs, ce seuil remonterait au rapport de l’Organisation des Nations unies intitulé Notre avenir à tous, mieux connu sous le nom de «Rapport Bruntland». Vous savez, le rapport qui a lancé l’expression «développement durable», panacée pour certains, attrape-nigauds pour d’autres. Mais je m’écarte… J’ai parcouru ce rapport, à la recherche de l’origine du 12%. Rien. Si ce n’est qu’une vague volonté de tripler les superficies protégées (en date de la rédaction du rapport) accompagnée de la citation d’un document obscur d’un duo de chercheurs1 qui ne s’attendaient probablement pas à une telle publicité.

Peu importe, car de son côté, un pionnier de la biologie de la conservation, Michael Soulé, a interrogé 25 spécialistes renommés dans ce domaine2 pour constater, qu’au fond, cette cible de 12% ne provenait que d’un mélange d’avis d’experts et de pragmatisme politique… Plus que 12%, vous hérissez le poil des gestionnaires, moins que 12%, vous finirez par vous mettre les écologistes à dos. Et pour terminer, l’avis des experts proviendrait d’un calcul bien connu en biogéographie, la relation «aire-espèces», qui nous enseigne qu’une réduction de 90% de la superficie d’un milieu entraîne en moyenne la perte de 50% des espèces3Mais encore, les détails de cette relation dépendent bien sûr des écosystèmes, des espèces visées et de nombreux autres facteurs. Par exemple, réduire un milieu naturel de 100 à 10 km2 pourrait faire disparaître certains oiseaux de proie, mais n’affecterait aucunement le bruant à gorge blanche (le «frédéric» de nos forêts qui siffle sans fausser).

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Exemple hypothétique de relation «aire-espèces», c.-à-d. entre le nombre restant d’espèces et la superficie restante d’un milieu rongé par des activités humaines.

Grâce à la figure ci-dessus, on voit que la perte graduelle d’un milieu naturel entraîne des effets de plus en plus graves à mesure qu’on approche une superficie de 0 km. C’est une des rares règles quantitatives en écologie qui tient bon de manière générale, tout en étant non triviale. Mais est-ce que la valeur de 12% occupe une place spéciale ici? Non, disent ceux qui ont étudié la question en détail. En fait, 12% serait bien en deçà de ce qu’il faudrait pour que les écologistes cessent de s’inquiéter. Ne cherchez donc pas de petite flèche sur le graphique pointant vers ce pourcentage.

Les seuils: des leurres
Pourtant, les bureaucrates n’en démordent pas. Ils adorent les seuils : ils sont simples et leur atteinte généralement facile à mesurer. Les écologistes en quête de portée politique les aiment aussi parfois, pour les mêmes raisons. La cible de 12% pour les espaces protégés est un exemple parmi tant d’autres. On n’a qu’à penser au fameux 2°C de réchauffement de l’atmosphère. Si cette dernière devait se réchauffer au-delà de ce seuil, disent de nombreux experts, la catastrophe suivrait. Bien sûr, il faudrait être idiot de penser qu’à 1.9°C plus chaud qu’actuellement, tout serait tiguidou, mais qu’à 2.1°C tout exploserait. Ce seuil climatique de 2°C vient de nulle part scientifiquement (comme de nombreux autres extraits du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évoltion du climat (GIEC) copiés-collés par les journalistes. Mais je m’écarte encore).

N’empêche, j’ai l’impression qu’à force de se faire enfoncer ces seuils dans la gorge, on finit par y croire. Par croire que quelque chose de spécial se produit aux alentours de ces chiffres magiques. Trop souvent, j’ai vu des écologistes pointer un endroit précis sur une courbe graduelle comme celle ci-dessus et déclarer devant mes yeux, qui tentaient en vain de voir une discontinuité, que «le seuil se trouve ici». Si en de rares occasions des seuils semblent bel et bien exister en écologie, ils se font très rares.

Au-delà des seuils…
Vous avez compris que je n’aime PAS les seuils en écologie. Parce que, à mon avis, ils sont généralement des chimères, mais aussi parce que je crains que, lorsqu’ils seront atteints dans le cas des espaces protégés, peu importe leur fondement, 2 choses navrantes se produiront. Premièrement, les éternels insatisfaits seront tentés de hausser ces seuils cibles (move the goal posts, expression anglaise si évocatrice). Deuxièmement, un autre phénomène, plus grave, risque aussi de se produire: la complaisance. La complaisance des décideurs qui ont réglé cette question de terres protégées et qui regardent ensuite ailleurs.
Alors si vous voulez mon avis, pour éviter que les écologistes (activistes ou non) se peinturent dans un coin du territoire, abandonnons au plus vite cette lubie de 12% (ou autre «seuil du jour»: 10%, 17%, etc.). Souhaitons plutôt de partager une vision commune, sans dichotomie (protégé ou pas), de l’unique seuil défendable en matière de saine gestion du territoire, soit 100%.

1 McNeely, J. and K. Miller (Eds.). 1984. National Parks Conservation and Development: the Role of Protected Areas in Sustaining Society, Proceedings of the World Congress on National Parks. Smithsonian Institution Press, Washington, DC.

2 Soulé, M. E. and M. Sanjayan. 1998. «Conservation targets: do they help?» Science 279:2060-2061.

3 MacArthur, R. and E. O. Wilson. 1967. The theory of island biogeography. Princeton University Press, Princeton, NJ, USA.

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  1. Publié le 8 février 2014 | Par Kevin Genest

    Bonjour,
    Je voulais utiliser une opportunité de paraphraser sur le sujet de l'écologie, une définition de l'écocritique en littérature –puisque je participe à un cours représentant les traces de l'histoire de l’environnement au sein des communautés datant d'il y a plusieurs générations– en termes de décennies pour l'étendue des domaines littéraires à étudier pour en relever les différents niveaux d'évolution de notre environnement, c'est-à-dire de tout ce qui influence notre perception et notre compréhension de la thématique portant sur «anthropologie humaine» en fonction de l'histoire de la faune et de la flore qui s'intègre à l'évolution des civilisations, c'est-à-dire que ce qui est la clé pour en détecter les différents états de sa conservation correspond aux traces littéraires de l'histoire environnementale, soit en extrayant ce qui contraste avec ce qui nous est identifiable à ce jour sur son étendue. Alors, ce que je voulais justifier de par l'approfondissement de mon autoconscience au sujet de la nature, est que selon cette «idée en littérature», il est envisageable que ce 12% soit révélateur que quelque chose entourant la définition des «espaces protégés» à été tout simplement vidé de sa référence intellectuelle de par la non-classification des historiques entourant son emploi éventuel (ce qui d'une manière réciproque à la capacité d'ajuster le seuil de pollution urbaine à une période qui se caractérise par l'un ou l'autre des recensements à ce sujet au cours des 3 dernières générations, par les individus qui y ont vécu ou y vivent actuellement et de par la description qui en porte les traces dans les références de 4e catégorie telles que les journaux intimes, les pièces de théâtre, les romans, les nouvelles littéraires non professionnelles, les films locaux et les testaments d'écriture portant sur des biographies de leur auteur(e)s.

    Il n'empêche que de ne pas trouver les traces d'un changement de biomasse ou du gabarit génétique, comme l'évolution d'une espèce particulière par exemple, peut en faire ressortir une coïncidence littéraire dans des références de premier ordre, de par les sujets historiques de leurs rapports, puisque les investissements et développement subséquent expliquent les causes et les besoins en matière de clonage expérimental en biologie, et de ce fait, la technologie elle-même nous rappelle que les conditions génétiques de certaines espèces ont régressé sous le standard appropriée à leur industrie, et il en a résulté de la gêne scientifique à l'encontre de l'expansion des sociétés antérieures qui en dépendaient--mais ont ne vous dira que «DNA» et vous pourrez comprendre que quelque chose de la définition du concept de biomasse a donc essuyer un «oublie du seuil antérieur à la protection de ces mêmes sujets d'études» d'où l'importance de l'écocritique et l'hypothèse qu'il y ait application du même phénomène dans le cas de ce fameux douze pour-cents.

    Ce cours de littérature est intitulé ANG-2200 et le texte est extrait de "J.B. MacKinnon, "Knowledge Extinction" excerpt from ..The Once and Future World.. .
  2. Publié le 5 février 2014 | Par Marietine

    Oui, saine gestion à 100%... ça donne la latitude nécessaire et l'engagement conscient. Merci André ! :) ta namie xx