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Photo de Simon Langlois

Les professions intermédiaires, un monde de femmes

Un bon nombre d’emplois typiques des classes moyennes se trouve classé sous le chapeau des professions intermédiaires. Celles-ci comprennent les infirmières, les enseignants du primaire, du secondaire et du cégep, les employés spécialisés en administration et en gestion de ressources humaines (adjoints à la direction, inspecteurs de l’environnement, etc.) et le personnel spécialisé en services sociaux, par exemple.

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La place occupée par cette strate au sein de la structure sociale québécoise n’a pas changé en 40 ans et elle est restée au 6e rang parmi les 10 strates sociales que j’ai distinguées1. Par contre, son poids relatif dans l’ensemble a augmenté, passant de 7% du total en 1971 à 8,5% en 2011, soit 240 000 personnes. Cette augmentation a contribué au renforcement des classes moyennes québécoises, dont la taille est loin de régresser –comme je l’ai souvent soutenu dans des travaux basés sur d’autres indicateurs[1].2.

Arrivée de nouveaux professionnels intermédiaires
J’ai classé les membres de cette strate sociale en 4 catégories socioprofessionnelles, soit les professionnels intermédiaires dans l’éducation,  la santé et les services sociaux, l’administration et, enfin,  le personnel religieux non classé ailleurs, en nombre marginal cependant.

Entre 1971 et 2011, cette strate sociale est devenue moins fortement dominée par le secteur de l’éducation, car de nouvelles professions intermédiaires ont été créées au fil des ans. Voici une brève analyse des caractéristiques des 3 premières catégories (je n’analyserai pas la 4e, celle des professionnels intermédiaires du domaine religieux encore actifs et excluant les membres du clergé, puisqu’elle comptait seulement 2370 membres en 2011, en nette régression par rapport à 1971).

1- Professionnels intermédiaires en éducation
Les personnes spécialisées en éducation dominaient la strate sociale des professionnels intermédiaires en 1971 (65,6% du total), mais leur part est tombée à la moitié en 2011. Environ 170 000 personnes se trouvent dans cette catégorie (88 000 en 1971). La croissance plus rapide des effectifs dans les autres catégories a contribué à la diminution de l’importance relative du champ de l’éducation, qui reste cependant dominant.

Les enseignants du primaire, du secondaire et du collégial sont les figures centrales de ces professionnels intermédiaires, et il ne faut donc pas se surprendre d’y retrouver une majorité de femmes (environ 70% en 2011).

2- Professionnels intermédiaires en santé et en services sociaux
La figure type des professionnels intermédiaires en santé est celle des infirmières, suivie par celle des travailleurs des services sociaux et communautaires (non diplômés universitaires). Leur part dans l’ensemble de la strate sociale considérée ici est passée de 25% à 30% en 40 ans. Le taux de féminisation est fort élevé dans cette catégorie socioprofessionnelle avec environ 85% de femmes sur toute la période.

3- Professionnels intermédiaires en administration
Le nombre de professionnels intermédiaires en administration est en forte progression, et leur part dans la strate sociale analysée dans ce billet est passée de 7,6% à 18,1% du total entre 1971 et 2011. Cette catégorie comprend les adjoints de direction, les agents de programmes, les spécialistes des services aux entreprises, etc. L’avènement de ces professionnels intermédiaires témoigne de l’importance accrue de l’administration dans notre société, qui a déjà été soulignée lors de l’examen d’autres strates sociales, notamment celles des professionnels, des cadres et des techniciens.

La progression de la présence des femmes dans cette catégorie socioprofessionnelle est à noter, car leur part est passée de 14,6% du total en 1971 à 63,3% en 2011. Les avancées des femmes ont, signalons-le une fois de plus, été beaucoup plus marquées aux différents échelons intermédiaires de l’administration analysés dans plusieurs billets –cadres moyens, professionnels intermédiaires et techniciens– qu’aux échelons supérieurs.

Une strate sociale très féminisée
La forte présence des femmes dans ces 3 grandes composantes de la strate sociale des professionnels intermédiaires mérite que j’en propose maintenant une vue d’ensemble. Considérée du point de vue de la féminisation, cette strate sociale vient tout de suite après celle des employés de bureau –qui a été l’objet d’un précédent billet–, et la part des femmes a continué sa progression, passant à 72,9% en 2011 contre 64,4% en 1971. Les femmes ont donc accentué leur domination dans les professions intermédiaires qu’elles avaient occupées en majorité lors de leur entrée massive sur le marché du travail dans le dernier tiers du 20e siècle (et notamment à partir des années 1970).

Le diplôme joue un rôle central dans l’accès à ces professions intermédiaires. En effet, les femmes sont plus nombreuses à avoir complété avec succès leurs études collégiales ou universitaires (baccalauréat principalement), ce qui a un effet bien concret sur l’accès à ces emplois typiques des classes moyennes.

Il ne faut cependant pas conclure, à partir des statistiques précédentes, que les femmes sont confinées à ces échelons intermédiaires de la stratification sociale dans lesquels elles sont en forte majorité. Bien au contraire, la part que représentent les professions intermédiaires dans l’ensemble de l’emploi féminin a régressé, passant de 14,2% en 1971 à 12,9% en 2011, simplement parce que la présence des femmes dans les autres strates sociales (professionnelles, cadres moyens et techniciennes, notamment) a fortement progressé.

Autrement dit, les femmes sont de nos jours mieux réparties dans l’ensemble de la structure sociale, bien qu’elles continuent de dominer au sein de certaines strates sociales comme celle qui vient d’être examinée.

***
Ce billet est le 9e d’une série sur la mutation sociale du Québec de 1971 à 2011. Pour lire les autres billets:

1. 1971-2011: la mutation sociale radicale du Québec

2. Structure sociale: place aux femmes

3. Pourquoi si peu de femmes chez les cadres supérieurs?

4. Les techniciens, au coeur des classes moyennes

5. Féminisation encore plus forte du travail de bureau

6. Vente et services: 2 secteurs typiques de la société de consommation

7. Déclin et mutation de la classe ouvrière

8. Professionnels: plus de diversité et plus de femmes

1 Voir le premier billet de cette série 1971-2011: la mutation sociale radicale du Québec

2 Simon Langlois, «Mutation des classes moyennes au Québec entre 1982 et 2008»,  Les cahiers des Dix, numéro 63, Québec, Les éditions Laliberté, 2010: pp. 121-143.

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