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Photo de Margarida Romero

Ma recette pour une école québécoise idéale

Le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur est en train de réaliser des consultations publiques sur la réussite éducative. Les idées affluent en grand nombre des différents acteurs éducatifs: élèves, directions d’école, enseignants, parents, professionnels et chercheurs en éducation. Si presque toutes les voix sont unanimes sur le fait qu’il faut changer l’école, les priorités éducatives, le degré d’innovation, les ressources à déployer et la vision de l’éducation dans la société sont très différentes.

ecole

Comme maman immigrante, je pense souvent aux différences entre l’école du pays de mon enfance (Catalogne), celle du pays de ma jeunesse (France) et mon terrain de jeu actuel (Québec). Comme dans d’autres sphères de la vie, j’aimerais bien magasiner des aspects d’un pays et de l’autre pour créer ma propre recette éducative. Rêver ne coûte rien, alors allons-y pour un système éducatif avec des ingrédients pédagogiques de la planète éducation! Je commencerai par mettre en valeur les ingrédients québécois qu’il me semble important de maintenir et d’encourager. J’emprunterai ensuite quelques ingrédients aux systèmes finlandais, français et catalan pour finir avec quelques idées des États-Unis.

La base: les compétences transversales
Comme professeure immigrante en sciences de l’éducation, j’ai d’abord dû apprendre à bien connaître l’école québécoise pour démontrer que je n’étais pas un corps étranger dans le système. J’ai donc frappé aux portes des différents milieux éducatifs, j’ai accepté toutes les invitations des écoles et j’ai fait du Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) mon livre de chevet au cours de mes premières années au Québec.

Le PFEQ est avant-gardiste comparé à d’autres programmes de formation qui lui sont contemporains, notamment dans l’articulation des compétences transversales. Ces compétences se rapprochent, plus que dans d’autres programmes, des compétences du 21e siècle (créativité, collaboration, résolution de problèmes et pensée informatique). Malgré cela, elles sont probablement l’une des parties du PFEQ qui a été la moins développée sur le terrain. Si j’avais une suggestion à faire, ce serait de remettre en lumière les compétences transversales du PFEQ et d’actualiser les compétences TIC pour tenir compte de l’informatique créative 1, de la robotique pédagogique et de la pensée informatique afin de proposer des activités technocréatives2  qui engagent les élèves dans un processus créatif de résolution de problèmes complexes.

Par ailleurs, il faut développer une culture d’innovation et de pensée critique qui permet une plus grande diversité des usages technocréatifs. Il ne s’agit pas d’une question binaire sur l’introduction ou non des iPad en classe (un débat d’ailleurs biaisé envers une marque), mais d’une question sur les valeurs éducatives de liberté pédagogique et technologique3 qui devraient permettre une approche plus diverse et plus riche des usages numériques en classe. Nous devons dépasser les effets de mode (tableau numérique interactif, iPad…) pour considérer une diversité d’outils numériques utiles à la création de toutes sortes: littéraire, d’images, de bande dessinée, en programmation, en électronique et en robotique. Cette diversité doit également promouvoir les solutions libres, permettre de valoriser le matériel existant et partager les investissements numériques entre classes, écoles et laboratoires créatifs numériques tels que l’Espace Lab.

Ingrédients de Finlande, de Catalogne et d’ailleurs
Passons maintenant d’un hiver frette à un hiver kylmä. Au cours des dernières années, la Finlande a été reconnue comme ayant l’un des meilleurs systèmes éducatifs pour le bien-être et l’épanouissement des enfants et, accessoirement (car les tests servent principalement à classer selon des critères parfois discutables), l’un des plus performants aux épreuves PISA4. Le système finlandais est caractérisé par l’autonomie, le respect et la promotion active du bien-être de l’enfant. La société considère les enfants comme des individus à part entière, le métier d’enseignant comme l’un des plus importants dans la société et l’éducation comme une priorité qui doit aller au-delà des intérêts partisans. Les enfants ont plus de temps pour jouer et bouger librement, mais ils participent aussi à des activités d’apprentissage basées sur le jeu et le mouvement (apprentissage incarné). Il s’agit d’une approche ludique et humaniste qui embrasse l’interdisciplinarité et accepte plus volontiers la complexité d’une approche thématique qui dépasse les silos disciplinaires traditionnels5.

Allons maintenant chez les cousins français. Les comparatifs entre l’école française et l’école québécoise ont fait l’objet d’innombrables études. Je me limiterai donc aux idées échangées avec les parents français que je côtoie à Québec. Ils proposent de relever le niveau des exigences linguistiques et la connaissance de la Culture avec grand «C». Comme hybride catalano-andalouse-française, je défends aussi la culture au sens large, mais les amis français finissent souvent par me convaincre de l’importance d’avoir une base plus forte en littérature, en géographie et en histoire universelles. Malgré leurs critiques, la plupart d’entre eux apprécient l’école québécoise pour le développement humain et social des enfants (là où l’école française accentue les inégalités sociales), pour le respect de l’élève et pour les possibilités d’adaptation scolaire.

Descendons au sud des Pyrénées pour faire un détour en Catalogne. Depuis la fin du franquisme, l’école catalane est très orientée vers les innovations. Il fallait sortir de l’école dictatoriale et de ses méthodes pédagogiques punitives pour réinventer un modèle d’école et de société plus ouvertes. Ma génération a été très chanceuse de fréquenter une école où il fallait tout rebâtir, sans peur et sans complexes, pour essayer de nouvelles approches pédagogiques. Nous avons eu des enseignants auxquels on a donné des ailes (à défaut d’un gros salaire) et, malgré le problème des ressources, toujours limitées en Europe du sud, ils nous ont appris par l’exemple la résolution collaborative et créative de problèmes. L’école est un lieu de vie et d’ouverture envers la communauté et elle est une extension de la culture de rue et de quartier qui règne en Méditerranée. En ce temps de crise, l’école est devenue l’un des endroits où la solidarité envers les plus démunis se fait plus présente.

Pour terminer le voyage, arrêtons-nous dans l’un des pays qui comporte le plus d’inégalités (éducatives): les États-Unis. Il est facile de critiquer ce système éducatif, mais nous devons reconnaître à quel point les États-Unis sont une source d’innovations éducatives et technologiques majeures. Des outils collaboratifs et éducatifs Google aux logiciels de programmation visuelle comme Scratch et Kodu, le numérique éducatif au niveau planétaire suit les tendances des États-Unis. Une volonté d’innovation et une ouverture à la prise de risque ainsi que l’accessibilité au financement permettent de créer une puissante culture d’innovation.

Si aucun système n’est parfait, faire un tour d’horizon des écoles d’ici et d’ailleurs offre des pistes pour développer une école plus adaptée aux besoins des enfants et de la société du 21e siècle.

1 Guide sur l’informatique créative

2 Guide d’activités technocréatives pour les enfants du 21siècle

3 15 valeurs éducatives (#CoCreaTIC)

4 Le Program for International Student Assessment (PISA) est un ensemble d’études menées par l’OCDE qui vise la mesure des performances des systèmes éducatifs des pays membres et non membres de l’OCDE. À lire sur le sujet: Les dessous de l’école à succès finlandaise

5 «La Finlande opte pour l’enseignement transversal». Mario Asselin. Le Journal de Montréal. 24 mars 2015.

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