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Photo de Simone Lemieux

Manger en soirée, ça fait grossir?

Vous allez peut-être me trouver bizarre, mais moi, les céréales, je les mange avant de me coucher. Ça fait partie de ma routine depuis très longtemps. Je me rappelle d’ailleurs avoir perdu pied dans l’escalier menant au sous-sol de la maison familiale alors que j’avais 12 ou 13 ans, avec mon bol de céréales à la main. Le dégât était tel qu’il avait contribué à l’établissement d’une nouvelle règle familiale. «Plus de nourriture au sous-sol», avait décrété ma mère. Cette règle n’est pas venue à bout de mon habitude de manger avant de me coucher, qui est souvent qualifiée de non souhaitable puisqu’elle pourrait contribuer à la prise de poids. Est-ce vraiment le cas?

manger

Manger tôt, manger tard: les effets
Ça fait un certain temps que les chercheurs s’intéressent à l’incidence que pourrait avoir la répartition de la prise alimentaire au cours de la journée. Certaines études nous ont ainsi appris que le fait de déjeuner régulièrement était associé à un risque plus faible de gagner du poids1. Par ailleurs, d’autres études en sont arrivées à la conclusion que le fait d’avoir une proportion importante de notre prise alimentaire quotidienne en soirée était associé à un risque accru d’avoir un surplus de poids2.  

Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer cette dernière association. Voyons ma préférée, celle qui me donne souvent l’occasion de parler des mythes en lien avec l’alimentation et le contrôle du poids. Elle va comme suit: quand on mange en soirée, les calories ingérées n’ont pas le temps d’être brûlées avant qu’on s’endorme, alors elles s’accumulent dans nos réserves de graisse. Inévitablement, ces calories nous font donc engraisser…

En fait, selon cette hypothèse, c’est comme si, sur le coup de minuit, on arrêtait le compteur de la balance énergétique et que tout ce qui n’avait pas été mobilisé s’en allait dans les réserves, emprisonné à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle… Une telle explication occulte complètement la dynamique régissant l’établissement de l’équilibre énergétique.

L’équilibre énergétique à la loupe
On définit l’équilibre énergétique comme l’adéquation entre l’apport et la dépense énergétiques. Cette atteinte de l’équilibre se fait dans un contexte dynamique. Ainsi, on ne peut pas prétendre être constamment et parfaitement en équilibre énergétique.

Vous avez peut-être déjà entendu parler de la notion de MET, ou équivalent métabolique, qui est utile pour comprendre le lien entre différentes activités d’intensité variable. On sait qu’au repos, on brûle environ 1 kilocalorie à la minute (1 MET) et que si on s’active, ce taux augmente. Une activité de 10 MET, comme le saut à la corde, demande ainsi 10 fois plus d’énergie (on dépense alors environ 10 kilocalories à la minute). Donc, si on voulait répondre parfaitement et instantanément aux besoins énergétiques du moment, il nous faudrait manger très lentement, toujours de toutes petites quantités de nourriture et nous assurer d’ajuster notre rythme d’ingestion selon notre niveau d’activité physique. Ceci n’est pas réaliste et pour vous en convaincre, essayez de manger une kilocalorie à la minute!

La réalité, c’est qu’on mange habituellement 3 repas et quelques collations par jour. Inévitablement, il y a des moments dans la journée où on a un surplus d’énergie alimentaire qui n’est pas immédiatement utilisé et qui est alors déposé dans nos réserves: les cellules adipeuses pour entreposer les graisses et le glycogène pour stocker les sucres. Cette mise en réserve survient après les repas. Il y a d’autres moments dans la journée où on doit puiser dans nos réserves pour fonctionner, notamment quand cela fait un certain temps qu’on a mangé. On prend du poids à long terme lorsque l’entrée dans les réserves est globalement plus élevée que l’utilisation qu’on en fait.

Revenons maintenant à notre collation de fin de soirée. C’est vrai que celle-ci «traînera» peut-être un peu plus longtemps dans nos réserves, puisque nos besoins énergétiques sont assez faibles lorsque nous dormons. Mais même si l’énergie qu’elle contient n’est pas utilisée aussi rapidement que si nous allions aussitôt courir un 10 km, elle sera mobilisée pour nos besoins énergétiques ultérieurs, même s’ils surviennent le lendemain!

Des explications plausibles
Si les calories des aliments consommés avant de nous coucher ne sont pas emprisonnées dans nos réserves, comment expliquer que les études démontrent qu’une proportion élevée de la prise énergétique quotidienne  en soirée est associée à un gain de poids ?

Tout d’abord, ce que les chercheurs ont observé, c’est que le type d’aliments qu’on mange en soirée peut favoriser la surconsommation. Des aliments à densité énergétique élevée (beaucoup de calories par bouchée) et peu rassasiants composent souvent les collations de fin de soirée (croustilles, biscuits, etc.). Par ailleurs, la fatigue ressentie en fin de journée peut nous rendre moins sensibles à nos signaux de faim et de rassasiement, ce qui peut également favoriser une consommation excessive de nourriture. On note également que les aliments consommés en soirée peuvent être une soupape au stress de la journée et qu’ils peuvent alors être consommés en absence de faim. Ces différents facteurs entraînent une augmentation de l’apport énergétique qui favorise le gain de poids.

En conclusion
La façon dont nous répartissons nos apports alimentaires au cours de la journée serait donc associée au contrôle du poids corporel. Cela s’explique par les choix alimentaires typiquement faits à différents moments de la journée qui influencent au final l’apport énergétique quotidien. Il n’y a donc rien de magique là-dedans. Alors si on tente de vous faire croire que les calories du matin ne valent pas la même chose que celles du soir, soyez sceptique. Contrairement à un jeu de Scrabble, l’option «calorie compte triple» ou «aliment compte double» ne fait pas partie du jeu de l’équilibre énergétique!

1 Timlin MT, Pereira MA. «Breakfast frequency and quality in the etiology of adult obesity and chronic diseases». Nutr Rev 2007; 65(6 Pt 1): 268-281.

2 Baron KG, Reid KJ, Horn LV, Zee PC. «Contribution of evening macronutrient intake to total caloric intake and body mass index». Appetite 2013; 60: 246-251.

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  1. Publié le 1 juin 2016 | Par Martin Guay

    Bravo et merci pour ce papier fort intéressant! C'est toujours un plaisir de lire Simone Lemieux. Ses textes sont rafraîchissants, bien vulgarisés et toujours rédigés dans une langue imagée et précise. L'équilibre entre la science et les applications dans la vie quotidienne me plaît beaucoup!
  2. Publié le 27 mai 2016 | Par Chris

    Je confirme! Petite galette et café à 8h. Gros repas à midi. Souper santé à 18h. Bol de céréales granola à 21h tous les jours depuis des années. Poids santé stable à 100%.
  3. Publié le 20 mai 2016 | Par Rémi d'Anjou

    Ça me fait bien rire ce bol de céréales échappé... Moi, c'est du gruau cru que je mangeais dans une tasse évasée en m'y plongeant la langue, et je viens de reprendre cette habitude après plus de 65 ans. Pas beaucoup, environ 125 ml, car j'ai presque toujours une sensation de faim entre 22h et minuit, et je dois aussi prendre certains médicaments en mangeant un peu. Je n'ai jamais regardé les études énergétiques sur le gruau, mais je sais qu'il gonfle avec du liquide et les seuls liquides qu'il rencontre, c'est ma salive et mes sucs gastriques. L'effet est évidemment la satiété obtenue et je crois aussi qu'il est plus facile de faire passer ainsi les médicaments. Je ne sais ce que les pros de la santé en diraient.
    Je n'ai pas encore échappé ma tasse de gruau dans l'escalier, l'effet serait...
    Merci de vos courts blogues souvent savoureux... à consommer avant le dodo.

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