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Photo de Martin Dubois

Mettez-y de la couleur!

Un nouvel immeuble est apparu dernièrement dans le paysage bâti de Québec. L’édifice Sherpa du boulevard Charest, dans le quartier Saint-Roch, se démarque vraiment par ses façades colorées grâce à de la brique émaillée de 5 teintes différentes:  rouge, orange, jaune, bleu et vert. Cette brique décorant les balcons en saillie de l’immeuble, abritant des logements subventionnés pour personnes en voie de rétablissement après avoir souffert de problèmes de santé mentale ainsi que pour des artistes en émergence, crée un aspect fantaisiste rarement vu ces dernières années dans la Capitale. Ceci m’amène donc à vous parler du rôle de la couleur sur nos bâtiments et du fait qu’on n’ose souvent pas assez exploiter la couleur en architecture. Par mes billets précédents, vous avez pu constater que j’apprécie tout particulièrement l’architecture épurée, les volumes tout blancs, le béton brut. N’empêche qu’un peu de couleur de temps en temps, ça égaie la ville et ça stimule nos sens!

 Photo Patrice Laroche, Le Soleil

Édifice Sherpa. Architectes : Lafond Côté, 2012-2013.
Photo Patrice Laroche, Le Soleil


La couleur à travers les époques
Jusqu’au début du 20e siècle, l’utilisation de la couleur en architecture était relativement limitée et les coloris extérieurs des bâtiments étaient souvent ceux des matériaux eux-mêmes, tels le gris de la pierre, le rouge de la brique d’argile, le vert des toitures en cuivre. On réservait souvent la polychromie aux décors intérieurs comme dans certaines églises où la dorure et les vitraux, mais aussi les fresques peintes et les ornements colorés, étaient monnaie courante.

L’arrivée de nouveaux matériaux a parfois introduit de nouveaux coloris dans la ville. Ainsi, au début du 19e siècle, lorsque les Britanniques ouvrent de nouvelles carrières de pierre de grès aux environs de Québec pour la construction des fortifications actuelles et de la Citadelle, cette maçonnerie aux reflets verdâtres change la couleur des paysages urbains du Vieux-Québec, car plusieurs des maisons en sont aussi peu à peu recouvertes. Quelques années plus tard, l’arrivée en abondance de la brique d’Écosse de couleur beige-jaune, qui servait à lester les cales des nombreux navires venus s’approvisionner en bois à Québec, a aussi complètement modifié la couleur du cadre bâti de Québec, notamment celui des faubourgs qui, au lendemain des incendies, se reconstruisait avec ce matériau incombustible.

Pendant longtemps, à l’extérieur des bâtiments, il n’y avait que le bois et les enduits (crépi) qu’on peignait ou teintait. Les couleurs utilisées traditionnellement découlaient de l’ajout de pigments naturels aux enduits ou à la peinture. Par exemple, les teintes de jaune étaient obtenues à partir de l’ocre, le blanc éclatant à partir du plomb, le rouge à partir de l’oxyde de fer, le bleu à partir de l’indigo ou du bleu de cobalt, le vert et le brun à partir du brou de noix ou du mélange des autres pigments. C’est pourquoi certaines couleurs traditionnelles portent des noms évocateurs tels le noir de fumée, le sang de bœuf, le blanc de plomb, le jaune ocre, etc. Plus souvent qu’autrement, en raison de leur disponibilité, les couleurs n’étaient utilisées qu’avec parcimonie sur le revêtement extérieur des maisons: pour les encadrements de fenêtres ou les décorations de galerie, par exemple.

 Le 20e siècle, avec ses procédés industriels, a permis toute une révolution en ce qui a trait à la couleur. Les manufacturiers de peinture et de matériaux peuvent dès lors offrir toute une gamme de coloris dont les couleurs sont plus constantes et standardisées. Des styles architecturaux ont largement profité, plus que d’autres, de cette révolution chromatique. L’Art déco notamment, dont j’ai parlé dans un billet précédent, a fait bon usage des couleurs pastel dans certaines de ses déclinaisons.

 Après la Seconde Guerre mondiale, des panneaux de verre colorés, de la brique émaillée et des céramiques polychromes, destinés à revêtir les façades d’immeuble, font aussi leur apparition. Qui se souvient des panneaux orangés de l’édifice Lafayette du quartier Saint-Roch ou des murs multicolores du Kaléidoscope d’Expo 67 ? Le centre médical Berger à Québec est également un bon exemple avec son mur de brique émaillé rouge qui tranche avec ses autres murs blancs.

Centre médical Berger, Québec. Architecte : Jean-Marie Roy, 1963-1965. Photo : Laurent Goulard.

Centre médical Berger, Québec. Architecte : Jean-Marie Roy, 1963-1965.
Photo Laurent Goulard

 

Cette exploitation de la couleur par les architectes de la modernité a cependant été de courte durée et peu de bâtiments aux couleurs vives ont ensuite pris place dans nos villes québécoises, à part peut-être quelques immeubles où le caractère plus ludique de la fonction peut s’affirmer par la couleur. C’est le cas de certains centres de la petite enfance ou d’écoles primaires qui sont parfois plus colorés que la moyenne. Certains bâtiments à vocation culturelle, tels des salles de spectacles ou des musées, ainsi que des immeubles commerciaux s’éclatent également un peu plus à cet égard. Mais règle générale, notre architecture reste plutôt monochrome et sage en matière de coloration.

Des architectes qui affichent leur couleur
Dans la dernière décennie, certains architectes québécois ont un peu fait de la couleur leur marque de commerce. Je pense notamment aux architectes Saïa Barbarese Topouzanov de Montréal qui ont fait preuve d’originalité dans plusieurs projets où la couleur prend une grande place. Nous n’avons qu’à penser à la grande verrière multicolore du Palais des congrès de Montréal ou au pavillon Lassonde de l’Université de Montréal (intérieur surtout). Les agences Atelier Big City et Sid Lee Architecture, aussi de Montréal, sont également parmi celles qui osent le plus du côté de la couleur, autant dans leurs projets résidentiels que commerciaux et culturels.

CentreCongresMtl

Le Palais des congrès de Montréal. Architectes : Saïa Barbarese Topouzanov, 2003.

 

Bien sûr, lorsqu’il est question de couleurs en architecture, cela fait rarement l’unanimité. Certains aiment et crient au génie tandis que d’autres détestent et préfèrent plus de sobriété. Il faut toutefois convenir que cela prend une certaine audace pour appliquer des couleurs vives sur des édifices qui deviennent ainsi clairement distinctifs et originaux. L’idée ici n’est pas de vous inciter à peindre votre maison mauve ou vert olive, mais plutôt de garder l’esprit ouvert devant des œuvres architecturales colorées ou bigarrées qui rafraîchissent et égaient un peu nos paysages urbains.

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