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Photo de Frank Pons

«Nous sommes tous Québécois» ou l’opportuniste cri du coeur des compagnies

Récemment, on m’a demandé de commenter le fait que de nombreuses compagnies semblent utiliser la fibre québécoise et leur proximité du marché québécois pour promouvoir leurs produits et services et s’assurer d’une image positive auprès des consommateurs de la province. Des exemples récents provenant de Bell ou de Walmart ne manquent pas.

Trouvant le sujet particulièrement pertinent, j’ai décidé d’en faire un billet.

La spécificité québécoise…
Il est inutile de se demander si le Québec représente une société et une culture distinctes en Amérique du Nord. Cet aspect a été soutenu de manière politique mais aussi culturelle et, dans le cas qui nous intéresse, commerciale. Ainsi, dès le début des années 70, certaines compagnies (et leurs agences de publicité) ont rapidement compris que la simple traduction de leurs messages ne suffisait pas à se rapprocher des consommateurs québécois. Dans son ouvrage repère (Les 36 cordes sensibles des Québécois) publié en 1978 et actualisé en 2006 et dressant un nouveau portrait des Québécois, Jacques Bouchard, un des pères de la spécificité québécoise en termes de publicité, s’attache à démontrer comment les Québécois diffèrent des autres Canadiens et Nord-Américains. Même si cette référence a été fortement critiquée et si certaines valeurs ont grandement évolué ou changé, elle demeure le symbole de la différence québécoise particulièrement à des fins publicitaires.

La proximité, un gage de succès pour les compagnies?
Il s’est avéré rapidement que les compagnies ayant choisi de se focaliser sur la spécificité du marché québécois et de montrer aux consommateurs locaux qu’ils embrassaient cette différence ont rapidement connu beaucoup de succès. L’exemple le plus célèbre est sans aucun doute le choix de Pepsi de s’associer à l’humoriste et acteur québécois Claude Meunier, qui est devenu depuis plus de 25 ans le visage de la compagnie au Québec… Qui ne se rappelle pas avec un large sourire des publicités suivantes? -))[youtube_sc url= »http://www.youtube.com/watch?v=y9hWunTKiEk » width= »600″]

Les résultats ont été exceptionnels et le Québec est devenu une chasse gardée de Pepsi, un des seuls territoires au monde où Pepsi possède près de 60% des parts de marché, contrairement à Coke qui en possède un maigre 25 à 30%. Avec des slogans tels que «Ici, c’est Pepsi!», la marque s’est imposée localement comme le choix principal des Québécois. Mais est-ce réellement surprenant?

En fait, les Québécois ne sont pas vraiment différents des Français, des Allemands, des Chinois ou des Indiens. En effet, il est évident que nous allons répondre plus favorablement à un message personnalisé, culturellement proche de nos valeurs et mettant en avant notre identité (même si quelquefois le caractère global de certaines marques comme Starbucks ou Apple peut plaire et supplanter le caractère national). Alors pourquoi toutes les compagnies n’adaptent-elles pas leur stratégie en localisant leurs achats, leurs productions et leurs communications?

La réponse est simple. Elle se trouve dans l’argument économique et dans celui de la taille de marché ou de profitabilité. En effet, les coûts engendrés pour adapter une campagne de communication, déplacer une production ou la gérer localement sont mis en parallèle avec les retombées potentielles pour la compagnie. La stratégie d’affaires l’emporte alors sur le fait de vouloir satisfaire et servir les consommateurs locaux du mieux possible en adaptant l’offre. Il coûtait moins cher à Coke de simplement traduire ses publicités nord-américaines que de développer un axe de communication local comme Pepsi l’avait fait… mais le choix de Pepsi s’inscrivait dans la durée et misait non pas sur la taille du marché québécois à un moment donné, mais sur la valeur financière d’un consommateur fidèle à long terme.

Alors oui, la proximité est un gage de succès pour une compagnie, mais à quel prix?

Pourquoi cette recrudescence de l’utilisation de «la fibre québécoise» par les entreprises?
On assiste depuis quelques années à une multiplication de l’utilisation du «Acheté au Québec» ou «Fait au Québec» dans le commerce de détail…

… ou des annonces de relations publiques expliquant l’importance de la teneur québécoise (et souvent francophone) des organisations (Bell, Canadien de Montréal, etc.)…

… ou encore l’utilisation de porte-parole et de célébrités québécoises dans les publicités (Martin Matte pour Honda, Guillaume Lemay-Thivierge pour Hyundai, etc.).[youtube_sc url= »http://www.youtube.com/watch?v=aUD0-216a4A&feature=results_main&playnext=1&list=PL12AF93EB90947E36″ width= »600″][youtube_sc url= »http://www.youtube.com/watch?v=16OJSYAaBxU » width= »600″]

Si certaines compagnies ont depuis longtemps misé sur cette stratégie «locale» (Pepsi depuis 25 ans, Honda depuis plus de 10 ans, etc.), d’autres ont sauté de manière plus opportuniste et récente dans ce positionnement. Il existe plusieurs raisons potentielles pour expliquer ce phénomène.

En premier lieu, la relative bonne santé de l’économie québécoise et son maintien au cours des dernières années justifient pour certaines compagnies d’accorder plus d’attention au marché québécois et de globalement mieux le servir.

Deuxièmement, l’importance de la réputation corporative et sa contribution à la valeur de la marque à long terme ont rendu l’équation de rendement économique plus complexe et de plus en plus de compagnies comprennent l’importance de créer une aura positive autour de leur organisation et de ne pas aliéner certains consommateurs. Cet aspect prend d’autant plus d’importance avec le développement relatif d’un courant de méfiance du grand public à l’égard des grandes organisations (notamment celles présentes en bourse). Celles-ci veulent ainsi se rapprocher de leurs consommateurs et, au Québec, la (re)construction de cette relation passe par une plus grande proximité avec les consommateurs… mais méfiance, car l’authenticité de ce rapprochement est essentielle… et les consommateurs sont de plus en plus alertes et informés alors les compagnies se doivent de croire en ce rapprochement et ne pas envoyer simplement des écrans de fumée. -))

En attendant, la dernière publicité québécoise de Pepsi, toujours touchant les mêmes cordes sensibles (humour, proximité et affirmation de la différence)… je lui promets un bon succès. [youtube_sc url= »http://www.youtube.com/watch?v=pcK-eWi3sgE » width= »600″]

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  1. Publié le 30 janvier 2014 | Par Chema

    J'ai trouvé l'article vraiment intéresant, et c'est vrai que la culture québecoise c'est unique au monde (il y a des cas comme la Catalunya qui sont pareils, mais jamais au même niveau).

    Moi qui viens d'un autre pays et qui ai habité à Québec, je trouve une culture qui veut être différente des autres, et c'est le cas de préferer le Pepsi (quand les Américains et les Canadiens préferent Coca) ou de supporter une équipe comme les Canadiens.

    Félicitations Frank!

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