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Photo de Simone Lemieux

Nutrition sportive, betterave et avis d’expert

Mon «p’tit» côté rebelle m’amène à faire preuve de paresse en ce mois de l’activité physique. À pareille date l’an passé, je vous disais que faire de l’exercice pouvait nous aider à mieux manger. Aujourd’hui, j’inverse simplement l’équation et vous parlerai de l’effet de l’alimentation sur la performance sportive.

sportive

Ce n’est qu’une toute petite paresse intellectuelle, direz-vous. Mais ce n’est pas tout! Plutôt que de faire le tour de la littérature scientifique pour répondre à mes questions, j’ai décidé de prendre un raccourci et de faire appel à un expert. De plus, je n’ai pas eu à courir très longtemps pour trouver ce spécialiste, puisqu’il s’agit de Benoît Lamarche, titulaire de la Chaire de nutrition de l’Université Laval, collègue de l’École de nutrition et expert en nutrition sportive. Ceux qui me connaissent savent qu’il est aussi mon mari depuis près de 20 ans.

Bien que lui et moi ayons déjà eu l’occasion de parler de nutrition sportive, nous ne l’avions jamais fait dans un contexte plus formel. Voici donc de quoi a eu l’air notre entretien.

Dans quelle mesure optimiser son alimentation peut-il améliorer la performance sportive?
Il ne faut pas se faire d’illusions, manger de façon optimale ne peut pas faire d’un athlète de calibre provincial un champion olympique. Cela dit, la nutrition est importante, mais je dirais que les effets négatifs de manger «tout croche» sont probablement plus marqués que les effets positifs de bien manger. À ce sujet, je me rappellerai toujours de ce qu’avait dit un champion du monde d’Ironman lors d’un congrès sur la nutrition sportive auquel j’ai participé il y a quelques années. Il avait dit que la nutrition lui avait surtout fait perdre des courses. Quand je lui ai demandé si la nutrition lui en avait fait gagner, il a dit non! On peut donc comprendre par son propos qu’une alimentation optimale permet peut-être de suivre le plan de course et d’avoir une performance à la hauteur des attentes, mais qu’une alimentation inadéquate avant et pendant une course peut vraiment tout bousiller. Je suis pas mal d’accord avec ça.

On pourrait donc dire que la nutrition joue un peu le rôle d’un acteur de soutien dans la performance sportive?
Oui, c’est un peu comme ça que je vois le rôle principal de la nutrition sportive. Ça rend possible l’exploitation d’un talent, ça permet de mettre à profit les effets de l’entraînement. Un peu comme le sommeil, qui est essentiel mais qui a ses limites pour la performance sportive. À un moment donné, il y a des limites au nombre d’heures où tu peux dormir!

Dans la tête de bien des gens, la nutrition sportive correspond à la prise de suppléments alimentaires ou encore se limite à ce que l’athlète doit manger le matin de sa course. Dans les faits, la partie la plus importante pour un athlète est sans aucun doute l’équilibre de son alimentation au quotidien. On parle ici d’une alimentation qui répond aux besoins énergétiques et qui est équilibrée. Un athlète qui ne mange pas assez et perd du poids devient vulnérable à plusieurs points de vue, et ses performances risquent de s’en ressentir. Même chose si un athlète a une alimentation déficiente en fer. Il risque de développer de l’anémie et d’être plus souvent malade, puisque le fer aide à prévenir les infections. Cela aura une incidence majeure sur son entraînement, sa récupération et sa performance à long terme. Même si ces athlètes-là prenaient tous les suppléments qui existent pour améliorer leurs performances, si à la base, l’équilibre de l’alimentation est déficient, ils risquent bien de performer au-dessous de leur potentiel.

Dans les sports d’endurance, le «quoi manger» avant, pendant et après l’entraînement est particulièrement déterminant. Par exemple, ça prend des quantités suffisantes de glucides qui servent d’important carburant pendant l’effort. Comparativement au gras, le corps ne peut pas emmagasiner de grandes réserves de glucides, alors il faut vraiment s’assurer d’en consommer de bonnes quantités pour ne pas en manquer. L’alimentation doit aussi favoriser la récupération. On doit refaire les réserves, surtout pour les glucides, mais les muscles ont aussi besoin de protéines pour bien récupérer.

Tu viens de parler de l’importance des protéines pour la récupération. J’ai l’impression que les gens s’illusionnent un peu sur l’effet des protéines et en consomment plus que ce qui est nécessaire.
C’est clair que le mythe «protéines» est très fort. Les athlètes de tous les niveaux qui fréquentent des salles d’entraînement sont surexposés aux soi-disant bienfaits des protéines. C’est un phénomène qu’on voit surtout chez les hommes. Le désir de «prendre du muscle» est bien présent. C’est fou de voir la quantité de jeunes hommes avec un shake de protéines à la main dans le vestiaire du PEPS. Et il y a des shakes pour avant, pendant et après l’entraînement! C’est vrai que les protéines alimentaires aident à la «réparation» musculaire après l’effort, particulièrement en phase anabolique, environ dans les 2 heures qui suivent cet entraînement. Mais les études sont claires: pendant cette période, ça ne donne rien d’avoir une consommation alimentaire qui dépasse 20-30 g de protéines; la synthèse protéique est alors saturée. Les shakes contiennent souvent beaucoup plus que ça. En plus, on peut facilement combler les besoins en protéines par des aliments. Les suppléments de protéines ne sont donc pas nécessaires. 

En ce moment, quelles sont les nouveautés qui ont la cote?
Le jus de betterave et ses extraits sont très hot en ce moment. Des études ont montré que les nitrates de la betterave auraient des effets vasodilatateurs. Pour un même effort, tu utilises moins d’oxygène, donc ça augmente l’efficacité métabolique. Les produits qui peuvent agir comme tampons d’acide lactique sont très populaires. Depuis longtemps, des athlètes utilisent le bicarbonate de soude pour aider à neutraliser l’acide lactique produit lors d’efforts physiques de très haute intensité. Depuis peu, des suppléments de beta-alanine sont aussi consommés pour jouer ce rôle.

J’imagine que la consommation de ces produits nécessite une certaine supervision…
Absolument, et je dirais que ces produits, qui sont tout à fait légaux en passant, devraient être réservés aux athlètes de très haut niveau qui ont déjà une alimentation de base de qualité optimale. Le gain associé à ces suppléments est minuscule par rapport au reste. On parle, par exemple, d’une amélioration d’une demi-seconde sur un effort de 2 minutes. C’est un effet négligeable pour un sportif amateur, mais pour un athlète olympique, ça peut faire la différence entre une 6e place et un podium!

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le sujet de la nutrition sportive, je n’aurai pas le choix de te réinviter sur mon blogue!
Ça me fera plaisir, je ne suis jamais bien loin…

Références
Pour ceux qui aimeraient consulter des livres sur la nutrition sportive, voici 2 suggestions:

  1. Chouinard R, Lacombe N. Course à pied: le guide d’entraînement et de nutrition. Éditions KMAG, 2013, 321 pages.
  2. Ledoux M, Lacombe N, Saint-Martin G. Nutrition sport et performance, 2eéd. Vélo Québec Éditions, coll. Géo Plein Air, 2009, 296 pages.
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  1. Publié le 26 mai 2015 | Par Marie-Andrée Leclerc

    Très intéressant! J'ai connu M. Lamarche au DESS en alimentation fonctionnelle et santé et je lis maintenant religieusement les interventions sur ce blogue. Je dois dire que cet article commun me plaît beaucoup et consolide l'idée que je me faisais du sujet. Merci pour ce beau duo!
  2. Publié le 22 mai 2015 | Par Brigitte Poitras

    Bonjour Madame Lemieux,

    Votre article est très intéressant, je lis tous vos blogues et j'en apprends à chaque fois.

    Merci!

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