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Photo de Martin Dubois

S’approprier la rue

En cette fin d’été, je tenais à revenir sur plusieurs manifestations citoyennes qui ont retenu mon attention au cours des derniers mois à Québec et qui démontrent un véritable engouement de la population pour s’approprier la rue, ou l’espace collectif en général. L’expérience qui a le plus fait jaser est sans doute le stationnement pour piétons de Limoilou où, à l’initiative de citoyens engagés, des espaces de stationnement automobile ont été investis par une placette temporaire dotée de bancs publics, d’un peu de verdure et d’un piano offerts aux passants et aux mélomanes. Conçue par l’architecte et résident de Limoilou Érick Rivard, cette installation aux lignes contemporaines s’inscrit dans le mouvement des parklets (placettes) initié à San Francisco et qui compte des dizaines d’exemples du genre. Je trouve cette idée rafraîchissante et ludique à souhait. Même le maire de Québec, Régis Labeaume, a craqué pour ce stationnement pour piétons alliant folie et créativité: «Si vous avez d’autres projets fous comme ça, venez nous voir!».

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Stationnement pour piétons sur la 3e avenue
Photo Arnaud Bertrand, Monlimoilou.com

Plusieurs autres initiatives s’inscrivant dans la même dynamique ont vu le jour cet été. Ces dernières s’ajoutent à toutes les fêtes de rue ou de quartier et aux festivals qui redonnent la chaussée aux piétons le temps d’une journée, d’une fin de semaine ou de plus longues périodes. De la Grande Allée à la rue Saint-Vallier, en passant par la rue Saint-Jean et la 3e Avenue, les citoyens envahissent l’espace public libre de voitures pour une vente-débarras, un cinéma en plein air, un spectacle musical ou simplement pour siroter un verre sur une terrasse.

Le concept de rue partagée, comme la rue Sainte-Claire dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, réaménagée pour favoriser les circulations piétonnes et cyclistes sans nécessairement bannir l’automobile, implique également une certaine appropriation de la rue par les citoyens. Le dîner en blanc, qui réunit chaque année des milliers de convives tout de blanc vêtus à un chic banquet en plein air dans un endroit tenu secret jusqu’à la dernière minute, est aussi une façon originale d’habiter des lieux publics. À quand la journée mondiale du hockey bottine dans la rue? Ou le symposium du dessin à la craie sur le bitume? Ou un «speaker corner» –coin des orateurs– sur une place publique, pourquoi pas?

Cabane à bouquins Escargot, escalier Lavigueur. Conception : Gigi Wenger. Fabrication et installation : Jean-François Duval. Photo Verdir et divertir

La cabane à bouquins Escargot, escalier Lavigueur
Photo Verdir et divertir

Des cabanes à bouquins
Autre manifestation originale: des armoires en plein espace public contenant des livres en libre circulation. On trouvait cet été 2 de ces cabanes dans les escaliers reliant les quartiers Saint-Jean-Baptiste et Saint-Roch. À l’initiative de Frédéric Dutil, fondateur de l’organisme Verdir et Divertir, ces «bibliothèques publiques», membres francophones du réseau américain «Little free Library», participent au caractère artistique du secteur. La cabane de l’escalier Lavigueur, imaginée par Gigi Wenger, représente un escargot tandis que celle de l’escalier Badelard prend la forme d’un bateau signé par Simon Boudreault. Les cabanes sont alimentées en livres par les citoyens, et cela semble très bien fonctionner.

De l’art public
Peut-être avez-vous aperçu, pendant le Festival d’été de Québec, les lampounettes, ces lampes de bureau géantes sur l’avenue Cartier ou la rue D’Auteuil. Ou bien les six œuvres d’art public dans le secteur du Vieux-Port commandées par la Ville de Québec à l’organisme EXMURO. Réunies sous le thème Les passages insolites, ces échappées ludiques deviennent de beaux espaces de jeu pour les passants qui peuvent toucher les œuvres et interagir avec elles. Ce type d’art éphémère de la rue est de plus en plus populaire et amuse autant les résidents que les touristes. Même s’il ne s’agit pas d’initiatives citoyennes, ces manifestations artistiques animent la rue, rendent l’espace urbain plus vivant et donnent une touche de folie à cette ville souvent trop sage. Ces installations temporaires ont aussi le mérite de mettre directement en contact les citoyens et l’art contemporain, car ce n’est pas tout le monde qui fréquente les musées et les galeries pour apprécier ce type d’art actuel.

Le passage Delirious Frites, créé par les finissants en architecture Alexandre Hamlyn, Gabrielle Blais-Dufour et Robin Dupuis  Photo Pascal Ratthé, Le Soleil

Le passage Delirious Frites, créé par les finissants en architecture Alexandre Hamlyn, Gabrielle Blais-Dufour et Robin Dupuis
Photo Pascal Ratthé, Le Soleil

De l’agriculture urbaine
Les potagers urbains ou communautaires ainsi que les ruelles vertes ne sont pas des concepts nouveaux et continuent à être populaires dans différents secteurs de la ville. Mais c’est toujours réjouissant que des citoyens prennent l’initiative de verdir et d’aménager leur rue ou leur quartier pour ramener un peu de nature en ville. C’est le cas du jardin secret de la rue Lavigueur dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, qui compte peu d’espaces verts mais beaucoup d’îlots de chaleur. À l’occasion de la fête des voisins en juin, des résidents du secteur ont créé un jardin de fines herbes et de lavande qui empiète sur l’espace public. Je suis bien d’accord avec les participants à cette corvée qui considèrent qu’ils ont posé un geste de responsabilité sociale. La Ville et la communauté en général ont intérêt à ce que des gens comme eux participent à l’effort collectif en améliorant leur milieu de vie.

Cela me rappelle les efforts de citoyens du quartier Saint-Roch qui, dans les années 1990, avaient réussi, à force de détermination, à aménager un jardin sur un terrain vague de l’îlot Fleurie. Ce jardin empli de fleurs et d’œuvres artistiques, aujourd’hui déplacé sous les bretelles de l’autoroute Dufferin-Montmorency, a été un point marquant dans l’histoire des mouvements citoyens à Québec.

Des aménagements collectifs et du sociofinancement
Le collectif LE BANC, composé d’une dizaine de passionnés et d’étudiants des milieux de l’architecture et de l’urbanisme, aménage depuis l’an dernier des placettes avec bancs publics et bacs à fleurs dans des endroits délaissés, mais plein de potentiel. Ce collectif voit la ville comme un laboratoire et l’espace public, comme un terrain d’expérimentation. «Il souhaite concevoir et investir des lieux du quotidien par des interventions minimales, simples, conviviales et appropriables, qui susciteront la curiosité et la réflexion des passants sur les potentiels oubliés de leur milieu de vie». Le «banc d’église», installé en 2013 près du perron de l’église Notre-Dame-de-Jacques-Cartier sur la rue Saint-Joseph dans Saint-Roch, est l’une de leur installation éphémère. LE BANC a recours depuis cette année au sociofinancement pour la réalisation de projets comme des potagers urbains ou des espaces publics à aménager. Cette forme d’alliance qui se pointe à Québec prendra probablement de l’ampleur dans les prochaines années.

En cette ère où les comportements individualistes semblent atteindre des sommets, des gestes ayant pour but de créer de petits espaces collectifs où des gens pourront se rencontrer, de verdir la ville pour améliorer nos espaces de vie ou de démocratiser l’art pour en faire profiter le plus grand nombre sont toujours les bienvenus. Il en résultera une ville plus conviviale, plus verte et plus agréable à vivre. Encourageons de telles initiatives, contaminons nos voisins et participons à la prochaine corvée qui aura lieu dans notre rue!

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Pour découvrir les manifestations citoyennes et les projets inspirants de l’été 2015 à Québec, consultez la suite de ce billet. 

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  1. Publié le 12 septembre 2014 | Par André Desrochers

    On dit que le civisme est une foule de petites choses. Vous nous montrez que le bonheur en ville, c'est aussi le cas. Ma découverte de la cabane à bouquins de l'escalier Lavigueur fut un des beaux petits moments de mon été.
    Merci pour le billet rempli de beaux récits!
  2. Publié le 4 septembre 2014 | Par Jaslynn

    Such a wonderful idea... That open public space library impressed me a lot....

    Thanks.
    Jaslynn,
    Edubilla.com

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