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Photo de Colette Brin

Un coup de pouce pour l'innovation

Je réfléchis présentement à un projet un peu fou: la mise sur pied d’un organisme de soutien à l’innovation et au développement de bonnes pratiques en matière d’information.

Les initiatives indépendantes pour promouvoir l’information de qualité bourgeonnent au Québec, parfois dans des lieux insoupçonnés. Dans les meilleurs des cas, elles servent de véritables laboratoires en milieu naturel pour les entreprises de presse. Ce sont par contre le plus souvent des projets personnels et bénévoles: les artisans y investissent talent et énergie mais assument tous les risques, notamment financiers. Beaucoup de ces projets, pourtant prometteurs, s’éteignent trop rapidement faute de ressources ou de visibilité.

Couverture

Le deuxième numéro du magazine Nouveau projet, qui compte parmi ses partenaires la Faculté de philosophie de l’Université Laval et dont le professeur Jocelyn Maclure est cofondateur, avec le journaliste Nicolas Langelier.

Compte tenu des défis importants en information au Québec –alphabétisation, éducation et formation continue, diversité culturelle et régionale, changements technologiques, entre autres–, de telles initiatives sont pourtant vitales. Le développement du mécénat, combiné à des aides publiques bien ciblées, pourrait servir à soutenir et diversifier notre écosystème médiatique.

Une fondation pour l’information de qualité?
La culture du mécénat n’est pas très développée au Québec. L’intervention de l’État y est davantage privilégiée. Mais les subventions exigent de la part des demandeurs une connaissance fine des rouages des programmes et des règles des concours. Les dossiers de demandes peuvent prendre des semaines, voire des mois à préparer. Les fondations et autres organismes philanthropiques permettent de pallier ces limites et de soutenir, avec plus de souplesse, des initiatives d’intérêt public qui ne correspondent pas aux critères, souvent assez stricts, des programmes gouvernementaux.

Car les ressources de l’État –et des donateurs potentiels– étant limitées, il faut bien établir des priorités de financement. À mon sens, le développement d’applications technologiques et l’autonomie financière à long terme peuvent faire partie de tels projets, mais ne devraient pas en être le moteur.

Je conçois plutôt une fondation consacrée à l’information de qualité, sorte de croisement entre le Conseil de presse du Québec et la Fondation québécoise pour l’alphabétisation. Elle aurait comme mission première le développement des compétences, voire des «bonnes pratiques» à toutes les étapes du processus: la mise en forme, la diffusion et la réception de l’information. Il s’agit là d’une des responsabilités du système d’éducation, mais force est de constater que celui-ci ne suffit plus à la tâche dans l’environnement numérique.

Des fondations américaines comme Knight, Pew et Poynter œuvrent dans ce domaine depuis des décennies. Le rapport du Groupe de travail sur le journalisme et l’avenir de l’information au Québec a recommandé la mise sur pied d’un fonds pour le journalisme à l’instar des ProPublica et autres OSBL vouées au journalisme d’intérêt public.

Et l’université?
J’ai collaboré à lancer, il y a 7 ans, un observatoire indépendant sur le journalisme et les médias, ProjetJ, grâce au soutien de la Fondation pour le journalisme canadien, basée à Toronto. Cette initiative vise à animer le débat et la réflexion sur les pratiques dans cet esprit de développement de la qualité de l’information, surtout par le travail journalistique, mais elle s’adresse aussi aux compétences critiques du public. Des programmes de journalisme ont été parmi les premiers partenaires institutionnels du projet, en raison surtout de leur mission de formation professionnelle. L’expertise en recherche contribue également à alimenter ProjetJ, quoique de manière plus indirecte.

Les universités devraient logiquement être aux premières loges de l’innovation, mais des rigidités bureaucratiques et le refus –légitime– de succomber aux effets de mode ou à l’improvisation en font en réalité des lieux assez conservateurs, surtout sur le plan de la formation. Sans renier ce rôle de transmission des savoirs traditionnels, il faut aussi faire une place à l’expérimentation et à la réflexion sur les nouvelles pratiques. Bref, l’innovation ne devrait pas être considérée comme le domaine privilégié du secteur commercial (où on se contente aussi, bien souvent, des façons de faire traditionnelles).

Cette réflexion sur le développement des compétences informationnelles pourrait s’appuyer sur l’état actuel des connaissances dans diverses disciplines rattachées de près ou de loin à la communication: approches cognitives, neuroscientifiques, psychosociologiques, linguistiques, sociopolitiques… Elle pourrait mobiliser également les bibliothécaires universitaires, véritables experts en matière de recherche et d’utilisation de l’information.

C’est une cause complexe et abstraite, moins spectaculaire et plus difficile à vendre à d’éventuels donateurs que l’aide directe aux démunis et les maladies infantiles. Pourtant, les compétences informationnelles sont à la base même du système démocratique et contribuent justement à trouver des solutions durables à ces problèmes plus «urgents».

Quelques initiatives récentes:

–        Des productions journalistiques originales voient le jour au Québec, notamment grâce à des plateformes de sociofinancement: le magazine Nouveau projet, le journal en ligne Le République et le reportage au Mali de Martin Forgues.

–        Des collectifs en ligne pour cultiver les compétences critiques du public en information: Les Chihuahuas de la démocratie, Faits et causes, Le Magazine du Conseil de presse du Québec.

–        À l’occasion du Congrès des milieux documentaires, une lecture un peu débridée d’un ouvrage intitulé Profession bibliothécaire, pour dépoussiérer un peu l’image du métier.

– Le magazine Protégez-vous, rare exemple de longévité pour un OSBL dans le secteur médiatique (fondé en 1973!), propose un guide très bien fait des sources Web d’information en santé au Québec.

Merci à Marie Hélène Labory, bibliothécaire professionnelle, pour les nombreux échanges virtuels qui ont nourri ce texte.

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  1. Publié le 31 octobre 2012 | Par Katherine

    Initiative qui m'apparaît fort pertinente.

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