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Le cancer du sein sans dentelle

10 réalités du retour à la vie normale

Des chercheuses ont soumis au test de la vérité différents mythes sur la vie après un cancer du sein. Comparez vos opinions à leurs résultats!

Depuis plus de 25 ans, l’épidémiologiste Elizabeth Maunsell1 cherche à comprendre comment se vit le retour à la normalité, après des traitements contre le cancer du sein. Au gré de ses enquêtes auprès des femmes qui ont vécu cette période difficile, elle a déboulonné plusieurs mythes. Son travail et celui de sa collègue Josée Savard2, professeure à l’École de psychologie, ont servi de base au test qui suit.

Alors, vrai ou faux?
1. À mon retour au travail, je vais subir de la discrimination.
2. Même si j’ai eu un cancer l’an dernier, je ne m’absenterai pas plus souvent du travail.
3. Le cancer du sein augmente les risques que mon conjoint me quitte.
4. Mon couple a de bonnes chances d’en sortir plus fort.
5. Ma qualité de vie ne sera pas affectée à long terme.
6. Je ne pourrai plus jamais dormir sur mes 2 oreilles.
7. Avoir des confidents augmente mes chances de survivre au cancer.
8. Plus j’ai peur d’une récidive, plus elle risque de se produire.
9. Au moins mon cancer ne me coûtera rien.
10. Mes revenus baisseront, la première année.

 

1. À mon retour au travail, je vais subir de la discrimination: FAUX

Mon patron me fera-t-il confiance? Mes collègues seront-ils mal à l’aise en ma présence? Les survivantes à un cancer du sein s’inquiètent quand vient le temps de reprendre leur emploi. Pourtant, le fait d’avoir eu la maladie ne serait pas source de discrimination au travail. C’est ce qu’a démontré une comparaison entre la situation de 646 femmes dans les 3 années suivant leur cancer et celle de 890 travailleuses témoins: nombre d’heures travaillées, rémunération, congédiement, taux de travailleuses à temps partiel et de syndicalisation, toutes ces mesures étaient comparables dans les 2 groupes. Certaines femmes dont le retour au travail est plus ardu lient leurs difficultés au fait d’avoir eu la maladie, admet Elizabeth Maunsell. «Mais il est réconfortant de constater, dit-elle, que notre société permet aux patientes de surmonter cette épreuve sans subir une détérioration de leurs conditions de travail.»

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2. Même si j’ai eu un cancer l’an dernier, je ne m’absenterai pas plus souvent du travail: VRAI

Elizabeth Maunsell

Bonne nouvelle pour les survivantes d’un cancer du sein et pour leurs employeurs: avoir eu cette maladie n’aurait pas d’influence prolongée sur l’absence au travail. Après avoir interrogé 646 femmes touchées et 890 travailleuses épargnées, âgées entre 18 et 59 ans, l’équipe d’Elizabeth Maunsell a noté une seule différence marquée entre les 2 groupes. Durant l’année qui suit leur diagnostic, 85% des femmes aux prises avec le cancer se sont absentées plus de 4 semaines consécutives (22 semaines en moyenne) contre 18% chez leurs consœurs. Cette année-là est celle des traitements. Dans la 2e année, la différence s’est atténuée pour disparaître totalement après 3 ans. D’autres données suggèrent que la situation est différente pour les travailleuses non syndiquées et autonomes qui, elles, s’absenteraient encore moins longtemps, précise Mme Maunsell.

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3. Le cancer du sein augmente les risques que mon conjoint me quitte: FAUX

Le mythe du cancer du sein comme saboteur de couples est tenace. Pourtant, le risque de séparation pour les couples concernés n’est pas plus grand que pour le reste de la population. En fait, quand il y a séparation dans les années suivant le diagnostic, elle survient chez les couples qui connaissaient déjà des problèmes conjugaux avant la maladie. Ces constats ressortent d’études menées auprès de 295 femmes qui ont eu un cancer du sein, sur une période de 8 ans après le diagnostic, et auprès de 8600 Québécoises choisies au hasard. À court et à long termes, la situation conjugale dans les deux groupes était comparable.

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4. Mon couple a de bonnes chances d’en sortir plus fort: VRAI

L’annonce d’un cancer, c’est un choc pour le couple. Mais la maladie et ses suites peuvent resserrer les liens entre les partenaires lorsqu’ils font face ensemble à cette épreuve. Pour parvenir à ces conclusions, l’équipe d’Elizabeth Maunsell a interrogé 282 couples. Chez 42% d’entre eux, 1 an après le diagnostic, les 2 partenaires disaient que la période difficile les avait rapprochés. Chez 34%, 1 des 2 conjoints arrivait à ce constat. Seul 1 couple sur 100 jugeait que le cancer avait dévasté sa relation. Parmi les manifestations de ces liens plus forts, les répondants ont mentionné l’accompagnement lors du traitement et de la chirurgie, les confidences ainsi que les démonstrations de tendresse et d’affection.

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5. Ma qualité de vie ne sera pas affectée à long terme: VRAI

QualiteAprès un cancer du sein, la vie continue: plus qu’un cliché, cette phrase dépeint vraiment la réalité. Car la qualité de vie des femmes après le cancer du sein et de celles qui n’ont jamais connu la maladie est comparable. Voilà ce qu’indique une étude menée par l’équipe d’Elizabeth Maunsell auprès de 129 femmes, 8 ans après qu’elles aient subi une ablation totale ou partielle du sein. Une qualité de vie comparable, c’est quoi? Jouir d’une bonne santé et ne pas s’en inquiéter outre mesure, ne pas être hospitalisée davantage, ne pas souffrir de détresse psychologie plus que d’autres femmes de son âge. C’est aussi être satisfaite de certains aspects de son existence: bonheur conjugal, activités sexuelles, travail, soutien émotionnel, sorties sociales. Sur l’ensemble de ces points, 80% des répondantes qui n’avaient pas connu de récidive se sont dites satisfaites. Leurs réponses équivalent dans presque tous les domaines à celles de femmes de même milieu et de même âge exemptes du cancer du sein. Seuls 2 écarts notables ont été rapportés: les femmes ayant connu un cancer ont des douleurs au bras plus fréquentes et elles signalent une légère baisse de satisfaction sexuelle. Le second élément serait lié au fait que les traitements peuvent accélérer l’arrivée de la ménopause.

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6. Je ne pourrai plus jamais dormir sur mes 2 oreilles: FAUX

Josée Savard

Stress, douleur, anxiété: voilà une combinaison fatale, même pour les meilleures dormeuses! Pas étonnant que, dans les années qui suivent leurs premiers traitements contre le cancer du sein, 51% des femmes présentent des troubles de sommeil et 19% souffrent carrément d’insomnie. Mais une recherche menée par Josée Savard et son équipe démontre que la thérapie cognitivo-comportementale développée au Centre d’études sur les troubles du sommeil de l’Université Laval3 peut aider ces patientes. Pour celles-ci, la méthode est aussi efficace que pour la population en général: son taux de succès est de 80%. Cette approche consiste à traquer les croyances qui amplifient les troubles de sommeil («je dois toujours aller au lit à la même heure», «mon cancer reviendra si je dors mal», etc). Elle vise aussi à développer de bonnes habitudes de sommeil (se coucher uniquement quand on est somnolent, se lever à la même heure chaque matin, sortir de la chambre si on ne s’endort pas après environ 20 min, etc.). Pour ce qui est des femmes qui ont subi des traitements contre le cancer du sein, en plus d’atteindre un sommeil de qualité, elles ont vu leurs symptômes dépressifs et leur fatigue physique diminuer. Et une grande partie des consommatrices des somnifères les ont abandonnés.

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7. Avoir des confidents augmente mes chances de survivre au cancer: VRAI

ConfidenceSe confier, c’est libérateur. Pour les femmes atteintes d’un cancer du sein, cela réduirait même les risques de décès. Une étude d’Elizabeth Maunsell le démontre: les patientes qui ont pu se confier à quelqu’un dans les premiers mois suivant les traitements ont un taux de survie plus élevé (72% contre 52%) après 7 ans. Le nombre de confidents semble aussi faire une différence. Un seul confident était lié à un taux de survie de 66% alors que ce chiffre atteignait 76% chez les femmes qui en comptaient 2 ou plus. Qui étaient les confidents? Des conjoints, des parents, des amis, des médecins ou des infirmières. Elizabeth Maunsell interprète ces données avec prudence et les chercheurs continuent d’explorer les mécanismes qui expliqueraient de tels résultats. Toutefois, cette corrélation montre l’importance du suivi psychosocial pour les femmes atteintes de cancer, souligne la chercheuse.

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8. Plus j’ai peur d’une récidive, plus elle risque de se produire: FAUX

Difficile, après un cancer, d’échapper à la hantise d’un retour de la maladie. Parce qu’elles redoutent que trop de préoccupations nuisent à leur santé, les personnes touchées se sentent coupables. Finis les blâmes! Josée Savard rapporte qu’il n’existe aucun lien entre la peur d’une récidive et la réapparition du cancer. Une recherche qu’elle a menée avec son équipe auprès de 962 patients présentant un cancer opérable sans métastase à distance indique ceci: l’angoisse ressentie culminerait durant les jours qui entourent la chirurgie. Par la suite, l’inquiétude diminue avec le temps, jusqu’à se stabiliser. La peur des répondants demeure toutefois présente, précise la chercheuse, qui ajoute qu’une crainte intense de récidive peut vraiment nuire à la qualité de vie. D’où l’importance de mettre en place des traitements psychologiques adéquats pour ce problème. Par contre, rappelle Josée Savard, il n’existe aucun lien entre stress et récidive.

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9. Au moins mon cancer ne me coûtera rien: FAUX

156793921_cropLes femmes n’ont pas à payer pour recevoir des soins de santé dans les hôpitaux québécois. Pourtant, le cancer a une certaine incidence sur leurs finances. Pourquoi? Parce tout ce qui entoure les traitements n’est pas gratuit: déplacements à l’hôpital, hébergement, aide à domicile. Les patientes doivent aussi payer leurs consultations avec d’autres professionnels, psychologues, physiothérapeutes, acupuncteurs, etc. L’achat de perruques et de produits naturels est aussi à leur frais. Un article publié par Elizabeth Maunsell et son équipe en 2013 montre que ces dépenses, qui n’incluent pas la part remboursée par leur assureur ou le gouvernement, s’élèvent en moyenne à 1600$ par patiente. Globalement, les dépenses résultant du traitement du cancer compteraient pour environ 2% du revenu familial.

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10. Mes revenus baisseront, la première année: VRAI

Outre un accroissement somme toute modeste des dépenses, le cancer du sein entraîne aussi une perte de revenu en salaire. Les patientes qui travaillaient au moment de leur diagnostic auraient vu leur salaire diminuer du quart l’année suivante. Bien que ces coûts ne soient pas considérés comme alarmants en général, ils montrent l’importance pour les femmes d’établir une stratégie financière efficace afin d’éviter les mauvaises surprises. Elizabeth Maunsell rappelle qu’au début de la maladie, toute l’attention des patientes est consacrée à se battre contre le cancer. En étant mieux préparées, elles risquent moins de perdre de vue cet aspect des choses.

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1 Elizabeth Maunsell est professeure au Département de médecine sociale et préventive et chercheuse à l’Unité de recherche en santé des populations et au Centre de recherche du CHU de Québec

2 Josée Savard est également active au Centre de recherche du CHU de Québec. Elle est l’auteure de Faire face au cancer –avec la pensée réaliste.

3 Le Centre d’études sur les troubles du sommeil de l’Université Laval est dirigé par Charles Morin, qui a d’ailleurs répondu aux questions de Contact dans l’article L’art de combattre l’insomnie.

Publié le 3 avril 2013

  1. Publié le 11 avril 2018 | Par christine

    N'importe quoi. Oui, le conjoint a beaucoup plus de chances de partir, oui, le stress joue sur la santé, oui, la qualité de vie sera altérée à long terme, non, on ne dort plus jamais sur ses 2 oreilles. C'est du vécu.
  2. Publié le 8 avril 2013 | Par Les dossiers de Contact

    @Danielle
    Si vous désirez obtenir plus d'information sur les équipes de bateau-dragon formées de personnes atteintes ou survivantes du cancer du sein, nous vous proposons ce lien: http://www.rubanrose.org/Bateaux_Dragons-fr-121" target="blank" >www.rubanrose.org/Bateaux_Dragons-fr-121.
    Bonne journée!
  3. Publié le 6 avril 2013 | Par Lucie Verret

    Je suis une survivante du cancer du sein. J'ai reçu un diagnostic de cancer en juin 2012. Malgré les interventions chirurgicales et la radiothérapie, j'ai toujours gardé une attitude positive. Je travaille à temps plein et je m'entraîne quatre fois par semaine. Il y a parfois des moments plus sombres, mais j'ai des personnes-ressources à qui je peux me confier. Le cancer m'a fait encore plus apprécier chaque moment de cette précieuse vie.
  4. Publié le 5 avril 2013 | Par Tante Lise

    Bravo Danièle,
    Si j'avais un jour à traverser une épreuve semblable à la tienne, je voudrais
    avoir la même attitude que toi dans ce que tu as eu à vivre.
    J'étais très, très impressionnée par ta façon d'affronter chaque étape difficile
    que tu as vécue.
    Tu es un modèle pour ta vieille tante..... Lise
  5. Publié le 5 avril 2013 | Par Danielle

    J'aimerais avoir plus d'information sur cette activité. Je suis moi-même survivante d'un cancer du sein et un de l'ovaire.

    Merci!
  6. Publié le 5 avril 2013 | Par jeannot bernier

    Ma mère aurait apprécié ces conseils... Bravo, belle synthèse!
  7. Publié le 5 avril 2013 | Par serge simard

    Ma femme est décédée des suites d'un cancer du sein le 10 avril 2004. Je suis totalement d'accord avec les résultats de votre étude. Toutefois je ne peux me prononcer sur les questions relatives au travail. Elle n'est jamais retournée travailler. Je peux toutefois vous dire que notre couple était fort et l'est resté.
  8. Publié le 4 avril 2013 | Par Lyne Villeneuve

    Cette recherche a attiré mon attention car je fais partie des personnes qui ont été affectées par un diagnostic du cancer du sein en juillet 2012. Je vais reprendre bientôt le travail. Votre article m'a réconfortée pour la suite... J'ai passé par la chimio et la radiologie et 2 opérations. Vraiment intéressant...

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