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Le terroir fait-il recette?

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Route des vins ou des saveurs, autocueillette, séjour à la ferme: beaucoup de touristes s'offrent un retour à la terre!

À l’heure où les régions rivalisent de séduction pour allécher les touristes, le terroir fait-il courir les foules? Dans le sens large du mot, qui englobe agriculture, paysages et gastronomie, oui, répond Pascale Marcotte, professeure au Département de géographie et responsable scientifique de la Chaire de recherche en partenariat sur l’attractivité et l’innovation en tourisme (Québec–Charlevoix)1. «Mais ce tourisme est loin d’être le plus répandu, précise-t-elle, et il prend toutes sortes de formes.» 

Le traditionnel tour de la Gaspésie dans le confort de l’auto climatisée a fait place –au moins en partie– au désir d’expérience et de contact, au plaisir de goûter, à la volonté de participer. Ainsi, les routes et les circuits touristiques qui se sont multipliés depuis quelques décennies offrent tous de telles options. L’expérience ultime, pour plusieurs agrotouristes: participer aux travaux de la ferme quelques jours ou vendanger, pendant un quart de travail, le raisin qu’on viendra récupérer sous forme de bouteille l’année suivante. 

::Pascale Marcotte

Pascale Marcotte

En famille
Qui sont-ils, ces touristes que la campagne attire? Des personnes souvent plus scolarisées que la moyenne, avec des revenus supérieurs, pour qui l’apprentissage est une donnée importante, analyse Pascale Marcotte. «Les familles y sont très présentes, dit-elle. Et ce sont souvent les femmes qui choisissent la destination en fonction d’un produit du terroir, surtout s’il y a, dans l’activité, un côté éducatif pour les enfants.» Les hommes, eux, seront davantage intéressés par une activité présentant une composante technique ou historique. 

Les agrotouristes sont aussi beaucoup des excursionnistes qui font des sorties d’une journée en milieu rural, certains pour visiter une ferme artisanale, d’autres pour participer à une activité gourmande ou pour aller pratiquer l’autocueillette. Les retraités et les touristes étrangers feront de même jusque tard en automne, contribuant ainsi à prolonger –avec la palette des couleurs– une saison touristique qui se terminait naguère début septembre. 

::Christine Bricault

Christine Bricault

Ce que tous ces gens recherchent, autant que le produit du terroir lui-même, c’est le lieu de production, le paysage qui y mène et, si possible, le contact avec l’agriculteur. Ethnologue chargée de cours au Département des sciences historiques, Christine Bricault2 a fait sa recherche de maîtrise sur la Route des vins de Brome-Missisquoi3 voilà une dizaine d’années. Pour elle, les gens veulent apprendre, connaître, vivre une expérience. D’où les journées vendanges pour bénévoles que de plus en plus de vignerons organisent, même si cela représente énormément de travail pour eux. Les vendangeurs d’un dimanche ont l’impression d’entrer dans un temps plus lent, entourés de calme et de quiétude. «Ils socialisent volontiers, s’intéressent autant au potager qu’à la vigne et s’amusent avec le chaton des propriétaires.» 

Retour à la terre?
Un genre de retour à la terre, alors, aux racines profondes? Une conception idéalisée de la campagne? C’est sûr que le monde rural est auréolé d’un imaginaire très fort, où «l’authenticité» voisine avec «la vraie vie» et «la vie saine», convient Pascale Marcotte. Même le producteur, d’une certaine manière, jouit de cette aura: «C’est lui qui nous nourrit, qui nous tient en vie. Nous avons une relation intime avec les aliments et nous sommes dépendants de ceux qui les produisent.» 

L’agrotourisme n’est pas empreint de nostalgie pour autant, estime Mme Marcotte. Sinon pour une certaine recherche des goûts et des saveurs d’autrefois. Oui, quelques agriculteurs artisans qui accueillent les touristes tablent encore sur des images du passé. Mais ils sont de moins en moins enclins à s’y enfermer, selon Christine Bricault: «La tendance à “décorer champêtre” se tasse tranquillement. L’aménagement de boutiques épurées, comme en milieu urbain, est de plus en plus la norme.» 

D’ailleurs, les agrotouristes n’en ont pas que pour les entreprises traditionnelles. Si l’on veut montrer aux enfants comment vivent les animaux de ferme, d’où viennent le bacon et le fromage, on veut aussi connaître l’agriculture moderne, comprendre la technologie qui y est associée, odeurs et produits chimiques inclus. On inscrit même ses enfants à des camps d’été à la ferme pour une immersion de quelques jours. 

N’empêche que la plupart des fermes qui reçoivent des visiteurs sont plutôt des entreprises artisanales, où il est plus facile d’effectuer l’accueil, témoigne Pascale Marcotte. Elles sont souvent engagées dans des productions exotiques comme l’émeu et l’alpaga, ou ornementales comme la dizaine d’entreprises lavandières que compte le Québec. Certaines de ces fermes ont même été conçues expressément pour se prêter aux visites touristiques. 

1 Pascale Marcotte est également membre de l’Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société et du comité consultatif sur la recherche universitaire de l’Observatoire de la culture et des communications du Québec.

2 Christine Bricault est aussi coordonnatrice au Conseil québécois du patrimoine vivant.

3 BRICAULT, Christine. La Route des vins de Brome-Missisquoi. Vers la construction d’une identité régionale. Mémoire (M.A.), Université Laval, 2007, 203 p.

Publié le 20 avril 2017

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