Le magazine Contact

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Automne 2014

5 mesures de la cyberdépendance

Quels comportements et attitudes peuvent laisser croire qu’on devient accro au Web? Des chercheurs se sont posé la question.

Plusieurs passent un temps fou devant leur ordinateur, que ce soit pour jouer à des jeux vidéo ou naviguer sur le Web. Avec l’arrivée des tablettes et des téléphones intelligents, le phénomène s’est répandu comme une traînée de poudre : dans l’autobus, au restaurant, à l’épicerie, on aperçoit de plus en plus de jeunes et de moins jeunes concentrés sur leur minuscule écran. Sont-ils accros?

À ce jour, aucun outil n’existe pour diagnostiquer la cyberdépendance, mais Catherine Lortie, étudiante au doctorat en médecine expérimentale, et Matthieu Guitton, professeur à la Faculté de médecine, se sont penchés sur la question. De tous les articles scientifiques publiés entre 1993 et 2011, ils ont extrait 14 questionnaires et y ont cherché les paramètres permettant d’évaluer cette nouvelle forme de dépendance.

Voici les 5 mesures qui sortent du lot:

1. Encore branché!?
Les répercussions négatives sur la vie quotidienne constituent le paramètre le plus utilisé dans les questionnaires recensés, figurant dans 86% d’entre eux. Il s’agit des conséquences néfastes que peut engendrer l’utilisation excessive d’Internet au quotidien, que ce soit sous forme d’absentéisme au travail, de difficultés interpersonnelles avec les amis et les membres de la famille ou de difficultés à l’école pour les plus jeunes. Un exemple de ces répercussions: des chicanes récurrentes avec un conjoint qui passe trop de temps en ligne.
«Bien oui, arrête de me le demander, je vais “ encore ” passer la soirée devant mon ordi! »

2. Internet, quand tu nous tiens!
L’utilisation compulsive d’Internet apparaît dans 79% des questionnaires. Ce paramètre évoque la difficulté soit à réduire le temps passé sur Internet, soit à cesser toute activité sur le Web. Conscient que ses habitudes de navigation sont excessives, l’utilisateur souhaite les modifier, mais en est incapable. Une autre composante de cette mesure est que les exigences de satisfaction augmentent constamment. Par exemple, alors que réussir deux ou trois niveaux de Candy Crush lui suffisait, le joueur doit maintenant en réussir une dizaine avant de pouvoir décrocher.
«Si je perds encore 2 vies, je vais me coucher… Non, trois!»

3. Le Web, toujours le Web
L’attirance démesurée pour Internet figure dans 71% des questionnaires. Cette mesure se traduit par la pensée obsessionnelle de l’utilisateur à se connecter lors­qu’il n’est pas en ligne. Toute son attention est dirigée vers le prochain moment où il pourra se brancher à Internet. Il n’est pas rare de voir les gens présentant ce symptôme compter les minutes avant le moment où ils pourront combler leur envie.
«Hourra! Plus qu’une heure de boulot avant d’aller sur Facebook!»

4. On ne s’est jamais rencontrés, mais…
La préférence pour les interactions en ligne figure dans 36% des questionnaires. L’utilisateur préfère les contacts sociaux virtuels à ceux en chair et en os, puisqu’ils lui permettent de rester anonyme ou de changer d’identité, en plus de contrôler la perception que les gens ont de lui. Il lui est ainsi plus facile de se lier aux autres. Il peut, par exemple, se confier à quelqu’un qu’il n’a jamais rencontré. L’envers de la médaille: l’anonymat que procurent ces interactions fait que certaines personnes ont des comportements inappropriés qu’elles n’auraient pas dans le monde réel, comme faire des commentaires déplacés ou blessants dans un blogue.
«C’est tellement plus facile de te parler à toi qu’aux filles de ma classe.»

5. Bonjour la procrastination!
Le cinquième paramètre, l’échappatoire, est recensé dans 21 % des questionnaires, et on l’observe chez un grand nombre de personnes. L’utilisateur navigue sur le Web pour se soustraire à la vie quotidienne : tant qu’il est en ligne, il n’a pas à penser à ses problèmes ou à les résoudre. Flâner d’un site à l’autre plutôt que réaliser une tâche ou rédiger sa thèse est un bon exemple d’échappatoire.
«Faut vraiment que j’aille visiter mes parents. Je pars dès que j’ai fini de lire Cyberpresse…»

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  1. Publié le 7 février 2019 | Par Stéphane Koch

    Une réflexion intéressante et utile. Je me permettrai néanmoins deux suggestions, qui se veulent juste complémentaires. La première, sans vouloir couper les cheveux en quatre, j'ajouterais "smartphone / ou" devant "ordi" à la phrase suivante: "«Bien oui, arrête de me le demander, je vais “encore” passer la soirée devant mon ordi!». Car dans la formulation actuelle, il y a un risque que les jeunes générations ne s'identifient pas à la problématique, alors que dans les faits, l'impact lié à l’utilisation du smartphone est encore plus pernicieux, étant donné que l'on reste à côté du conjoint, sans être vraiment avec celui-ci.

    Ma deuxième suggestion (sans qu'elle ne remette en cause les cinq points présentés, ni leur utilité), serait d'ajouter un petit paragraphe sur le fait de ne pas confondre "passion" et "dépendance". Suivant la génération à laquelle on appartient, on peut facilement tomber dans le piège du "stéréotype technologique" : par exemple, si je demande à des adultes si jouer de 14h à 16h. par semaine à un jeu vidéo est excessif, on me répond fréquemment que «oui»... Par contre, si je prends comme exemple le fait de jouer aux échecs ou de lire 14h à 16h. par semaine, là, la perception est différente...

    L'identification de la cyberdépendance devrait se faire en tenant compte de tout un ensemble de nuances, car on n'est pas tous égaux face à celle-ci (à l'instar d'autres formes de dépendance). À ce titre, il devient important d'identifier ce qui a trait à la transformation numérique de notre société (telle que la dématérialisation des services, qui induit plus de liberté dans le choix du moment pour accéder aux services en question), et de quelle manière cette transformation change nos comportements en tant que tels...?

    L'idée étant de faire cette distinction afin de ne pas rendre la technologie responsable de comportements qui ont plus à voir avec notre culture ou un fonctionnement de société. Par exemple,j'habite à Genève, en Suisse. Culturellement, les Suisses sont plutôt introvertis, néanmoins on utilise souvent ces images sur lesquelles les gens attendent, smartphone en main, un bus ou un train, (ou se déplacent en utilisant les transports publics), pour illustrer un manque de communication dont les technologies de l'information et de la communication seraient les grands responsables... alors que dans les faits, il y a vingt ans, les gens ne se parlaient pas plus qu'aujourd'hui dans les transports publics... La technologie a juste rendu plus visibles certains de nos fonctionnements (ou dysfonctionnements) culturels ou sociétaux... Si un couple ne se parle pas, et que chacun des conjoints a le nez rivé sur son smartphone, ce n'est pas un problème dû à la technologie, c'est un problème relationnel avant tout (ou même d’un consensus au sein de couple).

    De plus, on a tendance à oublier que le smartphone, par exemple, est aussi un outil de socialisation et d'interaction... Être accaparé par son terminal mobile ne signifie pas nécessairement que l'on s'isole, ou que l'on est dépendant... On est moins disponible pour son entourage immédiat, oui... mais on est peut-être en train de "socialiser" par le biais des différentes applications qui le permettent... ou pas, bien sûr... Cela dit, il n’y a, là encore, rien de nouveau au fait de hiérarchiser sa disponibilité vis-à-vis des personnes qui composent son réseau social (humain) en fonction de ses affinités…

    L'autre jour, j'étais dans le train, et à côté de moi, il y avait deux adolescentes en train de converser, smartphone en main, pianotant par moment, et se partageant visuellement les contenus de leurs écrans respectifs... Elles n'étaient pas en train de jouer à «Candy Crush», elles échangeaient sur des langages de programmation (Python et C+), en se servant de leurs smartphones pour alimenter et exemplifier leurs échanges...

    Cet exemple illustre aussi qu'il n'y a pas une règle écrite concernant les usages de ces technologies... elles sont transgénérationnelles... Tous les ados ne vont pas échanger sur Python, et tous les quinquas ne sont pas des "naufragés du nouveau monde" (et les «Digital Natives» n’ont pas Internet gravé dans leur ADN, ils ont le droit et surtout le besoin d’apprendre) ;). Parmi toutes ces générations, certains seront touchés par une forme de cyberdépendance, voire d'addiction dans certains cas... mais tous ne le seront pas... Il y a une adaptation dynamique et non homogène, face à ces technologies et la place de plus en plus importante qu'elles prennent dans notre société... respectivement, le temps plus important que l'on est amené (de gré ou de force), à y passer :)
  2. Publié le 22 avril 2017 | Par Danielle Lavoie

    Très intéressant comme commentaires.
  3. Publié le 19 septembre 2014 | Par Louise Cloutier

    En affaires, c'est l'outil essentiel pour l'entrepreneur. On passe de l'ère industrielle à l'ère de la robotique. Pour le coeur, c'est un outil à deux tranchants.
    Les relations humaines plutôt que virtuelles restent toujours une option. Équilibre!

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