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Automne 2013

Des trésors pour tous

Des dizaines d’œuvres d’art public, nées au fil des ans sur le campus, s’offrent à tout passant. Un survol historique et quatre gros plans.

Nous passons souvent sans les voir, obsédés par nos tâches. Un rayon de soleil qui se reflète sur leur structure de métal ou sur la pierre dont elles sont faites les révèle soudain, nous libérant un moment du carcan d’obligations qui régit nos vies. Présentes aux quatre coins du campus, ces créations artistiques ne demandent qu’à sortir de l’ombre.

Pas de pavillon sans œuvre
Dans les années 1950 et 1960, à mesure que se dressent ses premiers pavillons, la Cité universitaire naissante s’embellit de plusieurs sculptures, mosaïques, peintures, verrières… Autant de créations qui, à l’époque, se rencontrent peu hors des musées et qui, tout à coup, s’offrent à la vue de tous. «Cette préoccupation de s’associer à des artistes s’inscrit dans une recherche de l’œuvre d’art totale, de la part de certains architectes modernes», explique Marc Grignon, professeur d’histoire de l’art au Département des sciences historiques.

Sur les terrains de l’Université, œuvres artistiques et nouveaux pavillons font totalement corps. Les créateurs les plus importants de l’époque prennent part à l’aventure. Les Jordi Bonet, Jean Paul Lemieux, Omer Parent, Marius Plamondon, Paul Lacroix ou Jeanne-d’Arc Corriveau impriment leur trace à l’extérieur comme à l’intérieur des édifices.

L’architecte est alors tout-puissant. C’est lui qui choisit l’artiste et décide du thème ainsi que de l’emplacement des œuvres dans l’édifice ou autour de lui. Un exemple? L’architecte Lucien Mainguy, dont l’Université a conservé les échanges épistolaires avec divers artistes. Parmi les pavillons qu’il a conçus: celui du Commerce, l’un des premiers à avoir vu le jour sur le campus de Sainte-Foy, en 1951. Comme souvent, l’architecte souhaite que les œuvres s’accordent à la vocation du pavillon (qui prendra plus tard le nom de Palasis-Prince). C’est pourquoi le dieu grec du commerce, Hermès, y figurera autant dans les peintures murales intérieures d’Omer Parent que dans les sculptures extérieures de Marius Plamondon.

Après une pause dans les années 1970 et 1980, la construction reprend sur le campus. La démarche d’intégration des arts aux bâtiments publics n’est plus la même. Depuis 1961, le gouvernement québécois oblige tout organisme gouvernemental ou para-gouvernemental à consacrer à l’art public environ 1% de la valeur de toute nouvelle construction. Mais surtout, depuis 1981, c’est le ministère chargé de la culture qui est responsable de l’application de cette politique et exige qu’un jury préside au choix de l’œuvre dite du «1%». L’architecte n’est donc plus le seul maître à bord, comme en témoigne l’exemple récent du stade TELUS-Université Laval (voir plus bas Élans, vertiges et victoires).

D’autres portes d’entrée
Cette approche a favorisé la poursuite d’installations artistiques sur le campus. Mais ce n’est pas la seule porte ouverte à l’art public: tout au long de l’histoire de la Cité universitaire, plusieurs œuvres s’ajoutent de façon indépendante à la construction de pavillons. Comme un ensemble sculptural réalisé pour l’Exposition universelle de 1967, ensuite donné à l’Université et installé, en 1969, entre les pavillons Bonenfant et De Koninck: Les nations/Conséquences (Jordi Bonet). Ou encore, comme des œuvres nées à l’occasion d’événements artistiques. Par exemple, Enformances ou les 120 heures, une initiative du Service des activités socioculturelles de l’Université en 1987, a laissé en héritage la sculpture Quête (Hélène Lord), figurant un homme ployé sous une lourde charge, qu’on peut voir sur les pelouses du pavillon H-Biermans–L.-Moraud.

C’est au cours des années 2000 que l’administration universitaire attire l’attention de la population sur cette richesse. Le document L’art public sur le campus, rédigé en 2008 par le Comité d’aménagement et de mise en œuvre (CAMÉO) de l’Université, redonne leurs lettres de noblesse à toutes ces œuvres, que les rénovations successives des pavillons avaient parfois éclipsées. Plus de 100 créations y figurent.

À cette brochure s’ajoute depuis peu le site Web L’art public à l’Université Laval. «Le site offre un véritable parcours de découverte de ces créations, dont plusieurs ont été restaurées grâce à un programme du ministère de la Culture et des Communications», explique Jean-Philippe Léveillé, agent de recherche et de planification au Vice-rectorat exécutif et développement. De plus, chaque année, à l’occasion des Journées de la culture qui se tiennent en septembre, l’Université invite le public à découvrir les œuvres du campus par un rallye pédestre ou une séance de géocache par GPS.

Une formation pour artistes
Le site Web n’est pas la seule nouveauté sur le front de l’art public, à l’Université. Afin de mieux préparer les artistes à proposer des œuvres aux fins de la politique québécoise d’intégration des arts à l’architecture, une formation leur sera offerte sous peu. Ce type de proposition artistique, soumise à l’approbation d’un jury, constitue en effet un exercice relativement complexe. Dès l’été 2014, l’École des arts visuels ouvrira un microprogramme destiné à ses finissants et aux professionnels déjà sur le marché de l’art.
 
«C’est important de comprendre l’ensemble du processus de sélection qui implique des ingénieurs, des architectes et des urbanistes car, trop souvent, les artistes procèdent par essais et erreurs, fait remarquer Jocelyn Robert, directeur de l’École. Il faut notamment que l’œuvre proposée ne comporte aucune faille technique, en tenant compte, par exemple, des risques d’oxydation si du métal est fixé dans le béton.»

Le lancement de cette formation ainsi que les efforts déployés pour mieux mettre en valeur les œuvres existantes sur le campus témoignent de l’intensité des liens entre l’Université et l’art public.

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LA MÉDECINE À QUÉBEC, 1957, JEAN PAUL LEMIEUX

À l’origine, cette huile sur toile faisait partie d’un grand mur du hall intérieur du pavillon Ferdinand-Vandry, siège de la Faculté de médecine.

OeuvreArt-299La peinture a fait l’objet d’une restauration en 2010, au moment des rénovations du pavillon, puis a été encadrée et placée sur un mur blanc.

Comme plusieurs œuvres de ce peintre de renom, cette fresque témoigne de l’histoire de la ville de Québec, reconnaissable grâce au Château Frontenac. Sur le devant de la scène, 19 personnages évoquent la vie médicale au XXe siècle.

À cette œuvre placée à l’intérieur, répondent les mosaïques murales extérieures de l’artiste André Garant, Les Sept étapes de la médecine, conçues en 1957, et les sculptures en bas relief de Paul Lacroix. Sur les entrées laté­rales, on trouve notamment La Maladie et La Santé (1957), en plus du serment d’Hippocrate gravé dans l’ébrasement de l’entrée. Toutes ces créations, commandées par l’architecte Lucien Mainguy, constituent un ensemble cohérent autour d’un thème commun, une pratique courante à l’époque.

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L’HOMME DEVANT LA SCIENCE, 1962, JORDI BONET

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Cette immense céramique de 27 m sur 11 fait partie de la façade du pavillon Adrien-Pouliot, qui abrite une partie de la Faculté des sciences et de génie. Elle constitue un témoignage éclatant de la vision du monde de Jordi Bonet, artiste qui créera ensuite d’autres murales marquantes: au Grand-Théâtre de Québec, dans plusieurs stations du métro montréalais, à l’aéroport J.-F.-Kennedy de New York, etc. Très symbolique, la fresque de ce qu’on appelait alors le pavillon des Sciences pures met en scène un homme portant une femme sur son dos, illustrant ainsi le rôle important des humains face à un univers qu’ils façonnent, explique la veuve de l’artiste, Huguette Bouchard-Bonet. L’oiseau qui les précède évoque pour sa part le mouvement, l’inspiration, le guide spirituel.

Composée de milliers de tuiles, cette mosaïque bénéficie depuis 2012 des soins du Centre de conservation du Québec qui en efface les effets du temps et de la météo (voir la vidéo). Les conservateurs qui y travaillent mesurent tout le labeur qu’a représenté cet immense casse-tête, il y a 50  ans. L’artiste d’origine catalane, inspiré notamment par la très tourmentée cathédrale Sagrada Família d’Antonio Gaudi, à Barcelone, livrait alors une œuvre totalement hors normes pour le Québec. Jordi Bonet avait d’ailleurs dû faire fabriquer les tuiles dans un four en Belgique.

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ÉGALITÉ/ÉQUIVALENCE, 1991, PIERRE GRANCHE

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Cet ensemble composé de dix éléments réunit monde moderne et mythologie. On note d’abord un groupe de trois formes géométriques évoquant un nichoir, une niche et une serre. À l’autre extrémité, une pierre brute repose sur un socle de verre. Puis, disposées le long de deux sentiers en forme de spirale, se dressent des figures archétypiques: chien, oiseau, femme-ailée… Les courbes de ces sculptures semblent répondre aux chemins qui invitent le passant à pénétrer autant dans l’œuvre que dans la cour intérieure formée par les pavillons Palasis-Prince, La Laurentienne et J.-A.-DeSève.

«Un des intérêts de cette œuvre est son intégration à l’aménagement paysager plutôt qu’à l’architecture, entre les trois pavillons», note Marc Grignon. Le professeur d’histoire de l’art au Département des sciences historiques souligne qu’il s’agit là d’une stratégie qu’on voit assez souvent dans les œuvres dites «du 1%», ajoutant qu’on pourrait dire la même chose de Carrefour (1993, Hélène Rochette) devant le pavillon de l’Envirotron.

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ÉLANS, VERTIGES ET VICTOIRES, 2012, YVES GENDREAU

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La plus récente œuvre d’art public du campus constitue un véritable repère pour localiser le stade TELUS-Université Laval, la nouvelle infrastructure de soccer-football intérieur qui jouxte le PEPS. Cet élancement de légères colonnes en route vers le ciel a séduit Gilles D’Amboise par son aspect aérien et dynamique. L’ancien directeur du Service des activités sportives a fait partie du jury mis sur pied par le ministère de la Culture et des Communications pour choisir l’œuvre à installer devant le nouvel équipement sportif.

Composé de représentants du Ministère, d’artistes, de l’architecte du stade et de représen­tants de l’Université, ce jury a d’abord décidé des critères artistiques. Puis chaque créateur a présenté sa vision de l’œuvre à construire, en s’appuyant sur des maquettes. «Ça n’a pas toujours été facile de se mettre d’accord, car les projets soumis avaient tous des aspects intéressants», confie M. D’Amboise, impressionné par la qualité des présentations des artistes.

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