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Automne 2014

Un joyau forestier à découvrir

Activités récréatives, éducatives et économiques côtoient la recherche à la forêt Montmorency, un territoire qui fait la fierté de l’Université.

Photo Marc Robitaille

«Il y aurait tellement d’histoires à raconter sur cette forêt! On serait encore ici demain», s’exclame Hugues Sansregret, au volant de sa jeep qui sillonne un chemin de terre battue. Cet amoureux de la nature ne s’est pas fait prier pour me faire visiter la forêt Montmorency. Directeur des opérations depuis 12 ans, il connaît ce territoire de 66 km2 comme le fond de sa poche. Rien ne lui échappe, qu’il s’agisse des traces d’orignaux sur le sol, d’un lièvre qui se faufile dans un buisson ou encore d’un martin-pêcheur qui survole le lac. L’entrevue sera ainsi ponctuée par l’arrivée impromptue de multiples petits animaux.

Nous croiserons aussi quelques étudiants et leurs professeurs. Car la forêt Montmorency, c’est d’abord un territoire de recherche et d’enseignement pour la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique. On y donne, entre autres, des formations pratiques en sylviculture, aménagement et exploitation forestière: les étudiants de 17 cours utilisent actuellement la forêt comme salle de classe. En prime, des étudiants-chercheurs de toutes les disciplines y mènent différents travaux de maîtrise ou de doctorat sur les conifères, le climat, les cours d’eau, les oiseaux, les mammifères et les insectes. On le devine, ce ne sont pas les sujets d’études qui manquent dans cette grande forêt boréale, située à 70 km de Québec en direction de la réserve faunique des Laurentides.

50 ans dans le giron de l’Université
La forêt Montmorency appartient à l’Université Laval depuis 1964. C’est grâce aux efforts de quatre professeurs (Robert Bellefeuille, Roger Gosselin, Edgar Porter et André Lafond, qu’on a honorés en 2010 en donnant leurs noms à quatre monts du territoire) ainsi que de représentants du ministère provincial responsable des forêts et de représentants de l’industrie forestière que ce projet de forêt expérimentale a été mené à terme. Après avoir écarté plusieurs autres candidatures, particulièrement d’anciens petits lots agricoles près de Québec, le lieu actuel a été retenu en raison de la variété des types forestiers qu’on y trouvait, de son potentiel de production lié aux coupes forestières déjà effectuées et de sa proximité de la ville.

L’endroit est aujourd’hui ouvert à d’autres institutions d’enseignement, tantôt comme terrain de recherche collégiale ou universitaire, tantôt comme classe verte. La forêt Montmorency accueille chaque année un millier d’enfants dans le cadre de son programme éducatif. Ces jeunes y apprennent les caractéristiques d’une forêt boréale, les enjeux liés à sa gestion et à sa protection, ainsi que le pistage faunique et l’identification ornithologique. «Toute personne qui vient ici, seule ou en groupe, doit apprendre quelque chose sur le milieu forestier, peu importe le sujet», souligne Hugues Sansregret.

Au bonheur du visiteur
Au-delà de sa vocation pédagogique, la forêt Mont­morency permet au visiteur de s’emplir les poumons d’air frais, de se muscler les mollets en randonnée ou encore d’admirer la flore et la faune boréales. Par où commencer l’exploration? Une balade autour du lac Piché avec ses sentiers balisés et ses panneaux d’interprétation est un bon début. Elle permet d’apprécier un panorama où s’élancent de petites collines au-dessus d’une végétation luxuriante. Il n’est pas rare, comme le matin de notre visite, d’y voir des pêcheurs taquiner la truite. Plus loin, affirme M. Sansregret, le sentier de la rivière Noire offre un point de vue incomparable sur une chute de 28 m. Malheureusement, le temps manque; ce sera pour une prochaine fois.

En chemin vers le lac Bédard, mon regard tombe sur un imposant monticule de copeaux de bois. Ces copeaux ne font en réalité que recouvrir les 10 000 m3 de neige entreposée là en prévision de la prochaine saison hivernale, explique mon guide. Ainsi conservée, la neige sera étendue à la fin d’octobre pour permettre aux fondeurs de glisser sur les sentiers bien avant les premières bordées. Des canons à neige seront également mis à contribution. «Ici, la saison débute le 1er no­vembre et se termine à Pâques, indique-t-il. Nous sommes les premiers et les derniers ouverts, et il tombe ici chaque hiver 6 m de neige. Les athlètes du Rouge et Or viennent s’entraîner à la forêt Montmorency, mais aussi des étudiants des programmes universitaires américains.» Une fois toutes les pistes ouvertes, la forêt compte 78 km de sentiers de ski de fond ainsi que 35 km de sentiers de raquette.

Hugues Sansregret suit maintenant la route en direction de la rivière Montmorency. Là, un pont original franchit le cours d’eau. D’une longueur de près de 45 mètres, ce pont arqué est composé de magnifiques poutres de lamellé-collé faites de têtes d’épinette noire. Tout près, nous mettons pied à terre pour emprunter un sentier qui nous amène à un chalet rustique en bois rond. Sa terrasse offre une vue splendide sur la rivière. Peu de traces de présence humaine aux alentours, à part deux arbres dont les troncs arborent des taches de couleurs fluorescentes, signe que des travaux de recherche y ont cours. On se sent ici à des années-lumière de la ville, pourtant si proche.

Je prends une dernière bouffée d’air frais avant de sauter dans la jeep pour amorcer le trajet de retour, animé par le sentiment que la forêt Montmorency a ce potentiel de faire le bonheur de tous ses visiteurs, peu importe la raison qui les y amène –sport, nature ou apprentissage. Et l’avenir risque de combler les amateurs encore davantage puisqu’un comité travaille en ce moment sur un projet dont Hugues Sansregret parle avec une prudence mêlée d’excitation: faire passer la superficie du territoire de 66 à 412 km2. Encore plus de bonheur en perspective!

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L’El dorado des amateurs de plein air

ForetMo-Velo

Ce n’est pas le choix d’activités qui manque à la forêt Montmorency. L’hiver, on y vient surtout pour les sentiers de ski de fond et de raquette. Et même, pour le ski-raquette! Cet équipement hybride permet de dévaler des pentes… et de les remonter facilement grâce aux peaux synthétiques dont sa base est munie. Par ailleurs, des randonnées guidées de pistage et d’identification de la faune sont régulièrement proposées.

La forêt Montmorency a encore plus à offrir que ses activités hivernales. À commencer par des safaris d’observation d’orignaux qui ont lieu l’automne. Les participants réussissent à observer ce grand cervidé quatre fois sur cinq. Ils ont également de fortes chances de croiser castors, renards, oiseaux de proie et sauvagine, sans compter les plus rares ours noirs, loups gris et lynx du Canada. L’activité est encadrée par un guide naturaliste chevronné. Fin septembre, c’est la cueillette de champignons sauvages: cette sortie d’une demi-journée permet de mieux connaître, puis de savourer les champignons en compagnie d’un mycologue et d’un chef cuisinier. Quant à l’été, son activité-phare est le concert faunique du samedi soir. Il s’agit de spectacles poétiques durant lesquels les musiciens produisent une musique envoûtante, bien installés dans leur canot au milieu d’un lac.

De nombreuses activités individuelles sont également au menu de l’été et de l’automne : marche, vélo de montagne, canotage… Et pour qui veut dormir sur place, rien de plus simple. Chaque soir l’endroit peut accueillir 250 personnes qui choisissent entre le luxueux chalet, les 7 refuges en bois rond et les 75 chambres, doubles ou triples, du pavillon principal. Ce bâtiment comporte aussi une cafétéria et des salles communes.

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Un terrain de jeu pour la recherche

Vaste laboratoire à ciel ouvert, la forêt Montmorency accueille tous les jours de nombreux chercheurs. André Desrochers fait partie du lot. Tous les étés depuis bientôt 20 ans, ce biologiste et professeur au Département des sciences du bois et de la forêt mesure, avec ses étudiants, le succès de reproduction des oiseaux. Ses recherches ont montré que les activités sylvicoles n’ont qu’une incidence temporaire sur la sélection de leur habitat, les oiseaux revenant à mesure que la forêt vieillit.

Photo André Desrochers

Photo André Desrochers

Le chercheur s’intéresse aussi à l’utilisation de la forêt boréale par les chauves-souris: en fixant un émetteur radio sur leur dos, il espère comprendre l’influence des pratiques forestières sur leur alimentation et leur reproduction. Et durant l’hiver, avec une équipe d’étudiants munis de GPS et de raquettes, il effectue des relevés de pistes des mammifères présents sur le territoire pour mieux comprendre le déplacement de petits animaux (martres, lièvres, belettes…) ainsi que les relations prédateurs-proies.

Comme pour de nombreux chercheurs d’autres disciplines, la forêt de l’Université est pour lui un terreau fertile. «Le lieu procure une grande liberté d’action, témoigne le biologiste. On peut y mettre des dispositifs expérimentaux sans avoir peur qu’ils ne soient détruits. Ça nous permet de réaliser des analyses sur le long terme, les meil­leures recherches en écologie étant généralement celles qui s’étalent sur une longue période.»

Toutes disciplines confondues, plus de 500 publications scientifiques se sont appuyées sur des travaux menés à la forêt Montmorency.

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Les poumons de l’Université

«La forêt Montmorency est importante parce qu’elle est directement reliée à notre mission de formation et de recherche, affirme d’entrée de jeu Éric Bauce. C’est ici qu’on forme plusieurs types de professionnels, dont des ingénieurs forestiers, des biologistes et des gens de plein air. »

Photo Martine Lapointe

Photo Martine Lapointe

Le vice-recteur exécutif et au développement rappelle du même souffle que la forêt joue un rôle primordial pour l’Université dans sa stratégie de diminution des gaz à effet de serre (GES), l’une des grandes causes des changements climatiques. Ses arbres, qui agissent comme des puits de carbone grâce à la photosynthèse, captent quelque 4000 tonnes de CO2 par an, rappelle-t-il. Grâce à son programme de compensation volontaire des émissions de GES, l’Université y a planté plus de 10 500 arbres depuis un an, surtout des épinettes noires et des blanches.

C’est aussi à la forêt Montmorency qu’a été réalisé le premier chantier de construction carboneutre au Canada, en 2011. L’Université avait alors choisi de compenser les émissions de GES générées durant les travaux d’installation d’un pont par la plantation de 2650 épinettes. De plus, elle a privilégié le bois comme élément de structure pour ce pont, contribuant doublement à la lutte contre les changements climatiques.

«Si l’on regarde les recommandations de l’ONU, il y a deux façons efficaces de lutter à court terme contre les changements climatiques: l’aménagement forestier et les constructions en bois, souligne Éric Bauce. On est en plein là-dedans!»

«La meilleure manière de connaître la philosophie de l’Université Laval en matière de développement durable, c’est de venir ici et de regarder ce qui se passe», résume de son côté Hugues Sansregret.

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Une forêt aménagée avec soin

Forêt en régénération

Forêt en régénération

Hormis une portion de 13% de son territoire (8,6 km2) consacrée Réserve de la biodiversité, la forêt Montmorency n’est pas vouée à la conservation. On y fait entre autres des coupes forestières, selon les meilleures pratiques en vigueur. La vente annuelle de 10 300 m3 de bois résineux, couplée aux revenus générés par les activités récréatives, permet l’autofinancement de la forêt.

Cependant, la priorité reste la vocation scientifique du territoire. «Nous gardons toujours en tête notre mission d’enseignement et de recherche et, bien souvent, ce sont les besoins de nos chercheurs qui orientent la planification des coupes fores­tières ou d’autres travaux sylvicoles», explique l’ingénieure forestière Julie Bouliane. C’est elle qui applique sur le terrain les décisions prises par le comité à la tête de la forêt Montmorency. Ce comité est composé de représentants de l’Université, des gouvernements provincial et fédéral ainsi que de différents organismes.

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  1. Publié le 22 septembre 2014 | Par Louise Desautels

    @Diane Bernier
    Vous trouverez toute l’information sur le site Web de la forêt: http://www.fm.ulaval.ca/accueil.asp
    Si vous préférez téléphoner: (418) 656-2034
  2. Publié le 22 septembre 2014 | Par Diane Bernier

    Avez-vous les coordonnées de ce joyau forestier ? j'aimerais bien m'y rendre et connaître toutes les activités possibles.

    Très bon article qui nous donne le goût d'aller constater par nous-mêmes la beauté de cet endroit.

    Merci
  3. Publié le 20 septembre 2014 | Par Jean Arsenault

    Article très intéressant!

    C'est un tour complet de la mission de la Forêt Montmorency. En tant qu'ancien étudiant et employé de l'Université Laval, je suis toujours fier de retourner à cet endroit soit pour me promener dans les sentiers en été, comme visiteur avec un groupe de l'Arul, ou pour y passer quelques jours en famille ou avec des amis venant de l'ėtranger en hiver.

    Que votre beau travail continue!
  4. Publié le 20 septembre 2014 | Par Pierre J.H. Richard

    Comme Claude Richard mon collègue homonyme de la promotion 1967, je faisais partie de la première cohorte d'étudiants ayant profité de la toute neuve Forêt Montmorency. J'en garde aussi des souvenirs inoubliables, de ceux qui s'impriment en nous quand on a 19 ans...: les brumes se levant sur la prairie humide à Calamagrostis, à côté d'une magnifique et minuscule tourbière sur les rives du ruisseau du lac Joncas au petit matin. La tourbière a livré 12 700 ans d'histoire de la végétation environnante, grâce aux grains de pollen préservés dans la tourbe. Ce billet montre tout le chemin parcouru dans la mise en valeur et l'exploitation de ce joyau qu'est la Forêt Montmorency. Merci!
  5. Publié le 19 septembre 2014 | Par Claude Richard

    Quels merveilleux souvenirs me rappelle ce reportage sur la Forêt Montmorency. J'ai fait partie de la première cohorte d'étudiants qui y ont séjourné pendant l'été 1966. Les travaux pratiques pendant le jour, la rédaction de rapport en fin de journée, la pêche sur le lac Piché après le souper, et quelle pêche, la forêt sauvage, la chute de la rivière Noire, les animaux sauvages (les ours dans la moutonne entre autres), etc. Que du bon.
  6. Publié le 19 septembre 2014 | Par Louise Desautels

    @André St-Sauveur
    Vous trouverez toute l'information sur le site Web de la forêt: http://www.fm.ulaval.ca/accueil.asp
  7. Publié le 19 septembre 2014 | Par André St-Sauveur

    Bonjour

    C'est très intéressant j'aimerais pouvoir m'y promener.
    Je voudrais connaître comment on peut avoir accès à cette forêt, soit pour la marche et pour la prise de photos. En d'autres mots, quand et comment on peut avoir accès à cette montagne.
    André St-Sauveur
  8. Publié le 19 septembre 2014 | Par raymond theriault

    Quelle richesse pour la région et pour l'humanité.

    Merci de nous faire apprécier ce joyau.

    Belle initiative.

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