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Printemps 2007

La poésie selon trois diplômés

Trois diplômés témoignent de la vigueur de la poésie dans le pays où ils habitent.

CÉLÉBRER LA NÉGRITUDE

Au Sénégal, pays d’Hamidou Dia (Littérature 1995), la poésie s’exprime de deux façons: l’expression traditionnelle orale, qui fait une large place à l’épopée et à la mémoire du peuple, et l’expression contemporaine écrite en langues sénégalaise et française.

Au sujet de la poésie en français, M. Dia explique qu’elle a pris son envol avec le mouvement de la négritude, un courant littéraire né simultanément à Paris et à Dakar après la Deuxième Guerre mondiale. «Cette poésie se caractérise par des propos essentiellement anticolonialistes et revendicatifs de l’identité nègre», explique le professeur de philosophie et de littérature comparée.

Plusieurs poètes sénégalais issus de ce courant se sont d’ailleurs distingués, particulièrement David Diop (1927-1960). «C’est celui qui a eu l’influence la plus profonde et la plus durable sur les poètes de la génération actuelle, dit-il. Son œuvre, qui tient dans un unique recueil, est à la fois un cri de révolte contre le colonialisme et un message d’espoir quant à la libération de l’Afrique de tous ses maux. Son poème intitulé Afrique est d’ailleurs enseigné à tous les écoliers africains. L’influence de cet homme a été déterminante pour moi.» M. Dia est lui-même auteur de deux recueils de poésie.

Hamidou Dia déplore que la poésie sénégalaise, bien que très féconde, souffre de graves problèmes d’édition et de diffusion. «Il existe quelques petites maisons d’édition qui font beaucoup d’efforts pour publier les œuvres de nos poètes, mais c’est encore trop peu. Sur le plan de la diffusion, le problème est tout aussi criant: Dakar, qui compte plus de deux millions d’habitants, n’a que deux grandes librairies!» Et bien que l’intérêt du public pour la poésie soit présent, la culture sénégalaise reste dominée par le roman, le théâtre et la musique, observe-t-il.

AFRIQUE (finale du poème)

Cet arbre là-bas
Splendidement seul au milieu des fleurs
Blanches et fanées
C’est l’Afrique ton Afrique qui repousse
Qui repousse patiemment obstinément
Et dont les fruits ont peu à peu
L’amère saveur de la liberté.

***

COMME LE DISAIT CONFUCIUS…


Selon Zenghou Cheng (Langue française 1980), la Chine est depuis toujours une terre poétique. Cinq siècles avant notre ère, Confucius a rassemblé 305 poèmes recueillis dans la population et, ainsi, constitué le tout premier recueil de poésie chinoise. «Les œuvres de cette époque existaient sous forme de chansons populaires», précise le professeur de langues modernes à la retraite. C’est vraiment sous la dynastie des Tang (618-907) que la poésie traditionnelle a atteint son apogée. Cette époque est d’ailleurs considérée comme l’âge d’or de la littérature chinoise. «Tout Chinois cultivé retient au moins quelques dizaines de vers des poètes des Tang, assure M. Cheng. Les enfants se familiarisent davantage avec cette poésie qu’avec celle d’aujourd’hui.»

Zenghou Cheng affirme qu’en Chine, les poètes qui écrivent des vers sont plus nombreux que ceux qui les lisent. «Pour attirer l’attention, certains poètes sont même allés jusqu’à se déshabiller pendant des récitations publiques», dit-il. Ce qui, selon lui, a pour effet de choquer le public et de creuser davantage le fossé entre la poésie et le peuple. Pour sa part, M. Cheng a consacré une partie de sa carrière à faire connaître la littérature québécoise à ses compatriotes. Il a notamment traduit en chinois les romans Kamouraska, d’Anne Hébert, et Une saison dans la vie d’Emmanuel, de Marie-Claire Blais.

***

POÉSIE AU PAYS DU TANGO


La poésie contemporaine est bien vivante en Argentine. Même si ce genre souffre, là aussi, d’un grand problème de diffusion, on y publie chaque année une vingtaine d’ouvrages collectifs. Et des poètes se réunissent régulièrement pour lire leurs créations devant un public enthousiaste. «Le fait que la poésie ne soit pas traitée comme un genre littéraire commercial nuit évidemment à la renommée de nos poètes et à leur rayonnement international, mais pas à l’importance de leur production», explique Miguel Santagada (Littérature et arts de la scène et de l’écran 2004), professeur en communication et cultures contemporaines à l’Université de Buenos Aires. «Hermann Hesse soutenait qu’écrire des mauvais vers procure plus de bonheur que de lire les vers les plus beaux. Je pense qu’il avait raison. Aucune avancée technologique ne peut remplacer cet art qui nous permet d’exprimer nos passions, et c’est pourquoi la poésie continue d’exister.»

M. Santagada ne peut parler de la poésie de son pays sans évoquer la chanson. La poésie rejoint en effet la population grâce à sa présence dans les textes des chansons populaires et folkloriques, mais aussi par le biais du tango, où la parole occupe une place aussi importante que la musique et la danse. «Plusieurs grands poètes se sont consacrés au tango. Parmi eux, je retiens Homero Manzi (1907-1951) et Enrique Santos Discepol (1901-1951), qui ont écrit les tangos les plus poétiques, largement diffusés hors des frontières de l’Argentine.»
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