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Automne 2007

Sauver le monde 101

Le programme Managers sans frontières prépare les étudiants à l'action humanitaire… parfois à la dure!

«Avant, il suffisait d’être blanc et volontaire pour sauver le monde. Aujourd’hui, les organismes humanitaires ont réalisé que la bonne volonté ne suffit pas.» Baroudeur aux quatre coins de la planète une grande partie de sa vie, Gérard Verna connaît la coopération internationale comme le fond de sa poche.

C’est ce professeur hors normes du Département de management qui a eu l’idée de mettre sur pied un programme pour former des gestionnaires en développement international et action humanitaire: Managers sans frontières. Au départ, ce programme était offert en concentration mineure dans le cadre du baccalauréat en sciences de l’administration. On pouvait aussi le suivre sous forme de certificat. Aujourd’hui, s’ajoute la possibilité de s’y inscrire dans le cadre d’un MBA.

C’est en 2006 que le programme a officiellement pris son envol. Après une formation de quelques mois en gestion de projets, en éthique et en développement, 18 stagiaires sont partis durant l’été se frotter à la réalité des organisations non gouvernementales (ONG) dans les zones défavorisées de la planète, bibittes et maladies intestinales comprises.

De cette première expérience, l’équipe de direction a tiré plusieurs conclusions. «Pour les jeunes sans expérience, nous mettons désormais sur pied des stages maison, précise M. Verna. Cela permet de les initier à l’action sur le terrain avec l’aide des organismes internationaux, sans les jeter brutalement dans le bain.» La durée des stages s’est aussi allongée, car trois mois sur le terrain ne suffisent pas pour se lancer dans des réalisations, si l’on tient compte de la période d’adaptation. «Et surtout, nous visons maintenant la clientèle du deuxième cycle. C’est clair que les ONG veulent des gens qui ont davantage de vécu.»

Pour faire carrière

La Faculté des sciences de l’administration propose désormais aux mordus un MBA en développement international et action huma-nitaire. Objectif: fournir aux organismes des professionnels désireux de faire carrière dans le domaine. Pour mener à bien des projets sur le terrain, ces personnes doivent savoir faire preuve de sang-froid et avoir de l’entregent, mais elle doivent aussi posséder une bonne dose de connaissances administratives. De plus en plus, en effet, les bailleurs de fonds surveillent la façon dont leur argent est dépensé et multiplient les garde-fous bureaucratiques.

«L’action humanitaire d’aujourd’hui est tout sauf de l’improvisation, confirme Maguil Gouja, un ancien stagiaire devenu administrateur d’une ONG médicale en Afrique. En ce sens, les gestionnaires ont un rôle primordial à jouer. Avec d’autres professionnels, en logistique, en communication et en droit international humanitaire, ils apportent un soutien sans lequel médecins ou ingénieurs ne pourraient pas aider efficacement les populations en détresse.»

En quelques décennies d’histoire de la coopération internationale, la façon d’aider les autres a aussi évolué. Désormais, les professionnels de l’action humanitaire sont conscients de l’importance de s’adapter aux réalités locales. Par exemple, en évitant d’imposer un calendrier de réalisation trop ambitieux dans des sociétés souvent désorganisées.

Ancienne stagiaire devenue spécialiste en désastres pour le Programme des Nations unies pour le développement en Haïti, Valérie Tremblay a ainsi revu à la baisse ses échéanciers, quelques semaines après son arrivée en terre haïtienne. Sa formation en gestion de projet, assure-t-elle, a facilité son travail de planification. Il lui fallait acheter du matériel pour les situations d’urgence selon les nombreuses exigences administratives de l’ONU et, en même temps, fournir des plans d’évacuation aux organismes canadiens. L’arrivée plus tôt que prévu de fortes pluies suivies d’inondations a encore compliqué sa tâche.

Le choc culturel

Le choc culturel constitue un autre obstacle important à surmonter. Dans leurs blogues, disponibles sur le site de Managers sans frontières, les stagiaires de cet été racontent les piètres conditions d’hygiène et, surtout, les difficultés à comprendre l’autre, plongé dans une réalité si différente de la leur. Certains se transforment même en reporters, en vertu d’une entente avec la chaîne TVA. C’est ainsi que, grâce à des caméras prêtées aux stagiaires, les téléspectateurs et les internautes ont découvert, cet été, la dure vie des recycleurs de déchets à Katmandou ou ont constaté la vétusté des dispensaires en Afrique.

Plusieurs cours du programme Managers sans frontières contribuent à préparer les étudiants à la réalité des pays en voie de développement, comme en témoigne l’ex-stagiaire Édith Fortier. Mme Fortier est restée plusieurs mois au Soudan après son stage, pour assister le chef de mission d’Action pour la faim. «L’apprentissage sur le terrain est constant et immense, et un programme comme Managers rend la marche moins haute, tout en facilitant l’adaptation», note-t-elle.
 
Les connaissances théoriques frappent quand même parfois le mur de la réalité. À la suite d’un stage au Cameroun, Anne Rouleau s’est installée dans ce pays pour travailler avec la Fondation canadienne pour le développement durable de l’Afrique. Et après quelques mois, elle commet encore des gaffes. «L’autre jour, raconte-t-elle, j’ai payé un chauffeur de taxi avec la main gauche, considérée impure par les musulmans. Insulté, le chauffeur m’a dit de laisser l’argent sur le siège. Il a vraiment eu dédain de moi! Grâce aux cours que j’ai déjà suivis, je comprends que c’est normal. Après tout, c’est à nous de nous adapter, pas à eux.»

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LE STAGE, EXPÉRIENCE ULTIME

Marie-Élisabeth O’Neill raconte son stage de trois mois au Niger, réalisé dans le cadre du programme Managers sans frontières.

Je me rappelle encore le jour où j’ai reçu le courriel annonçant la création du programme Managers sans frontières, lequel se termine par un stage à l’étranger. J’étais en train de compléter ma maîtrise en communication publique à l’Université. Je m’étais spécialisée en gestion de crise et j’avais déjà commencé à travailler dans mon domaine au sein de l’appareil gouvernemental québécois.

Même si l’idée de me lancer dans un nouveau programme ne me plaisait pas beaucoup, enfoui en moi couvait le rêve de voyager et d’explorer de nouveaux horizons. J’ai donc présenté ma candidature, à ma grande surprise, et j’ai été sélectionnée.

Au cours de l’année scolaire, j’ai suivi, en compagnie d’une quinzaine d’autres étudiants, les cours de formation et de préparation pour mon stage. Nous sommes tous partis aux quatre coins du monde en mai et juin 2006. Pour ma part, je mettais le cap sur le Niger afin de réaliser un contrat de trois mois pour Oxfam-Québec. Je me revois à l’aéroport, quittant mon conjoint, ma famille, mes amis et une vie dont je ne me plaignais guère, pour m’envoler vers ce pays désertique d’Afrique, considéré comme un des plus pauvres au monde.

Dure semaine


J’ai débuté mon stage dès mon arrivée à Niamey, capitale de ce pays musulman dont la langue officielle est le français. Mon travail consistait à élaborer un plan de gestion de crise alimentaire pour Oxfam-Québec. Le Niger est extrêmement vulnérable à ce type de crise. En 2005, la sécheresse et les invasions de criquets ont détruit des récoltes et causé une famine qui a fait des milliers de victimes. Le défi qui m’attendait était donc de taille, mais très stimulant.

La première semaine fut la plus dure de ma vie. Pour une fille qui n’était jamais allée dans un pays en voie de développement, le choc fut intense. Je me demandais comment j’allais passer au travers. C’est dans ces moments-là qu’on découvre en soi des forces inconnues. Après deux semaines difficiles où j’ai dû m’habituer aux coquerelles, aux lézards, à la chaleur extrême (45-50°C) et, plus que tout, à la pauvreté qui vous coupe le souffle, je me suis tranquillement intégrée au train-train quotidien africain.
 
J’ai découvert un pays, une culture et une vision du monde qui ne s’apprennent pas dans les livres. J’ai appris à travailler dans des conditions difficiles où un imprévu n’attend pas l’autre. On en vient à vivre sur une sorte d’adrénaline: notre cerveau analyse rapidement les problèmes et trouve les solutions en relativisant la gravité de chaque situation. On laisse tomber des façons de juger à la mode chez soi pour voir les choses autrement et reconnaître le bien-fondé de comportements différents. J’ai également dû apprendre à calmer mes nerfs d’Occidentale pressée, d’autant plus que le mot « stress » ne fait pas partie du vocabulaire africain.

La piqûre de l’Afrique

Quitter ce pays fut aussi difficile que de m’y adapter. J’y ai découvert des gens qui apprécient la vie comme si elle allait se terminer le lendemain. Ce fut d’ailleurs une de mes plus grandes leçons. À cette sérénité, s’ajoutent un esprit d’accueil et une amabilité qui vont droit au cœur. J’ai eu ce qu’on appelle la piqûre de l’Afrique.

Cette expérience a été pour moi la plus difficile et la plus enrichissante de ma vie. Malgré les difficultés, je recommencerais demain matin. En bout de ligne, c’est la meilleure décision que j’aie jamais prise. Et, pour une fois, je n’ai aucune gêne à dire que je suis fière de moi.

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ÉTUDIER SANS FRONTIÈRES

Managers sans frontières n’est pas seul de sa catégorie, sur le campus. On trouve aussi Ingénieurs sans frontières, Avocats sans frontières, Foresterie sans frontières et d’autres encore… autant de groupes qui se consacrent à la coopération internationale.

Récemment, les trois premiers ont décidé de regrouper leurs forces pour réaliser certains objectifs communs. «Cela nous permet, à titre d’exemple, d’organiser conjointement des activités de sensibilisation comme lors de la Journée mondiale de l’eau ou la Semaine du développement international», indique Christian Hudon, coordonnateur de Managers sans frontières.

«Il faut faire tomber les murs entre nous», renchérit Nicolas Clermont, l’étudiant en génie mécanique qui préside Ingénieurs sans frontières. Présente à l’Université Laval depuis trois ans, cette association pancanadienne permet à des volontaires de découvrir le développement international en s’insérant dans la vie du pays. «Nous ne devons plus arriver là-bas en imposant notre technologie, affirme Martin Bérubé, un étudiant en génie physique, revenu transformé de son séjour de quatre mois au Mali. Il faut nous mettre à l’écoute des besoins, et partir des idées des gens sur place.»
 
Venus des départements de génie, de biologie et d’enseignement au secondaire, les membres d’Ingénieurs sans frontières organisent des présentations sur le développement international, destinées à tous les étudiants du campus. Ils offrent également des ateliers dans les écoles secondaires où réalité des pays en voie de développement et fabrication de filtres à eau sont au programme.

Pour sa part, la cellule Université Laval d’Avocats sans frontières (ASF-UL) produit depuis l’an dernier des rapports pour les avocats québécois qui assistent les juristes dans des zones où règne trop souvent l’impunité. Sous la supervision d’un professeur de la Faculté de droit, ces projets de recherche crédités font prendre conscience aux étudiants de la question des droits de la personne à l’étranger.

Ce printemps, par exemple, les étudiants ont travaillé sur les décisions rendues par la Cour interaméricaine des droits de l’homme. «Aujourd’hui, les étudiants veulent agir et contribuer à l’amélioration des conditions de droit», constate Renaud Gignac, le président d’ASF-UL.

Quant à Foresterie sans frontières, organisme créé en 2005 à la Faculté de foresterie, il entend mobiliser professionnels et étudiants en faveur du développement durable et de l’action humanitaire. Déjà, en 2007, un premier étudiant s’est rendu en Haïti, où il a identifié les freins à l’établissement de forêts communautaires gérées par les paysans.

Informez-vous sur les fonds de bourses de la Fondation de l’Université qui permettent aux étudiants de réaliser stages et formation à l’étranger.
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