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Automne 2004

Tranche de vie cairote

Dans la cité exotique et débordante d'activités du Caire, un couple de diplômés de l'Université Laval a établi sa demeure. Récit d'un dépaysement réussi…

    Le Caire. Il est minuit dans les rues encombrées qui bordent la gare Ramsès II. Les deux mains sur le volant, Louise Saint-Laurent zigzague entre les taxis en ruine et les charrettes de légumes tirées par des ânes poussifs qui encombrent la chaussée. Un coup de volant à gauche pour éviter ce cycliste chargé d’une provision de pains en équilibre sur sa tête et roulant à contresens. Un autre petit coup à droite, et voilà le minibus rempli de passagers remis à sa place.

«Louise! Regarde  ces magnifiques arcades le long de la rue, on ne les avait encore jamais vues!», s’exclame son époux Michel Hébert, le nez collé à la vitre. «Il faudra revenir», opine sa douce moitié qui doit freiner brusquement pour éviter un autobus qui vient de lui couper la route…

La relation d’amour que le couple de diplômés de l’Université Laval entretient avec une des plus grandes métropoles africaines, où habitent entre 16 millions et 18 millions de personnes selon l’humeur des statisticiens, tient en ce bref échange. Depuis plus de dix ans, ces deux employés à l’Université américaine du Caire, vivent en bonne intelligence avec la mégapole.

La pollution atmosphérique sans cesse croissante, la circulation automobile complètement anarchique et l’omniprésence de l’armée ne font pas le poids à leurs yeux face à l’incroyable richesse patrimoniale qu’ils côtoient quotidiennement. Sans parler du spectacle permanent qu’offre la moindre rue de la cité. «Pendant le Ramadan, j’aime prendre un bain de foule dans le souk et regarder les familles qui partagent leur repas avec des inconnus comme c’est la coutume à cette période, raconte Michel Hébert. Il se passe toujours quelque chose ici!»

La piqûre du voyage

Le couple l’avoue à mots couverts, mais la vie leur semble un peu fade et les trottoirs désespérément vides lorsque l’été les ramène au Québec pour visiter leur famille et leurs amis. «On a un peu trop voyagé pour pouvoir vivre au Québec désormais», confie Louise Saint-Laurent. Les deux époux ont contracté le virus de la bougeotte alors que Michel Hébert sillonnait les mers comme second capitaine sur des navires marchands, il y a plus de trente ans. Ensemble, ils ont écumé les principaux ports de la Méditerranée, et bien d’autres.

Passionné par les mathématiques, le marin décide toutefois de poser son sac au milieu des années 70, et reprend des études à l’Université Laval qu’il poursuit jusqu’au doctorat en 1984. Sa complice, jusque-là secrétaire juridique, lui emboîte le pas et opte pour un baccalauréat en anthropologie qu’elle obtient en 1980, pour mieux comprendre la culture des nombreux peuples dont elle a croisé le chemin.

Zambie, Gabon, le couple reprend ensuite la route dès que leur diplôme respectif leur permet de travailler dans des universités francophones. Après un retour de quelques années à l’Université Laval comme chargé de cours, Michel Hébert a de nouveau des fourmis dans les jambes. Il pose sa candidature avec succès au poste de professeur de mathématiques à l’Université américaine du Caire. Depuis, il se sent comme un poisson dans l’eau dans cette petite université située en plein cœur de la capitale égyptienne, où un peu plus de 5000 étudiants issus des classes aisées se côtoient sur le mini-campus ombragé de style mauresque.

«Je n’ai pas vraiment l’impression d’être éloigné de la recherche dans mon domaine d’études, explique le mathématicien. En mathématique logique, il suffit pour travailler d’avoir un stylo, un bon paquet de feuilles brouillon et de disposer d’un ordinateur pour le courrier. À partir de là, je peux publier mes travaux dans n’importe quelle revue scientifique et participer à des congrès comme si je travaillais en Occident.»

Des conditions de vie gagnantes

À titre de professeur étranger, Michel Hébert dispose comme ses collègues provenant des États-Unis, d’Irlande, du Pakistan, ou des Pays-Bas d’un service particulier de l’Université où travaille justement son épouse. Celle-ci accueille les nouveaux enseignants en organisant des visites de la ville et des oasis aux alentours, mais surtout en facilitant leur vie matérielle.

Dans une ville où le service de ramassage des ordures boude certains quartiers et où certaines familles s’entassent à dix ou quinze dans une pièce unique, disposer d’un appartement loué par l’Université représente une économie de temps et d’énervement inestimable. D’autant plus que le service de Louise Saint-Laurent s’occupe du paiement des principales factures d’eau et de l’entretien du logement.

Bien installé dans son immense appartement dont la terrasse domine une partie du centre ville, le couple québécois ne vit pas pour autant dans une bulle. Très intégrés dans leur milieu universitaire, ils sortent très fréquemment pour se rendre au concert, à l’opéra ou encore découvrir le menu d’un restaurant qui vient d’ouvrir.

Les événements politiques, en particulier les crises qui sévissent actuellement en Irak et en Palestine, les mobilisent également. Ainsi, ils n’hésitent pas à donner un coup de main aux étudiants de leur Université lorsque ces derniers bravent l’interdit qui frappe les manifestations sur la voie publique en Égypte, et dénoncent l’attitude d’Israël face aux territoires occupés. Parfois, Michel Hébert et Louise Saint-Laurent abandonnent cette agitation pour se retrouver seuls dans le désert. Au volant de leur 4X4, ils sillonnent les immensités sableuses en s’étonnant toujours de la beauté des paysages qui s’offrent à eux.
 
Il n’est pas rare, qu’au détour d’une oasis, des ruines surgissant du sable fascinent encore l’anthropologue Louise Saint-Laurent. «Et nous avons bien l’intention de rester dans notre pays d’adoption jusqu’à notre retraite!», s’exclame la diplômée.
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