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Printemps 2008

Un remède pour l’asthme: l’éducation!

L'asthme se contrôle bien... à condition que médecins et patients comprennent la maladie, rappelle Louis-Philippe Boulet.

Louis-Philippe Boulet dirige l’un des plus importants laboratoires de recherche sur l’asthme du Canada, au Centre de recherche de l’Hôpital Laval. Avec ses collègues, il tente de contrer cette maladie respiratoire qui affecte environ 8% des adultes et 15% des enfants des pays industrialisés et qui est en progression depuis 30 ans.
 
Même si la grande majorité des asthmatiques peuvent aujourd’hui mener une vie tout à fait normale, la maladie continue de tuer et occasionne d’innombrables visites aux urgences. Principal responsable, selon le professeur de la Faculté de médecine: le manque d’éducation. L’ignorance fait que de nombreux asthmatiques, leurs proches et, souvent, leur médecin évaluent mal les symptômes, n’ajustent pas bien la médication ou négligent le rôle prépondérant de l’environnement dans cette maladie.

Au cours des dernières années, Louis-Philippe Boulet a développé de nombreux outils pour aider patients et médecins à mieux comprendre et combattre l’asthme. Depuis janvier 2007, il est titulaire de la Chaire de transfert de connaissances, éducation et prévention en santé respiratoire et cardiovasculaire. Contact l’a rencontré.

À quoi attribuez-vous l’augmentation
des cas d’asthme des dernières décennies?

– Il y a plusieurs hypothèses bien difficiles à vérifier. D’abord, on croit qu’avec les progrès de l’hygiène, le système immunitaire humain serait aujourd’hui plus enclin à réagir contre les substances allergènes de l’environnement. Cela expliquerait la forte progression des allergies en tout genre, dont celles qui sont associées à l’asthme: rhume des foins, eczéma ou rhinite allergique.

Comme toutes les maladies inflammatoires, l’asthme serait aussi influencé par la diminution de la teneur en antioxydants de l’alimentation humaine: en gros, moins on mange de fruits et légumes, plus les chances de développer une maladie inflammatoire sont élevées. Nous croyons aussi que plusieurs facteurs de l’environnement sont en cause, comme la pollution atmosphérique et la plus grande isolation des maisons qui retient les polluants domestiques et les allergènes à l’intérieur.

L’augmentation de l’obésité explique également une partie de la progression de la maladie. Avec mon équipe de recherche, j’ai démontré que le surpoids peut aggraver un asthme qui, sans cela, serait resté silencieux.

Finalement, il ne faut pas négliger le fait que l’asthme est de mieux en mieux dépisté par les médecins, ce qui augmente le nombre de cas rapportés. Ceci dit, il y a encore des faux diagnostics puisque l’on confond parfois l’asthme avec d’autres troubles. Par exemple, la toux persistante, un des symptômes de l’asthme, peut aussi résulter d’une rhinite allergique, l’essoufflement à l’effort, être lié à l’obésité ou à la mauvaise forme physique. Le diagnostic de l’asthme devrait toujours s’appuyer sur des tests objectifs, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

L’asthme est-il encore en progression?

– Plusieurs études internationales montrent que la prévalence de la maladie commence à se stabiliser.

Savez-vous ce qui cause cette maladie?

– L’asthme n’a pas de cause unique. L’inflammation des bronches et la contraction des muscles sont une réaction exagérée à l’environnement chez une personne génétiquement prédisposée. Yohan Bossé, du Centre de recherche de l’Hôpital Laval, et Catherine Laprise, de l’Université du Québec à Chicoutimi, étudient les déterminants génétiques de l’asthme. Leur travail avec des familles où la maladie est présente les amène sur la piste de certains gènes.
 
Dans mon laboratoire, nous analysons d’autres éléments en cause dans l’asthme, comme l’exposition à certains polluants ou allergènes au travail, l’obésité ou encore le tabagisme qui inhibe l’action des médicaments. Nous essayons par ailleurs de comprendre pourquoi les athlètes de très haut niveau sont souvent asthmatiques. La sur-stimulation des bronches occasionnée par l’effort prolongé dans un environnement irritant peut contribuer à l’apparition d’asthme ou de bronchospasmes. Je pense par exemple aux grands adeptes de sports d’hiver qui s’entraînent dans l’air froid, ou aux nageurs exposés aux dérivés du chlore présent dans l’eau des piscines.
 
Peut-on guérir de l’asthme?

– Pas encore. Mais la majorité des asthmatiques peuvent aujourd’hui mener une vie normale grâce aux médicaments et en assainissant leur environnement. Les corticostéroïdes en inhalation ont permis d’énormes progrès. Maintenant presque dénués d’effets secondaires aux doses habituelles, ils ont un effet local très puissant sur l’inflammation des bronches et suffisent généralement à traiter l’asthme léger à modéré, qui compte pour environ la moitié des cas. Pour l’asthme un peu plus sévère, on peut combiner corticostéroïdes et bronchodilatateur à longue durée d’action ou parfois d’autres médicaments. Côté environnement, l’obésité, le tabagisme ou une exposition trop importante à des allergènes ou irritants respiratoires, peuvent empêcher de bien maîtriser l’asthme.

Et la chirurgie?

– D’ici un an, on devrait savoir si la broncho-thermoplastie s’avère efficace. Cette intervention, sur laquelle travaille Michel Laviolette, également chercheur au Centre de recherche de l’Hôpital Laval, permet d’éliminer par la chaleur certains muscles lisses autour des bronches, ce qui réduirait la capacité des bronches à se contracter.

Pourquoi jugez-vous
l’éducation si importante?

– L’asthme est une maladie complexe à gérer, qui demande de contrôler son environnement, de savoir évaluer ses symptômes et de respecter un plan de traitement. Au Québec, nous avons la chance d’avoir plusieurs centres d’enseignement sur l’asthme, comme celui de l’Hôpital Laval, regroupés au sein du Réseau québécois de l’asthme et de la maladie pulmonaire obstructive chronique. Ces centres aident les asthmatiques à se prendre en charge. Mais moins de 10% des malades y sont référés. Or, de nombreuses personnes utilisent mal les inhalateurs de médicaments ou ne suivent pas leur plan de traitement, quand leur médecin n’a pas tout simplement omis de leur en fournir un.

Trop souvent, les asthmatiques minimisent leurs symptômes. Certains ont peur de prendre trop de corticostéroïdes. Plusieurs n’ont recours qu’à la médication de secours, les fameuses pompes bleues, qu’ils utilisent plus que de raison. Résultat: l’inflammation non traitée prend sournoisement de l’ampleur et finit par provoquer de graves crises. L’éducation est aussi primordiale pour aider les asthmatiques à agir sur leur environnement, les convaincre d’arrêter de fumer ou de se séparer de l’animal favori auquel ils sont allergiques, ce qu’ils négligent souvent parce qu’ils ne sont pas bien conscients des enjeux.

De quels enjeux parlez-vous?

– On sait, par exemple, qu’un enfant asthmatique court le risque de rester malade à vie s’il est exposé à trop d’allergènes ou à la fumée secondaire, alors qu’on observe régulièrement des rémissions spontanées à l’adolescence.

Comment tentez-vous de remédier à cela?

– Dans les dernières années, j’ai participé à la publication de nombreux documents pour les médecins généralistes et leurs patients, des guides thérapeutiques, aide-mémoires, livres grand public, brochures et même un site web. En mars, la Chaire de transfert de connaissance, éducation et prévention en santé respiratoire et cardiovasculaire a tenu son premier symposium pour partager l’information avec le milieu médical. Peu à peu, on constate que les connaissances et la prise en charge de l’asthme s’améliorent, ce qui pourrait véritablement changer le visage de cette maladie. Mal traité, l’asthme finit par endommager les bronches de manière irréversible. Bien traité, il peut parfois entrer en rémission pour de très longues périodes, voire pour la vie…
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