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Photo de Simone Lemieux

Histoire de glace et de tentations

Lors d’un récent voyage aux États-Unis, j’ai fait un face à face avec l’environnement obésogène. Pour ceux qui ne connaissent pas l’expression, elle a été inventée au tournant du millénaire pour décrire les facteurs auxquels nous sommes exposés au quotidien et qui nous poussent à manger davantage et à bouger moins. Ainsi, me voilà dans une crèmerie à commander un cornet de crème glacée chocolat-menthe. À la question: «Combien de boules?», je réponds: «Une». On me dit alors que ce n’est pas une option. Pardon? C’est parce que je veux juste une boule de crème glacée. Not an option… Je peux payer pour 2 et vous ne m’en donnerez qu’une… «Je n’ai pas le droit de faire ça», m’a-t-on répondu… J’ai donc été «condamnée» à manger mes 2 boules de crème glacée…

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Des exemples comme celui-ci, il y en a plein, et pas seulement aux États-Unis. On peut penser au prix toujours plus avantageux pour des plus grosses portions au restaurant, au coût élevé des fruits et des légumes ou aux publicités qui nous donnent le goût de manger à toute heure du jour et de la nuit. Pourtant, le rôle de l’environnement dans la problématique de l’obésité n’est pas reconnu à sa juste valeur, occupe relativement peu les débats publics et a tardé à faire sa place dans le monde scientifique. Pour certains, le discours sur l’environnement obésogène déresponsabilise les individus.

Je ne vois pas les choses de cette façon: considérer l’environnement obésogène dans nos actions visant la saine gestion du poids favorise des démarches plus éclairées et permet d’agir avec plus de réalisme, selon moi. Collectivement, moins on reconnaît l’importance de l’environnement dans la problématique de l’obésité et moins nos décideurs verront la pertinence de faire bouger les choses à grande échelle.

Trottoirs glacés
On pourrait comparer notre environnement obésogène à un trottoir glacé. C’est comme si, avec les années, de façon parallèle à l’augmentation de la prévalence d’obésité, il y avait de plus en plus de plaques de glace sur nos trottoirs, plaques sur lesquelles certaines personnes plus vulnérables risquent davantage de «glisser». Pour poursuivre l’analogie, les stratégies pour contrer l’obésité visent surtout, jusqu’à présent, à trouver des moyens pour apprendre à faire attention quand on marche sur une surface glacée. Relativement peu d’efforts sont consacrés à régler le problème à la base, par exemple en investissant dans l’utilisation d’«abrasifs». 

Pour les vrais trottoirs glacés, il semble évident que la prévention des chutes passe par un bon entretien permettant le maintien d’un environnement sécuritaire. Je suis convaincue que si, cet hiver, je m’étais cassée le coude en glissant sur un trottoir mal entretenu (et Dieu que les probabilités étaient élevées que ça arrive!), tout le monde aurait été derrière moi pour vociférer contre la piètre qualité du déneigement et de l’épandage des fondants. Je ne pense pas que j’aurais reçu des «T’aurais pu faire attention», «Tu devrais mettre des crampons» ou «C’est quoi l’idée de courir dehors l’hiver?» par la tête. Sommes-nous aussi empathiques envers les personnes qui «glissent» dans notre environnement obésogène? Et surtout, sommes-nous aussi exigeants envers l’entretien de ses «trottoirs glacés»? 

Pommes et popcorn
Les recherches visant à tester les effets des modifications de l’environnement sur les fluctuations des taux d’obésité d’une population sont complexes à réaliser, et on ne peut pas s’attendre à obtenir des résultats tangibles rapidement, même si des efforts sont actuellement consentis en ce sens. Par contre, certaines démonstrations nous suggèrent que d’apporter des modifications à notre environnement, par exemple en rendant les aliments sains disponibles plus facilement, peut avoir des effets bénéfiques. À ce sujet, un article récent publié dans la revue Appetite1 cite les résultats d’une étude pour le moins originale. Les chercheurs ont documenté l’incidence de la proximité des aliments comme facteur déterminant de la consommation alimentaire. Les 2 aliments testés étaient le popcorn (généreusement beurré) et des tranches de pomme fraîche. La distance entre les participants et les aliments testés était prédéterminée par les chercheurs (à portée de main comparé à 2 mètres). Même si les gens mentionnaient préférer le popcorn aux pommes, lorsque celles-ci étaient placées à portée de main et que le popcorn était plus loin, ils mangeaient significativement plus de pommes que de popcorn. L’inverse était vrai quand le popcorn était le plus proche. C’est tout simple comme observation, mais cela démontre bien que si les aliments sains sont plus facilement disponibles, ils sont davantage consommés. De même, si les choix moins sains sont plus difficilement atteignables, on en mange moins! 

En attendant…
Si on attend qu’il devienne plus facile de manger des pommes que des chaudières de popcorn au cinéma, on risque d’attendre longtemps! Entretemps, on doit continuer à appuyer les efforts qui visent à rendre notre environnement moins obésogène. On doit également s’assurer que les stratégies d’intervention qui sont mises de l’avant afin de bien composer avec notre environnement actuel soient sensées et fassent place à la modération, à l’équilibre et au plaisir. On doit par ailleurs continuer à décrier les solutions dites miracles pour la perte de poids, car celles-ci, plutôt que d’aider à se tenir debout dans l’environnement obésogène, entraînent bien des chutes qui auraient pu être évitées. Beaucoup de travail en perspective!

1 Privitera GJ, Zuraikat FM. «Proximity of foods in a competitive food environment influences consumption of a low calorie and a high calorie food.» Appetite 2014;76: 175-179.

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