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Photo de Frank Pons

Novembre avec ou sans moustache

J’étais en train de rédiger un de mes prochains billets qui portera sur le marketing sportif (à venir dans 2 semaines) quand une présentation sur un sujet d’actualité dans un de mes cours m’a interpelé… en particulier la discussion qui s’en est suivie. J’aimerais donc avoir vos opinions …

Cette présentation portait sur la campagne Movember (ou Movembre en bon français) dont vous êtes sans doute témoins tous les jours en novembre avec votre mari, chum, père, fils ou collègue qui se laisse pousser une belle, grande moustache pour une noble cause: la lutte contre le cancer de la prostate

Source: ca.movember.com

Cette campagne fait suite à celle d’octobre et son fameux ruban rose (qui est maintenant au sens large la couleur rose) et qui représente une autre très noble cause pour la lutte contre le cancer du sein. Vous avez sûrement été témoins de ces activités très visibles en octobre dernier (pièces d’équipements roses de joueurs de la NFL ou NHL comme Carey Price, Ville de Québec et autre monuments à travers le monde illuminés en rose…). Ces campagnes sont faites en parallèle à des campagnes continues comme la campagne rouge (RED) pour la lutte contre le SIDA ou d’autres campagnes ponctuelles comme la Guignolée ou le téléthon…

Un constat s’impose cependant: ces campagnes de marketing de cause (ou cause-related marketing en bon anglais) sont de plus en plus nombreuses et se doivent d’être très créatives car, comme pour tout autre produit de consommation, elles sont en compétition pour des donneurs et des sponsors. Si on s’entend sur le fait que toutes ces causes sont plus que charitables et méritent toute notre attention, en raison de moyens et de temps limités, nous ne pourrons nous investir que dans celles qui résonnent le plus auprès de nous pour des raisons personnelles (proche ou famille) ou parce qu’elles viennent toucher une corde sensible.

Avec une communication hyper présente, le marketing pour les causes sociales ou les organisations sans but lucratif (OSBL) contribue à la surcharge d’informations commerciales que nous recevons quotidiennement.  Comme ces compagnies qui nous vendent leurs produits, ces campagnes d’OSBL (particulièrement les 3 présentées ci-dessus) doivent donc appliquer une approche très marketing pour nous rejoindre :

  1. Développer un message simple autour d’un emblème visible et facile à décliner (couleur, moustache…)
  2. Assurer la création et le développement d’une communauté (de marque) autour de l’emblème avec ses règles et ses options pour s’impliquer. Ces communautés visibles (qui a sa moustache, son ruban rose ou son iPod rouge?) nous permettent de reconnaître les autres participants et surtout les non-participants… Combien de personnes m’ont demandé depuis début novembre pourquoi je n’avais pas de moustache??? Beaucoup… mais aucune ne m’a demandé si j’avais donné pour la campagne Movembre… et pourtant c’est cela l’important.
  3. Utiliser des outils de promotions classiques de la cause (publicité, levées de fonds, spectacles), mais aussi une forte composante de médias sociaux (communauté en ligne, chat, partage d’expérience…) pour nourrir leur communauté.
  4.  Forte de cette popularité et communauté, sécuriser, en plus des partenaires historiques, des sponsors ou partenaires commerciaux qui veulent s’impliquer dans du marketing de cause (cause-related marketing)… Il faut en effet garder à l’esprit que le marketing de cause vise à «atteindre les objectifs communs d’une OSBL et d’une OBL» et, n’exclut par conséquent pas l’atteinte de profits pour le partenaire commercial tant que l’OSBL reçoit ce qu’elle cherche (fonds, visibilité, produits…).

Quel effet sur les dons?
Je trouve l’approche marketing des OSBL très professionnelle, éclairée et moderne. Je trouve que ces OSBL avec leurs communautés remplissent parfaitement leurs rôles de prise de conscience et de prévention sur des sujets critiques. Cependant, cette approche soulève en moi de nombreuses questions en ce qui concerne l’effet de ces communautés sur les dons.

Tout d’abord, avec ces créations de communautés visibles, cool et fortes, ces OSBL acquièrent une forte base de négociation auprès de potentiels partenaires… Quelle compagnie ne voudrait pas s’associer avec une cause honorable que de potentiels consommateurs embrassent? Le transfert de sympathie est quasi automatique et appuyé dans de nombreuses recherches académiques. Ces consommateurs dépenseront plus, et plus souvent, pour des produits de cette compagnie.

Néanmoins, en créant ces communautés fortes et visibles, ne joue-t-on pas sur la pression sociale pour forcer de nouvelles personnes à se joindre au mouvement? De plus, si la majorité se joint au mouvement et lance une campagne de levée de fonds en son propre nom, ne diluons-nous pas les dons (plus de personnes à qui donner et donc réduction des dons)?

Enfin, et pour moi plus une question de curiosité qu’un réel souci -)), pourquoi nous impliquons-nous dans ces causes avec un souci de visibilité de nos actes? Nous pourrions donner de manière anonyme (comme beaucoup le font dans d’autres domaines) sans nous laisser pousser une moustache ou porter du rose? Pourquoi ce besoin d’être vu? Est-ce relié à ce qui a été souvent présenté comme une caractéristique de la génération Y… le besoin de visibilité? Qu’en pensez-vous?

Après toutes ces réflexions personnelles, je veux simplement conclure en parlant résultat et en disant que, malgré ces quelques questions, l’important est de continuer à donner et de soutenir ces causes pour faire progresser la recherche et repousser les limites pour vaincre maladie et misère… Bref, pour arriver à des résultats probants quelle que soit la manière dont on donne, il faut s’impliquer… Allez je vous laisse, il me reste 4 jours pour laisser pousser ma moustache -))

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  1. Publié le 12 décembre 2011 | Par Frank Pons

    Tout à fait pertinent Yves. Effectivement, comme dans d'autres domaines, la différenciation de la cause devient clé... et la campagne peut l'accomplir. On trouvera alors des hiérarchies comme dans ',autres marchés... souvent en fonction du budget. À moins que le créatif (dans l'expression) ou le médium utilisé ne viennent adroitement compenser cette hiérarchie avec des approches innovantes et peu coûteuses... pour créer un buzz à cultiver. Ce serait peut être cela la solution des causes moins visibles.
  2. Publié le 10 décembre 2011 | Par Yves Bourget

    Je crois qu'en philanthropie, les motivations pour donner sont à la fois personnelles et sociales.
    Certaines causes nous tiennent naturellement à coeur, la plupart du temps tout ce qui touche à la santé et particulièrement à celles qui touchent aux enfants. C'est ce que je qualifierais de motivations personnelles car ce sont nos émotions qui guident nos gestes. La visibilité est ici secondaire.
    Lorsque, par la suite, nous avons à choisir d'autres causes parmi les mille et une qui nous sollicitent, je crois que celle-ci ont un besoin de «se distinguer» pour attirer notre attention. En créant un positionnement de communauté fort, celà permet à celui ou celle qui s'y associe de façon visible de développer un sentiment d'appartenance que tout être humain recherche. Cela devient en quelque sorte le ROI de l'individu sur son investissement philanthropique.
    Les dollars étant limités et les causes multiples, je crois que cette tendance au marketing de cause ira en s'accentuant.
    Globalement, la philanthropie sociétale devrait en bénéficier, le risque se situe au niveau des petites fondations qui n'ont pas les ressources pour développer ce genre de campagne.
    Dans un monde de communication, la philanthropie n'a pas le choix que de se positionner de façon distinctive.
  3. Publié le 9 décembre 2011 | Par Y Lirette

    Voici ce que j'ai envoyé au journal Le Soleil sur ce sujet et encore sans réponse...

    Movember et Cancer Prostate Canada‏

    2011-11-21
    Bonjour

    J'avais mis de côté votre article du 5 novembre sur le sujet pour vous écrire...
    Alors voilà.

    L'an dernier j'ai contribué.
    Cette année, j'hésite, après avoir vu que le salaire des employés de Cancer Prostate Canada me semble exagéré pour un organisme qui sollicite des dons.
    Avez-vous étudié cet aspect?

    Je peux me tromper, mais le rapport de Revenu Canada sur Cancer Prostate Canada me laisse perplexe...
    Voir à: http://bit.ly/vU8USd

    S'agit-il bien de cet organisme qui profite de November?
    Et les salaires sont-ils bien exagérés? 1 925 981 $ pour 23 employés ?
    J'espère avoir tort de m'inquiéter...

    Merci de votre attention.

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