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Photo de Martin Dubois

Retour sur les 10 sites patrimoniaux menacés de Québec

En mars 2014, j’avais dressé une liste des 10 sites patrimoniaux de Québec qui m’apparaissaient menacés de démolition, qui agonisaient faute d’entretien suffisant ou qui étaient susceptibles de disparaître parce qu’ils n’étaient pas considérés à leur juste valeur. Force est de constater que, 3 ans plus tard, les choses n’ont pas tellement changé. Sur les 10 sites de ce triste palmarès, 2 ont vu leur situation évoluer. Je les retire donc de la liste et les remplace par le presbytère de L’Ancienne-Lorette et l’ancien restaurant Chez Bahüaud.

Photo Conseil du patrimoine religieux du Québec

Presbytère de L’Ancienne-Lorette Photo Conseil du patrimoine religieux du Québec

L’un des sites retirés a connu un dénouement désolant, et l’autre un plus heureux. Le centre Durocher a finalement été démoli, malgré les nombreuses manifestations d’opposition de la part des citoyens de Saint-Sauveur qui se sont battus jusqu’au bout pour conserver cet immeuble emblématique du quartier. Par ailleurs, les travaux de reconstruction du manège militaire de la Grande Allée sont bien avancés et permettront une ouverture en 2018, 10 ans après le funeste incendie qui l’a laissé en ruine. Le chantier laisse présager une belle réussite. Je vous reviendrai sûrement sur ce sujet l’an prochain. Les 8 autres sites semblent toujours menacés. Voyons voir si les dossiers ont quelque peu avancé.

1. L’église Saint-Cœur-de-Marie
Que de rebondissements dans le dossier de cette église désaffectée depuis maintenant 20 ans. Situé sur la Grande Allée, ce site est dans la mire d’un promoteur qui veut y ériger une tour de condos de luxe de 20 étages. Il y a quelques années, le maire de Québec a d’abord ouvert la porte à un projet de remplacement avant de se raviser. Passant de la parole aux actes, la Ville de Québec a récemment inclus l’église Saint-Cœur-de-Marie dans le Programme particulier d’urbanisme (PPU) de la colline Parlementaire en tant que site patrimonial d’intérêt. Elle se donne ainsi le pouvoir d’exproprier le propriétaire de l’église si elle juge qu’il n’en fait pas assez pour sa conservation. L’église est-elle sauvée pour autant? Rien de moins certain, car le promoteur s’acharne à faire accepter son projet et à discréditer la valeur patrimoniale du lieu. Durant ce temps, le bâtiment continue de se dégrader… ce qui favorise bien sûr le promoteur qui n’aura qu’à attendre que le monument soit irrécupérable. L’histoire tend à se répéter.

2. La maison Pollack
La maison Pollack est aussi considérée comme site d’intérêt depuis la modification du PPU de la colline Parlementaire. La Ville semble avoir été au bout des recours dont elle disposait pour obliger le propriétaire, une entreprise montréalaise, à l’entretenir. Avec les nombreuses amendes de plusieurs milliers de dollars qui ont systématiquement été contestées en cour au fil des ans, je crois qu’il s’agit d’un cas flagrant de négligence où l’expropriation et le transfert à un particulier qui mettrait en valeur cette splendide maison seraient la meilleure solution. L’état désolant de la façade néobaroque est préoccupant et ne cesse de se dégrader.

3. L’édifice du YMCA de place D’Youville
Ceux qui sont récemment passés par la place D’Youville ont vu que l’ancien cinéma de Paris a été démoli. Il semble cependant acquis que les murs en pierre de l’édifice de 1879 vont rester debout. Je dis bravo aux autorités (Ville et ministère de la Culture et des Communications) d’avoir exigé que les murs, retenus par une structure d’acier temporaire, demeurent minimalement debout durant le chantier, même si j’aurais préféré qu’on en conserve davantage. Il reste donc à voir comment ces vestiges seront intégrés à la nouvelle architecture du Diamant. J’ai toutefois bon espoir que les architectes talentueux du projet (consortium coarchitecture/in situ/Jacques Plante architecte et BPR/Tetra Tech inc. ing.) sauront faire en sorte que l’ancien édifice du YMCA retrouve son volume et son lustre d’autrefois sans être noyé par le reste de l’édifice ni confiné à de simples façades plaquées devant le projet, ce qui reviendrait à faire du façadisme. La grande enseigne au néon de l’ancien cinéma de Paris, dont j’avais déjà fait mention dans un billet précédent, n’aura pas eu la même chance. Trop abîmée, elle n’a pu être récupérée lors de la démolition afin d’être mise en valeur dans le nouveau projet, comme les architectes et le promoteur le souhaitaient.

Les vestiges des murs de l’ancien YMCA, à la place D’Youville, laissés debout durant le chantier. Photo Martin Dubois

4. La maison Bignell
C’est le calme plat dans le dossier de cette maison construite en 1811, l’un des plus anciens bâtiments encore debout du site patrimonial de Sillery. La maison blottie sous les arbres, peu visible, continue à se dégrader et se dirige vers une mort lente… Ni la Ville ni le ministère de la Culture et des Communications ne semblent savoir quoi en faire. À part empêcher la démolition, il est difficile d’imposer au propriétaire quoi que ce soit si celui-ci ne veut rien faire. Un cas qui risque de ne pas être réglé à court terme.

La maison Bignell, à Sillery, en 2008. Photo Martin Dubois

5. Les grands domaines de Sillery
Enfin, la Ville de Québec et le ministère de la Culture et des Communications se sont entendus sur les principes à appliquer à propos d’un possible développement du site patrimonial de Sillery. Le plan de conservation proposé par le ministère énonce des balises qui limitent le développement à quelques zones bien précises afin de protéger un maximum d’espaces verts et les vues sur le fleuve. Quelques anciens couvents sont en voie d’être convertis, notamment celui des Sœurs de Sainte-Jeanne-d’Arc actuellement en chantier (domaine de Sillery), et les nouvelles constructions projetées, dont les condominiums Sous les Bois sur le site du collège Jésus-Marie, permettent de conserver de grands espaces non construits. En espérant que le sentier prévu sur la crête de la falaise sera aménagé sans tarder afin que la population puisse pleinement profiter de ces sites magnifiques. La principale ombre au tableau demeure l’ancien édifice de la Fédération des Augustines de la Miséricorde de Jésus, près du séminaire des Pères maristes, qui est à l’abandon, les fenêtres cassées, et qui semble être visité par des vandales et des graffiteurs. L’avenir nous dira si tous ces projets s’intègrent harmonieusement au site patrimonial. Je suis plutôt optimiste à ce propos.

6. Les ponts de Québec et de l’île d’Orléans
Nous voilà revenus au point de départ dans le dossier du pont de Québec, qui a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années. Malgré les efforts soutenus des maires de Québec et de Lévis pour faire avancer le projet, notamment les 100 M$  mis sur la table pour repeindre le pont, le propriétaire –le CN– reste campé sur ses positions, prétextant que la peinture n’est qu’une mesure esthétique. Durant ce temps, le pont continue de rouiller. Si, pour le moment, l’acier du pont semble encore solide, il n’en demeure pas moins que la corrosion le fragilise de plus en plus. Plus on attend, plus il en coûtera cher pour le réparer et le repeindre. En raison de cette querelle sans fin, le pont fêtera son centenaire, en septembre prochain, dans un état de désolation et sans les festivités qu’il aurait méritées. De plus, on a récemment laissé passer la chance d’inscrire cette merveille du génie civil sur la liste du patrimoine mondial, et sa possible démolition a même été évoquée à l’Assemblée nationale! Pauvre pont de Québec; la saga n’est pas terminée.

En ce qui concerne le pont de l’île d’Orléans, le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports n’a pas encore statué sur son avenir. Alors qu’un nouveau lien est à l’étude, on analyse divers scénarios pour voir s’il serait possible de garder la vieille structure pour les cyclistes et les piétons ou pour des situations d’urgence. La question des coûts pour conserver le vieux pont sera bien sûr un facteur important dans la décision.

7. Le cottage Ross
Il ne se passe pas grand-chose dans ce dossier qui stagne. Il semble que l’idée de déménager la maison dans le parc Holland, situé en face, ait été proposée, mais je ne sais rien des développements à ce sujet. J’ai peur qu’un jour, un promoteur débarque avec un projet et que la maison disparaisse dans la plus grande indifférence.

8. La caserne de pompiers de Limoilou
Le projet d’implanter un CPE dans cette ancienne caserne ne verra malheureusement pas le jour. Toutefois, on apprenait récemment que le bâtiment a été vendu par la Ville à une entreprise privée qui entend y aménager un regroupement de bureaux pour les petites entreprises qui démarrent. On se croise les doigts afin que cet incubateur d’entreprises fonctionne et que le bâtiment soit mis en valeur, non seulement sa façade, comme la Ville l’exige, mais l’ensemble de la caserne avec sa caractéristique tour de séchage à boyaux.

L’ancienne caserne de pompiers, à Limoilou. Photo Martin Dubois

Des nouveaux venus
Pour remplacer le centre Durocher ainsi que le manège militaire, j’ajoute 2 nouveaux sites menacés à la liste. J’ai songé au Grand Théâtre qui sera bientôt l’objet d’importants travaux (j’y reviendrai sûrement) ainsi qu’à la maison Rodolphe-Audette à Lévis, mais j’ai plutôt opté pour le presbytère de L’Ancienne-Lorette et l’ancien restaurant Chez Bahüaud, dans le Vieux-Québec.

9. Le presbytère de L’Ancienne-Lorette
Comme plusieurs, j’ai été estomaqué d’entendre le maire Émile Loranger mentionner la possible démolition du magnifique presbytère adjacent à l’église Notre-Dame-de-l’Annonciation de L’Ancienne-Lorette pour faire place à un nouveau centre communautaire . Construit en 1893, l’imposant bâtiment en brique a conservé l’essentiel de son décor de style néo-renaissance italienne. Il est évident que le presbytère a une valeur patrimoniale très élevée, d’autant plus qu’il forme un noyau paroissial indissociable avec l’église et le cimetière voisins. Ce qui est le plus choquant dans l’histoire, c’est que le maire Loranger se fait spécialiste du patrimoine en affirmant haut et fort que l’immeuble n’a pas de valeur patrimoniale et qu’«avoir un style vieux» n’est pas suffisant pour justifier sa conservation. Selon lui, il s’agit de vieilleries, ce qui démontre bien qu’il n’a aucune crédibilité en la matière. D’ailleurs, il avait avancé le même argument l’année dernière pour accepter une demande de démolition de la maison Wilfrid-Edge. Selon lui, cette maison n’avait aucune valeur patrimoniale, alors qu’il est évident pour un œil averti qu’elle en possédait une très grande. L’argument selon lequel le presbytère a besoin de travaux est également assez malhonnête, car tous les bâtiments, quels qu’ils soient, nécessitent de l’entretien, et les coûts évoqués ne sont pas si prohibitifs. J’espère maintenant que la pression populaire fera en sorte que le presbytère soit conservé et mis en valeur, le centre communautaire pouvant très bien être greffé à l’arrière, sur une partie du stationnement. Une belle occasion de marier le nouveau à l’ancien.

10. Ancien restaurant À la Bastille chez Bahüaud
Ce bâtiment, situé au 47, avenue Sainte-Geneviève, dans le Vieux-Québec, date de 1899. Entre 1983 et 2005, l’édifice était occupé par le restaurant À la Bastille chez Bahüaud qui comportait une magnifique terrasse. Il a par la suite été acheté par une Américaine afin de le sauver d’un promoteur immobilier qui voulait le raser pour construire des condos. La nouvelle propriétaire a dû faire face à plusieurs imprévus. En 2007, la compagnie qui devait livrer du mazout pour maintenir l’appareil de chauffage en l’absence de la maîtresse des lieux omet une livraison. Conséquence, les radiateurs ainsi que les conduites d’eau gèlent, puis brisent. Les 3 étages de la résidence sont inondés et complètement ravagés par l’eau. C’est le début d’une longue procédure judiciaire contre la pétrolière. Pendant les 7 années où la maison demeure inoccupée en attendant la fin du litige, l’intérieur a moisi et l’état de décrépitude n’a fait qu’empirer. Apparemment, il y aurait une lumière au bout du tunnel. Une personne rencontrée sur les lieux mentionne que des travaux ont commencé et se poursuivront l’été prochain. J’espère que cette maison fera partie des cas au dénouement heureux.

L’ancien restaurant Chez Bahüaud, situé au 47, avenue Sainte-Geneviève. Photo Martin Dubois

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  1. Publié le 7 mai 2017 | Par Lm

    Bonjour Monsieur Dubois.
    Félicitations pour les beaux messages et la belle intention de sauver des monuments à voir et à préserver à Québec et de rendre le public conscient de leur existence. Je souhaiterais qu'une association non lucrative soit responsable de rédiger des listes de monuments à sauver et soit responsable d'amasser l'argent pour l'acquisition, la restauration et l'ouverture des monuments au public. Voici un exemple http://www.fondoambiente.it
    Contactez-moi pour une discussion, merci.
  2. Publié le 14 avril 2017 | Par Liliane

    Merci pour ces informations. J'espère que cela permettra de sensibiliser encore davantage à la conservation du patrimoine... Chaque génération a une tâche à assumer dans
    ce domaine.Le volet patrimonial touristique doit être développé dans chaque région!
  3. Publié le 13 avril 2017 | Par etienne

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