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Photo de Simone Lemieux

Sauts périlleux dans l’alimentation de nos enfants

Pendant quelques années de ma vie, j’ai été gymnaste. Comme plusieurs petites Québécoises de mon âge, Nadia Comaneci m’avait éblouie lors des Jeux Olympiques de 1976 et je m’étais mise à rêver de pirouettes et de notes parfaites. La gym, c’était du sérieux.

Nadia Comaneci, Montréal 1976 Photo CIO

Nadia Comaneci, Montréal 1976
Photo CIO

Nos entraîneurs avaient des attentes élevées et étaient très exigeants. Cela se reflétait dans le «bulletin» qu’on recevait à la fin de chaque année. Dans l’un de ces bulletins, mon entraîneur avait écrit, entre autres choses, que mon poids et ma taille étaient trop élevés pour une gymnaste. Je me rappellerai toujours de la réaction qu’avait eue ma mère: «Simone, si ta taille est trop élevée, c’est bien normal que ton poids le soit aussi. Les 2 vont ensemble. Je ne peux toujours pas t’empêcher de grandir!».

Quelques mois plus tard, je laissais la gymnastique pour un sport où mes grandes jambes me seraient utiles.

Une ligne bien mince
Cette petite histoire peut paraître banale, mais aujourd’hui je me rends compte à quel point la réaction de ma mère, teintée de gros bon sens, a contribué à ce que je conserve une bonne relation avec mon corps et avec la nourriture. Parfois, je me dis que ma mère, pleine de bonne volonté et au nom de la performance, aurait tout aussi bien pu me suggérer de «faire attention», de contrôler mes portions et de manger moins de desserts pour éviter que je ne prenne trop de poids. Je suis convaincue qu’une telle attitude aurait ombragé ma relation avec mon corps et la nourriture. La documentation scientifique sur le sujet me laisse croire que j’ai probablement raison.

La ligne est souvent mince entre favoriser une saine alimentation chez nos enfants et instaurer une relation un peu tordue avec la sphère alimentaire. Par exemple, certains parents qui ont une peur bleue que leur enfant devienne obèse adoptent une attitude très contrôlante envers son alimentation. Malheureusement, malgré les bonnes intentions qui peuvent se cacher derrière une telle attitude, l’effet obtenu sera bien souvent à l’opposé de celui attendu.

À vouloir trop bien faire…
Dans une des études s’étant intéressées à ce sujet, 197 duos mère-fille ont été recrutés1. Les mamans étaient questionnées afin d’évaluer dans quelle mesure elles adoptaient des attitudes contrôlantes envers l’alimentation de leur enfant. De leur côté, les fillettes étaient évaluées quant à leur consommation d’aliments. Les mères dites «contrôlantes» avaient davantage tendance à se fâcher quand leur enfant mangeait de la malbouffe sans permission. Ces mamans croyaient également que si elles n’encadraient pas ou ne contrôlaient pas l’alimentation de leur fille, celle-ci mangerait inévitablement trop d’aliments de type malbouffe. Les mères contrôlantes avaient également tendance à utiliser ce genre d’aliments comme récompense.

Le comportement alimentaire des fillettes, âgées en moyenne de 5 ans, était mesuré de la façon suivante: celles-ci étaient accueillies par une équipe de chercheurs qui leur offrait un repas contenant des aliments familiers (sandwichs, fromage, biscuits, lait, etc.). On leur disait de manger jusqu’à ce qu’elles n’aient plus faim. Cette consigne était très importante, puisque l’équipe de recherche voulait documenter la consommation alimentaire en absence de faim.

Après le repas, les chercheurs amenaient les fillettes dans un autre local où se trouvaient des jeux de toutes sortes ainsi qu’un large éventail de friandises et de grignotines. On laissait ensuite les filles seules pendant 10 minutes en leur disant simplement qu’en attendant le retour des chercheurs, elles pouvaient faire ce qu’elles voulaient: jouer, manger ou les 2. Les fillettes étaient alors filmées à leur insu afin de permettre aux chercheurs de calculer la quantité de nourriture consommée. Les résultats obtenus sont éloquents. Les fillettes dont les mamans avaient l’habitude d’adopter des attitudes très contrôlantes à l’égard de leur alimentation étaient celles qui mangeaient le plus en absence de faim. Ce comportement n’est pas souhaitable, et on sait qu’il favorise le gain de poids. En revanche, les fillettes dont les mamans étaient moins «contrôlantes» avaient davantage tendance à jouer qu’à manger!

Pour éviter de se battre
Je peux imaginer que certains parents qui liront ce billet seront un peu découragés et se sentiront démunis quant aux moyens mis à leur disposition pour favoriser une alimentation saine chez leurs enfants. À cet égard, les chercheurs du domaine proposent entre autres de favoriser un contrôle de l’environnement alimentaire plutôt que de constamment tenter de contrôler l’alimentation de l’enfant. La logique derrière cette suggestion est que lorsque l’accessibilité à des aliments de type malbouffe est restreinte à la maison, on a beaucoup moins besoin de «se battre» avec nos enfants pour limiter leur consommation de ces aliments.

Chers parents, même si vous croyez que l’attitude que vous adoptez envers l’alimentation de vos enfants n’est peut-être pas optimale, ne soyez pas trop durs envers vous-mêmes! Et comme on dit, quand on se compare on se console… Vous avez peut-être entendu parler de cette femme de la Floride qui aurait fait avaler des œufs de vers solitaires à sa fille adolescente à son insu… Apparemment qu’elle voulait lui donner toutes les chances de gagner un concours de beauté; elle s’est dit qu’une perte de poids l’aiderait assurément à atteindre son but…

On est bien loin du gros bon sens de ma maman! 

1 Birch LL, Fisher JO. «Mothers’ child-feeding practices influence daughters’ eating and weight». Am J Clin Nutr 2000; 71: 1054-61.

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