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Menaces à la situation des classes moyennes

Après avoir constaté la situation somme toute assez stable des classes moyennes au Québec et en Europe, il importe de voir que plusieurs éléments pourront prochainement changer la donne et précipiter le déclin des classes moyennes. En particulier, trois menaces risquent de peser sur l’avenir des classes moyennes au Québec (et sans doute dans plusieurs pays européens, notons-le au passage).

D’abord, la mutation du tissu industriel québécois est négativement marquée par le libre-échange avec les É.-U. qui attirent des industries grâce à un fardeau fiscal moins élevé et un taux de syndicalisation moins grand. La menace sur les bons emplois industriels ne vient plus d’Asie mais plutôt de notre voisin du sud.

Ensuite, la capacité d’intervention de l’État québécois est sous pression à cause de l’endettement élevé qui limite sa marge de manœuvre, mais aussi à cause de la faible croissance de la population active (sur le point même de décroître). Moins de travailleurs, moins d’impôts payés. Il faut faire payer davantage les riches, dira-t-on. Oui, mais leur nombre est finalement assez restreint et «trop d’impôts tue l’impôt». Il y a peu de marge de manœuvre de ce côté pour que l’État maintienne son rôle actif dans la redistribution. Des modifications de politiques sont à prévoir.

Enfin, l’État québécois envisage de plus en plus de hausser la tarification de plusieurs services publics: contribution au système de santé, hausse des droits de scolarité, indexation des frais de garde, taxes pour le transport en commun, etc.

Tous ces facteurs risquent d’affecter la classe moyenne québécoise dans les prochaines années.

La mobilité menacée
L’inquiétude au sein des classes moyennes –au Québec comme ailleurs– est appelée à s’accroître pour une autre raison, qui relève cette fois de l’analyse sociologique d’inspiration tocquevillienne: la mobilité sociale qui a toujours fortement caractérisé les classes moyennes est menacée.

Une bonne majorité des membres des ménages de classes moyennes ont en effet été mobiles par rapport à leurs parents sur le plan du statut socioéconomique, notamment les plus âgés. C’est le cas des employés de l’État et des services privés, des titulaires de professions intermédiaires (dans les secteurs de l’enseignement et de la santé notamment), des techniciens et des travailleurs indépendants qui sont tous le plus souvent issus de milieux modestes et peu scolarisés. D’autres ont eu accès aux classes moyennes par mobilité en cours de carrière (commis de banque qui devient gérant adjoint, etc.).

L’éducation et le diplôme, le syndicalisme et les interventions directes de l’État employeur et de l’État régulateur, sans oublier l’offre de bons emplois dans les entreprises les plus dynamiques dans les belles années de forte croissance, ont joué un rôle central dans la fabrication des classes moyennes telles qu’on les connaît dans les pays développés, en Europe comme au Québec.

Les membres des classes moyennes ont ainsi été habitués à améliorer leur situation par rapport à leurs milieux d’origine et aussi au cours de leur cycle de vie. La majorité ont fait l’expérience d’un bon rendement du diplôme, d’autres ont goûté aux gains du syndicalisme au fil des années et la majorité a bénéficié d’interventions accrues de l’État-providence (assurance-médicaments, garderies, etc.).

De nos jours, une partie des classes moyennes réussit plus difficilement à améliorer sensiblement son sort en cours de vie. Et l’approche de la retraite pour plusieurs de ses membres ne va pas améliorer les choses. De même, les perspectives de mobilité vers le haut  s’assombrissent depuis quelques années. L’accès à l’éducation et au diplôme risque de devenir plus coûteux dans l’avenir, la croissance des bons emplois industriels ralentit (le Plan Nord ne produira ses effets qu’à long terme et son impact sera limité), la concurrence entre diplômés se fera plus vive, la capacité de l’État à redistribuer les ressources devient moins forte, etc.

Bref, le contexte et les facteurs qui ont favorisé la croissance des classes moyennes sont en train de changer, ce qui ne sera pas sans susciter de nouvelles inquiétudes.

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  1. Publié le 7 juin 2012 | Par Raymond Saint-Arnaud

    L’actuel gouvernement québécois a un agenda de moins en moins caché: il travaille à changer le paradigme d’un Québec égalitaire socialement responsable pour celui d’un néo-libéralisme branché sur l’utilisateur-payeur, sur l’«au plus fort la poche», sur l’assiette au beurre pour les riches et les mafieux, et les miettes pour les pauvres et la classe moyenne.

    On 
veut imiter Harper, lequel imite les Américains. Le souffle congelant de la droite menace la paix sociale.
  2. Publié le 25 avril 2012 | Par Cynique réalisme

    Bonjour,
    J'avoue que ma conclusion était un peu rapide. Mais de dire que l'humain a quelques chances de se secouer et de se ressaisir à temps relève à mon humble avis (et je souligne «humble» ici) du pur fantasme messianique. Et encore faudrait-il que les médias, tous concentrés et contrôlés qu'ils sont aujourd'hui et seront davantage demain, laissent ce messie les prendre littéralement d'assaut.
    L'éthique n'est plus de ce monde. Le public sert le privé, la caisse de dépôt sert Desmarais, les abris fiscaux tuent l'impôt ainsi que les régimes de retraite, la classe moyenne sert à remplir les caisses vides de l'État et celles pleines des supermarchés et l'humain n'est pas assez intelligent pour y voir clair dans tout ça tant on s'évertue à lui brouiller les cartes et à lui donner du pain et des jeux ainsi que du contenu télévisé vide de sens.
    Pour ce qui est de la pollution, ce n'est pas une préoccupation du capital et le capital mène le monde... Et si nous ne nous rendons pas jusqu'à l'auto-destruction, nous nous rendrons assez près pour qu'elle devienne souhaitable.
    Un peu de fantaisie ici: peut-être qu'à ce moment-là les milliardaires de ce monde seront-ils sur une planète Mars rendue habitable en train de gérer bien à l'abri et à distance leurs usines sur une Terre désormais invivable et où leurs employés-esclaves auront une espérance de vie de vingt ans. George Orwell ne me punirait certainement pas d'aller imaginer un tel scénario.
    Pessimiste, moi? Je veux bien car, en ces temps immoraux, je considère l'optimisme et l'absence d'autocritique qu'il implique comme étant une position insouciante, voire irresponsable ou même vendue ou encore carrément inhumaine.
    P.S. Merci pour vos lecture et partage d'opinions, c'est apprécié.
  3. Publié le 24 avril 2012 | Par Simon Langlois

    @Cynique réalisme
    Oui, les employés et les salariés ont et auront de la difficulté à imposer leurs vues dans le monde qui se dessine, vous avez raison. Mais votre conclusion est quelque peu pessimiste, non? «Notre auto-destruction» n'est sans doute pas pour demain et l'humanité a par le passé montré qu'elle pouvait évoluer vers le mieux et contrer ces tendances négatives. Je suis plus optimiste que vous, mais enregistrons notre différence de point de vue.
  4. Publié le 24 avril 2012 | Par Cynique réalisme

    Bonjour,

    Ce revirement de tendance pour la classe moyenne n'est pas le fruit du hasard ni une fatalité économique mais bien la vision mise en branle d'un monde où le travailleur perdra lentement mais sûrement son pouvoir aux mains de ses employeurs.

    Cette vision d'un monde meilleur imaginée par le capital a été inaugurée avec la libéralisation et la globalisation des marchés. Depuis, rien ne va plus et votre analyse le confirme. Les résultats sont là. Et disons-le au passage, la classe moyenne signifie la majorité et c'est donc dire que seule une minorité est gagnante dans cette vision du monde.

    Cette vision, désignons-la comme la revanche «du capital sur le syndical», «des patrons sur les employés», «de l'économique sur l'éthique», «de la mort sur la vie».

    Ma seule consolation dans tout ceci est que cela nous mène inexorablement vers notre auto-destruction et qu'une Terre sans nous ne s'en portera que mieux. Et vive le triste sort de l'humanité!

    Car il faut bien se l'avouer, mis à part une poignée d'êtres exceptionnels, l'humain n'est tout simplement pas assez pourvu d'intelligence pour s'en tirer tout seul et personne n'est là pour l'aider.

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