Le magazine Contact

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Hiver 2011

Ce que vous en pensez

Plusieurs diplômés vivant en Haïti livrent leur témoignage sur l'après-séisme.

Quand l’ardeur et la résilience humaine vont de pair  >lire
Dominique Rossetti

Rester et plaider pour l’environnement  >lire
Edna Blanc Civil


Une contribution professionnelle et personnelle  >lire
Agathe Pellerin


L’avenir passe par l’accès à l’éducation
  >lire
Délima Pierre

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Quand l’ardeur et la résilience humaine vont de pair…
Dominique Rossetti (Agroéconomie 1980; Économie rurale 1985)
Port-au-Prince


Après un désastre naturel, voire même non naturel, il est toujours fascinant de voir la résilience humaine. J’ai eu mon lot d’expériences à cet égard ayant vécu la sécheresse de 1984 au Sahel, les pillages de Kinshasa en 1991, le conflit israélo-palestinien au début du millénaire et, plus récemment, le séisme du 12 janvier 2010 à Port-au-Prince. La résilience en Haïti est plus qu’étonnante, elle est spectaculaire. Aussi bien celle des Haïtiens que celle des étrangers, la nature ne faisant pas de distinction. Il fallait nécessairement nous relever et être plus forts, plus solides que nous l’étions auparavant.

La reconstruction a commencé le jour d’après, bien que les priorités des priorités furent le sauvetage et l’évacuation des personnes, et ceci dans un contexte extrêmement difficile: traumatisme pour les personnes ensevelies et blessées, traumatisme en raison de la perte de personnes chères et aimées, conditions de vie précaires, difficultés de déplacement, absence de communication, etc.

Il a fallu rétablir impérativement nos capacités, capacité de coopération pour ce qui nous concerne plus particulièrement: infrastructure non fonctionnelle de l’Ambassade et de l’Unité d’appui aux programmes, bâtiment du Centre de gestion des fonds locaux (CGF) totalement détruit, personnel traumatisé et vivant en situation de précarité. À cet égard, il est remarquable que l’équipe du CGF, spécialement touchée par la perte de sa directrice (j’en reparlerai) et de la responsable des communications, ait pu, en travaillant dans des conditions extrêmes –plus d’une centaine de personnes regroupées dans un local fait pour une vingtaine tout au plus– mettre en œuvre, seulement deux mois après le séisme, une première vague de projets de redressement immédiat.

Le redressement immédiat est la phase qui suit les premières actions humanitaires d’urgence; il se situe avant la reconstruction à caractère plus durable bien qu’il y ait nécessairement des chevauchements. Il y a d’ailleurs aussi des ponts entre ces phases: nous avons vécu à cet égard une belle réussite avec une clinique médicale à Léogane dont les infrastructures de base ont été mises en place, dans la phase d’urgence, par les Forces armées canadiennes très présentes dans la région, et dont l’équipement a été complété par le CGF.

En terme de redressement immédiat et face à une administration gouvernementale haïtienne dévastée, tant sur le plan des infrastructures que du personnel, le Canada a fourni les locaux et équipements de travail à plus de 300 fonctionnaires du Ministère de l’Agriculture, du Ministère de la Santé et du Secrétariat de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti. Cette dernière organisation, qui regroupe des représentants des différentes composantes de la société haïtienne et de la communauté internationale, est au cœur du plan de reconstruction du pays et a reçu, dès sa création, une aide solide de la coopération canadienne.

L’ardeur du Canada à aider Haïti, historique sur le plan de l’humanitaire et de la contribution des Canadiennes et Canadiens, ne s’est jamais démentie depuis le séisme. Elle s’est traduite par des engagements fermes pour la reconstruction de l’Hôpital des Gonaïves et la construction de l’Académie de police à Gantier, entre autres. Elle passe aussi par une contribution substantielle au Fonds de reconstruction multi-bailleurs et par de l’appui budgétaire dans les secteurs de la santé et de l’agriculture. Elle s’appuie enfin sur les contributions de l’ACDI, anciennes et nouvelles, dont les activités ont été revues et renforcées. Cette coopération est devenue aujourd’hui un axe majeur du développement international pour le Canada. En fait, la contribution financière du gouvernement canadien pour Haïti excède actuellement un milliard$ (2006-2012), faisant de ce pays le plus important bénéficiaire de l’aide au développement dans les Amériques.

En conclusion, je voudrais parler d’Hélène Rivard, directrice du CGF, qui est décédée ce tragique jour de janvier 2010. Nous nous connaissions depuis 32 ans. Nous nous étions même rendus ensemble en Haïti, il y a 30 ans exactement, grâce à un financement de l’ACDI: nous étions cinq étudiants de l’Université Laval, cinq futurs diplômés en agroéconomie. C’était notre premier contact avec la réalité du sous-développement. Hélène, Annick Lachance, dont je suis devenu la même année l’époux, et moi-même avons ainsi commencé une riche et longue carrière en développement international sur plusieurs continents. À l’été 2009, nous étions particulièrement heureux de nous retrouver sur le terrain de nos premières amours: Haïti chérie, Haïti blessée.

Je te dédie, Hélène, cet article, amie très chère et éternelle.

 
 
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Rester et plaider pour l’environnement
Edna Blanc Civil (Biologie végétale 2007)
Port-au-Prince


J’ai eu ma licence en agronomie à l’Université Quisqueya à Port-au-Prince, en Haïti, et ma maîtrise en agroforesterie à l’Université Laval, à Québec. Depuis quelques années, Haïti est un pays où beaucoup de secteurs sont en proie à une faiblesse accrue tant du côté économique, social, qu’éducatif et environnemental. À cette déficience globale est venue s’ajouter la vulnérabilité provoquée par le séisme du 12 janvier 2010 qui a mis à nu cette faiblesse généralisée. Ainsi, on est face à une situation où tout est à reconstruire. Cette reconstruction appelle l’effort de chaque citoyen et la petite pierre de chacun est d’une considérable importance.

On assiste, depuis peu, à une fuite des cerveaux avec la migration des cadres haïtiens vers d’autres pays à la recherche d’un mieux-être, phénomène qui a pris davantage d’ampleur après les événements de janvier dernier. Cette érosion de la classe intellectuelle affecte de façon considérable le secteur éducatif où l’éducation se fait marchander au même rythme que la carence en professeurs qualifiés se fait ressentir.

Personnellement, je compte apporter ma contribution à la reconstruction à deux niveaux, en espérant que d’autres secteurs profiteront des retombées positives de cet apport. D’une part, le transfert de connaissances aux jeunes étudiants avides d’éducation. Je suis professeure chargée de cours à l’université. Je donne des cours ayant rapport avec l’agroforesterie et la protection des bassins versants. D’autre part, j’essaie d’apporter ma contribution en participant dans la mesure du possible au renforcement des capacités, à la mobilisation de ressources et à la systématisation de l’information pour une meilleure prise en charge du secteur de l’environnement. Je fais aussi de la promotion, de la vulgarisation et de la sensibilisation sur des thématiques fédératrices comme les changements climatiques, la biodiversité et les aires protégées, l’hydroélectricité et autres.

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Une contribution professionnelle et personnelle
Agathe Pellerin* (Diététique 1971 et 1973)
Port-au-Prince

Après le 12 janvier 2010, on m’a souvent demandé si j’avais pensé à laisser Haïti. Comment, après 30 ans dans son pays d’adoption, pourrait-on laisser ses amis et collègues face à une telle catastrophe?  Pour moi, c’était plutôt le moment d’être solidaire avec eux.

Au cours des premiers jours qui ont suivi le séisme, je me suis assurée que toute l’équipe du projet dont je suis responsable avait le minimum pour dormir et se nourrir, j’ai accompagné des collègues dans leur processus d’évacuation et j’ai hébergé la famille d’une amie dont la maison avait subi de sévères dommages. Ce qui m’a le plus marqué pendant cette période fut l’esprit de solidarité et le courage de mes amis et voisins qui partageaient le peu qu’ils avaient.

Simultanément, plusieurs collègues du Ministère de la Santé avec qui nous collaborons avaient perdu leur bureau et leur matériel de travail en plus d’avoir perdu parents et logement. Le projet devait envisager rapidement un appui pour remobiliser ses partenaires: appui psychologique à plus de 200 employés du Ministère et contribution au transfert de leur bureau.

Peut-on vivre en Haïti en se limitant à ses activités professionnelles? Comment rester indifférent aux besoins des familles haïtiennes que l’on côtoie chaque jour? Suite au séisme de janvier 2010, j’ai eu l’opportunité de poursuivre ma collaboration avec des amis du Canada qui appuient un foyer de personnes âgées abandonnées en transmettant leurs dons pour de la nourriture et des médicaments tout en évaluant les besoins en réparation du local endommagé suite au séisme.  


Comme plusieurs Québécois, les amis de ma région d’origine, Sainte-Sophie d’Halifax et Plessisville, ont voulu faire leur part pour la reconstruction d’Haïti en me demandant d’être la présidente d’honneur de la Marche du pain 2010 qui a collecté des fonds pour appuyer 30 marchandes haïtiennes afin qu’elles recapitalisent leur petit commerce et aident leur famille à redevenir autonome. Au même moment, des jeunes de ma région venus en stage en Haïti il y a 10 ans ont voulu faire leur part en organisant un spectacle-bénéfice pour aider les gens de mon entourage. Grâce à cette contribution, plus de 30 personnes ont déblayé les débris accumulés par la dizaine de maisons détruites lors du séisme dans le quartier où j’habite.

Ces interventions m’ont permis de contribuer au processus de reconstruction à deux niveaux: premièrement, celui de mes activités professionnelles qui consistent en l’appui au «système de santé» et ses retombées à plus long terme, ainsi qu’en accompagnement pour relever les nouveaux défis de coordination exigés par l’arrivée de nombreux nouveaux acteurs et, deuxièmement, celui de mes activités de proximité qui visent « les personnes » et dont les résultats sont sans doute plus visibles. Les deux niveaux sont importants pour conserver un équilibre et sentir que notre participation, si minime soit-elle, contribuera à l’amélioration de la situation de nos frères et sœurs haïtiens.


*L’auteure est coordonnatrice de la Cellule d’accompagnement du Projet d’appui au développement du système de santé en Haïti (PADESS) –un projet de l’Agence canadienne de développement international (ACDI)

 
 
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>L’avenir passe par l’accès à l’éducation
Délima Pierre (Administration et politique scolaires 2002; Administration et évaluation en éducation 2006)
Port-au-Prince

Après une maîtrise et un doctorat à l’Université Laval en 2006, je m’étais engagé en Haïti comme chef d’équipe sectoriel pour l’Entraide universitaire mondiale du Canada dans un Programme de coopération volontaire d’appui à la gouvernance en Haïti -Corps canadien. Cet engagement résultait de la croyance dans la possibilité de contribuer à remédier à certains problèmes identifiés dans ma thèse sur l’éducation en Haïti et amplifiés par le séisme du 12 janvier 2010.

C’est ainsi que, depuis 2007, je travaille comme consultant en Haïti au projet Éducation pour tous financé par la Banque mondiale, la Banque de développement des Caraïbes et l’ACDI. Coordonnateur de la gouvernance, je suis convaincu, entre autres, que la gouvernance de l’éducation est une condition déterminante du prédémarrage d’Haïti.

La gouvernance contribue à augmenter les capacités de régulation du Ministère. Au niveau central et des dix directions départementales d’éducation, la gouvernance, tablant sur la formation et l’accompagnement, privilégie: l’accréditation et la supervision, la gestion financière, la passation des marchés, les relations fonctionnelles, l’administration scolaire. L’octroi de matériel roulant, de bureaux et de matériel informatique participe des actions de la gouvernance. Le séisme a diminué les capacités fonctionnelles et opérationnelles du Ministère de l’Éducation et a conduit au déplacement de plus de 300 000 élèves. Pour l’appuyer dans la régulation du secteur et l’augmentation de l’offre scolaire, d’autres actions de gouvernance sont programmées, dont le recensement scolaire (le dernier date de 2003), la mise en place d’infrastructures pour des bases de données en éducation et la création d’écoles communautaires qui vise l’empowerment collectif.

Le défi de ma présence en Haïti est là: définir, coordonner et faire le suivi des actions susceptibles d’améliorer la régulation du secteur de l’éducation détenu à 90% par le privé et contribuer à l’adoption de stratégies pour augmenter l’offre publique d’éducation

 
 
 

 

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