Le magazine Contact

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Hiver 2010

Conteuse d’espoir

Infirmière à la retraite, Ginette Legendre pond des contes qui informent et réconfortent les enfants malades.

Connaissez-vous Choconours, l’ourson diabétique? ou Sursaut, le kangourou opéré à cœur ouvert? ou encore Lentille, la tortue porteuse d’un cardiostimulateur? Non? Peut-être avez-vous déjà croisé Bigoudi, l’agnelle arthritique? Non plus?

À bien y penser, il est préférable que ces personnages de contes pour enfants imaginés par Ginette Legendre (Sciences infirmières 1969, 1989 et 1993) vous soient étrangers. Cela signifie que vous n’avez pas, autour de vous, de bambins malades qui ont un jour trouvé un certain réconfort dans l’une ou l’autre de la trentaine de petites histoires écrites par cette grand-maman souriante qu’on devine aisément un peu gâteau, mais sûrement pas gâteuse!

L’œil vif et rieur, Ginette Legendre vit un peu comme dans un conte depuis qu’elle a pris sa retraite en 1999. Cette ancienne infirmière de l’Hôtel-Dieu de Lévis a troqué la seringue pour la plume avec comme seule idée d’écrire des contes pour ses cinq petits-enfants. Elle en a écrit une demi-douzaine, jusqu’au jour où…

Le conte de fée
«Ma glycémie s’est un peu énervée, raconte-t-elle en riant. Après avoir suivi la formation offerte par l’hôpital sur la façon de contrôler mon taux de sucre dans le sang, je suis retournée chez moi avec une documentation fort intéressante.»

Aussitôt, une question la turlupine: qu’est-ce qu’on remet comme information aux enfants qui souffrent du diabète? Ont-ils des livres qui leur expliquent simplement leur maladie ou leur problème? Elle regarde à gauche et à droite, sans succès.

Qu’à cela ne tienne, c’est elle-même qui comblera cette lacune. La femme au tempérament volontaire se met tout naturellement au travail, sans se demander où cela la conduira. Fin 2005, elle accouche de L’histoire de Choconours, l’ourson diabétique, un conte qui explique aux enfants de 5 à 10 ans ce qu’est le diabète et, surtout, comment on peut apprendre à vivre avec ce problème. Une fois le conte écrit, il faut songer à l’imprimer afin de le distribuer gratuitement aux enfants diabétiques venus en formation à l’hôpital.

Ginette Legendre rencontre les responsables de cette formation à l’Hôtel-Dieu de Lévis, qui sont emballés par son projet. Puis elle le présente lors de l’inauguration d’un programme visant à augmenter le nombre de personnes diabétiques pouvant suivre la formation. Une représentante de ce qui est aujourd’hui la pharmaceutique GlaxoSmithKline lui offre alors de financer l’impression du petit livre pour les enfants diabétiques. Bayer se joint au premier commanditaire et l’imprimerie de l’hôpital s’occupe du travail. Devant le succès de l’entreprise, GlaxoSmithKline remet ça pour un deuxième conte, sur l’asthme. «C’est comme ça que tout a commencé», ajoute simplement Ginette Legendre.

Le tout prend rapidement une telle envergure que l’imprimerie de l’hôpital ne peut plus répondre à la demande. C’est ainsi que les Éditions de la Francophonie, à Lévis, prennent la relève. Les livres sont toujours distribués gratuitement aux enfants, mais l’éditeur peut également en vendre dans les librairies. Sauf exception, l’auteure cherche elle-même le financement nécessaire à l’impression des exemplaires gratuits en cognant aux portes des entreprises, des associations et des fondations.

En moins de cinq ans, Ginette Legendre a publié 25 contes destinés à des enfants souffrant d’un problème de santé: Pirouette, le singe hyperactif, Volterre, le geai bleu aux lunettes, Pissenlit, la mouffette que l’on rejette, Palette, le castor et le don d’organes et bien d’autres. S’y sont ajoutés quatre dépliants remis aux enfants qui doivent patienter à l’urgence, des contes plus courts portant sur l’une ou l’autre des principales causes d’admission. Neuf autres petits livres, qui font généralement de 24 à 36 pages, sont en voie de paraître. Comme par enchantement, le projet de retraite s’est transformé en seconde carrière.

Peluches à la rescousse
Dans cette aventure, Ginette Legendre se paie exclusivement avec les sourires des enfants et la reconnaissance des parents. «Tous mes contes ont trois objectifs: dédramatiser la maladie, briser l’isolement des enfants et, surtout, leur donner de l’espoir.»

L’idée de mettre en scène un animal lui est venue spontanément. «Plus tard, ajoute-t-elle, des psychologues m’ont dit que les jeunes enfants s’identifiaient facilement à un animal.» Appelée régulièrement à présenter ses contes devant des classes du primaire, Ginette Legendre apporte toujours son bestiaire avec elle: une grande boîte pleine d’animaux en peluche, les vedettes de ses contes.

«C’est une très bonne façon d’établir un premier contact avec les enfants, explique-t-elle. Lorsque je donne des conférences dans les classes, je m’amuse beaucoup. Les enfants sont tellement spontanés!» L’idée de cette ménagerie lui est venue au tout début de son aventure, lorsqu’on lui a demandé d’aller raconter l’histoire de Choconours à un enfant diabétique. «Je me voyais mal entrer dans sa chambre avec le livre seulement. J’ai donc acheté plusieurs oursons en peluche. En quittant l’enfant, je lui ai laissé le livre et un de ces oursons.»

Du conte à la réalité
Ginette Legendre trouve son inspiration dans la réalité des enfants malades. En effet, le conte naît le plus souvent d’un besoin exprimé par les professionnels de la santé ou encore par les associations qui se vouent à l’information et à la sensibilisation de la population. Parfois, l’idée vient d’un parent, comme le conte sur les enfants atteints d’arthrite juvénile, mettant en vedette Bigoudi, l’agnelle arthritique.

«Bigoudi a beaucoup de succès!», lance Anne-Laure Chetaille, rhumatologue au Centre hospitalier de l’Université Laval, à Québec. Également chargée de cours à la Faculté de médecine, Dr Chetaille a collaboré avec Ginette Legendre à la rédaction de ce conte. «Cet ouvrage est une aide précieuse à la prise en charge de nos jeunes patients, un support pour leur compréhension de la maladie.»

Le contact avec les familles est essentiel pour l’au­teure. «Chaque fois que c’est possible, explique-t-elle, je rencontre une famille avant d’entreprendre l’écriture. J’y puise une belle motivation tout en comprenant davantage ce que vivent parents et enfants.»

Suit la recherche sur le sujet. L’auteure requiert toujours la collaboration de professionnels: médecins, psychologues ou travailleurs sociaux. «J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec elle, raconte Dr Chetaille. Elle a une très grande capacité d’écoute et une sensibilité particulière pour comprendre les problèmes propres à chaque pathologie et ensuite créer avec talent un conte pour les jeunes enfants.»

«J’apprends beaucoup en faisant cette recherche, ajoute humblement Ginette Legendre. Pas seulement sur les maladies ou les problèmes, mais aussi sur tous ces organismes et ces personnes qui travaillent auprès des jeunes et des familles. Il y a beaucoup de groupes qui font un travail exceptionnel et dont on entend peu parler. J’y puise beaucoup de motivation.»
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