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Printemps 2011

La cybercriminalité selon trois diplômés

Des diplômés vivant en Suisse, au Cameroun et en France expliquent comment se vit là-bas l'insécurité liée au Web.

La Suisse craint la cyberguerre
Le chef de l’armée suisse a déclaré que la guerre utilisant Internet est la plus grande menace pour le pays, raconte Maxime Garneau (Informatique 2002). Spécia-liste Web pour le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, M. Garneau abonde dans ce sens: «Bien sûr, il s’agit d’une menace mondiale et aucun pays n’est à l’abri.» La plupart des nations industrialisées, la Suisse incluse, ont recours à des sys­tèmes informatiques complexes pour gérer leurs infrastructures comme les réseaux de distribution d’eau, de gaz et d’électricité, les systèmes de télécommunication, les équipements militaires, etc. Une attaque informatique d’envergure contre ces installations pourrait avoir des conséquences catastrophiques et affecter une grande partie de la population du pays visé.

Maxime Garneau relate que, selon le secrétaire général de l’Union internationale des télécommunications, seul un traité de paix et de sécurité pour l’Internet permettrait d’éviter une catas­trophe majeure. Par ce traité, rappelle M. Garneau, les pays signataires s’engageraient à protéger leurs citoyens contre des attaques, à ne pas abriter ni protéger des cyberterroristes sur leur territoire et à ne pas lancer d’attaques sur un autre pays. «D’ici à ce qu’on parvienne à un tel accord, on peut s’attendre à une forte augmentation des
cyber­attaques», croit M. Garneau.

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Cameroun: le défi des cybercafés
Gontran Segue Nzouba (Informatique 2009) est analyste-concepteur-développeur pour Afrovision Group, une entreprise qui offre des services et des solutions Web et qui crée des logiciels pour les marchés camerounais et africains à des coûts modérés. M. Nzouba voit deux menaces informatiques pour les utilisateurs individuels. La première, surtout répandue dans le sud-ouest du Cameroun, est l’arnaque économique. «En effet, dit-il, il arrive que des personnes vous proposent des produits, des biens ou certains services par Internet, mais dès qu’ils reçoivent votre argent, ils disparaissent!»

La seconde menace est plus présente dans la région du littoral –l’une des plus urbanisées du Cameroun: l’usurpation d’identité. Les cybercafés y abondent, et une telle utilisation d’Internet sur des ordinateurs communs ouvre la porte à ce cybercrime. «N’importe qui peut venir dans un cybercafé pour installer sur un des ordinateurs, sans être repéré, une machine «zombie» qui récupère toutes les informations (mots de passe, noms d’utilisateurs…) que vous entrez sur différents sites Web», explique Gontran Nzouba. Selon lui, les propriétaires des cybercafés devraient employer des personnes capables de vérifier régulièrement les systèmes, ou même offrir une formation aux gérants des cybercafés afin qu’ils puissent établir la marche à suivre pour la protection des données des utilisateurs.

M. Nzouba rapporte qu’aucun organisme camerounais n’est chargé de punir les délits commis par Internet. «Et ce n’est qu’en janvier 2011 qu’une loi a été promulguée sanctionnant l’usurpation d’identité et les arnaques, souligne-t-il. Avant, vous pouviez être victime d’un tel acte sans toutefois pouvoir porter plainte, car le tribunal ne reconnaissait pas cet acte comme un délit. » La principale mesure pour contrer les arnaques sur le Web reste, selon le diplômé de l’Université Laval, de sensibiliser et d’informer la population. Différents médias camerounais participent déjà à cette sensibilisation, reconnaît-il, mais plusieurs résidants du pays n’y ont pas accès.

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France : une menace plus sociale que technique

Martin Pagé (Administration 1990; Informatique 1993 et 2001) est responsable du bureau Financement des entreprises à la Direction des systèmes d’information de La Banque Postale à Paris. Quelles menaces voit-il planer sur la France en termes de cybercriminalité? La pédopornographie et l’infraction économique sont des cyber­crimes souvent évoqués dans les médias français, signale-t-il. Tout comme les atteintes aux biens et aux personnes par des actions de piratage et d’espionnage, le vol de secrets industriels étant un des objectifs visés. «Le terrorisme dans et avec Internet est aussi mentionné régulièrement, car l’histoire et les intérêts de la France font de ce pays une cible politique de tout premier choix», considère M. Pagé.

Pour lutter contre ces atteintes, le gouvernement français s’appuie sur les équipes de la Gendarmerie et de la Police nationale qui mènent des enquêtes de cybercriminalité. Selon Martin Pagé, la menace principale sur Internet ne serait pas technique, mais plutôt sociale. À long terme, Internet doit permettre le respect de la vie privée, le droit à l’oubli et la liberté de parole. «Nous avons un savoir-faire pour élaborer des systèmes informatiques efficaces, mais ces systèmes ne doivent pas contraindre les personnes qui pourraient, sinon, finir par les contourner, voire les abandonner», conclut-il.
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