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Automne 2004

Les 20 printemps des Violons du Roy

Le talent du chef des Violons du Roy a pu fleurir ici même, dans le terreau fécond de l'Université Laval.

    En 1984, de jeunes musiciens et chanteurs de la région rêvent de disposer d’un Orchestre de chambre pour interpréter le répertoire baroque. Sans tambour ni trompette, ils composent un ensemble au sein de la Faculté de musique de l’Université Laval, grâce aux efforts d’un jeune étudiant, Bernard Labadie. Le rêve de jeunesse a pris corps et perdure depuis deux décennies.

Les Violons du Roy, toujours dirigés par cet amoureux fou du baroque, se produisent dans les plus grandes salles de concert d’Europe et d’Amérique, tandis que plusieurs de leurs disques caracolent en tête des listes de vente d’albums de musique classique.

Membre de la première heure de l’Orchestre de chambre, la violoniste Nicole Trotier considère toujours la naissance de l’ensemble comme un miracle: «Nous étions une gang de jeunes qui voulaient que ça sonne bien! Jamais je n’aurais pensé que cela allait devenir notre gagne-pain.» Se remémorant les interminables réunions enfumées dans le sous-sol de ses parents, Bernard Labadie renchérit: «Je ne referais jamais une chose pareille! On était complètement fous, mais c’était une belle folie.» Parti de rien et sans aucun soutien financier, le groupe de musiciens dispose pourtant d’atouts de taille. De l’enthousiasme à la tonne, du dévouement en grande quantité, et surtout un jeune chef ambitieux, littéralement habité par la musique et prêt à soulever des montagnes.

Le baroque dans le sang

Dès sa plus tendre enfance, le jeune garçon, encouragé par un enseignant du primaire, développe son talent musical. Le disque Messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach qu’il reçoit en cadeau pour sa onzième année passe et repasse sur le système de son, sans compter les nombreuses autres œuvres du répertoire baroque. Au secondaire, ce jeune citoyen de Sillery se passionne pour la flûte à bec, avant de s’orienter vers le chant au Cégep Sainte-Foy. Arrivé à la Faculté de musique à l’Université Laval au milieu des années 80, il succombe aux charmes de la direction d’orchestre à la faveur d’un projet étudiant.

«En 1983, j’ai monté l’opéra de Purcell, Didon et Énée, avec des camarades d’étude comme Lyne Fortin et Hélène Fortin, bien connues désormais du public, ainsi que des étudiants du Conservatoire, toujours très forts dans les instruments à cordes. Cela nous a donné envie de récidiver l’année suivante et de présenter Le couronnement de Poppée de Monteverdi.»
 
Antoine Bouchard, alors professeur d’orgue à la Faculté de musique, encadre cet atelier d’opéra et perçoit le talent potentiel du jeune homme qui semble avoir littéralement intégré le répertoire musical baroque. Quant à Richard Paré, claveciniste aux Violons du Roy et professeur à la Faculté de musique de l’Université Laval, il se souvient très bien du jeune chef: «On voyait bien que ce gars-là n’était pas seulement un placoteux. Il avait déjà des idées bien arrêtées sur les interprétations à donner au Couronnement de Poppée, alors que l’œuvre n’est pas entièrement écrite. C’était très impressionnant…»

À la suite des quelques représentations, les musiciens décident de former un ensemble de musique de chambre professionnel et structuré. L’année suivante, en 1985, le chœur de chambre de La chapelle de Québec naît à son tour, toujours à l’initiative de Bernard Labadie qui souhaite s’attaquer à un répertoire alliant la voix humaine et les instruments. D’emblée, chanteurs et instrumentistes savent que l’étroitesse du marché de Québec les condamne à l’excellence car il leur faudra multiplier les tournées dans la province, au Canada, et à l’étranger pour survivre.

«Lorsque nous jouons au Lincoln Centre ou au Carnegie Hall à New York (la salle où se produit l’Orchestre philharmonique de New York), il faut donner des concerts d’une qualité comparable à celle des meilleurs groupes que ces salles accueillent.»

Très féru de musique baroque pour avoir lu abondamment sur ce répertoire et écouté nombre d’enregistrements, Bernard Labadie cherche à retrouver l’esprit de la musique de cette époque. Il lui faut donc aller aux sources, dénicher les premiers manuscrits de partitions pour éviter de jouer une Messe en si mineur de Bach selon l’interprétation d’un musicien du XIXe siècle…

Question de style

Quelques années après leur fondation, les Violons du Roy prennent également une décision capitale pour leur avenir et se dotent d’archets baroques tout en conservant les instruments à cordes modernes.
«Ce type d’archet, plus léger que les archets modernes, permet de produire un son dont l’intensité varie car elle s’élève au milieu de l’archet, ce qui donne les fameux “enflés”, la marque de commerce du baroque», explique Bernard Labadie. L’utilisation de l’archet baroque combiné à la brillance des cordes de métal modernes classe donc les Violons du Roy dans une catégorie unique. Pourtant, le style n’existe pas seulement dans l’instrument mais aussi dans le cœur du musicien.

Apparemment, cette sonorité unique alliée à l’excellence de la qualité de jeu et au soutien d’une solide équipe administrative, qui a pu compter sur l’aide financière des gouvernements, ont permis aux Violons du Roy d’accomplir une carrière dont bien des orchestres de chambre pourraient rêver.

À titre d’exemple, les musiciens ont eu le privilège, en août dernier, de se retrouver au prestigieux festival Mostly Mozart de New York dans le Così fan tutte de Mozart mis en scène par Jonathan Miller, une des personnalités de l’heure dans le monde de l’opéra. Il y a quelques semaines, ils faisaient leurs débuts au mythique Concertgebouw d’Amsterdam, tout en participant à différents festivals, notamment à celui de Schleswig-Holstein en Allemagne. Quant à leur discographie, elle compte une bonne douzaine d’albums dont plusieurs leur ont valu des prix prestigieux.

De quoi peut rêver désormais le directeur artistique des Violons, lui qui se promène plusieurs mois par année dans le monde à titre de chef invité, et qui dirige l’Opéra de Montréal après avoir assumé ce rôle à l’Opéra de Québec pendant neuf ans? Et bien tout simplement de jouer davantage à Québec, la ville où l’Orchestre a ses racines car, depuis un an, les deux tiers des concerts ont eu lieu à l’extérieur de la région.

L’écrin des Violons

L’ouverture à Québec de la Maison de la musique, qui abritera les Violons du Roy ainsi que d’autres ensembles dans un Palais Montcalm revampé en dé­cembre 2005, tombe donc à point pour leur permettre de se rapprocher de leur premier public. «Avec la nouvelle salle, nous allons disposer d’un lieu de concert véritablement unique au Québec, explique Bernard Labadie, un endroit auquel les gens pourront vraiment s’identifier.»

Nul doute que les Violons du Roy vont profiter à plein régime de ce bel outil et séduire encore de nouveaux spectateurs.
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