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Automne 2012

Ni fille ni garçon à la naissance

Les personnes intersexuées revendiquent le droit à la différence et veulent exister à part entière.

La première chose qu’on identifie chez quel­qu’un, c’est son sexe. Et si son identité sexuelle est floue? Malaise… On se trouve alors peut-être en face d’une personne intersexuée, une catégorie qui représenterait 1,7% de la population mondiale. À la naissance, les organes génitaux de ces personnes sont difficiles ou même impossibles à définir comme mâles ou femelles, selon les critères habituels. Il ne faut pas confondre intersexués avec transsexuels ou transgenres, qui vivent un problème d’identité par rapport à leur sexe biologique.

Comme d’autres groupes marginaux l’ont fait, les intersexués revendiquent leur droit à la différence et veulent exister à part entière. «On ne peut pas encore parler de mouvement social, mais c’est certainement une mouvance», affirme Lucie Gosselin, qui a consacré son mémoire de maîtrise à la réalité des personnes intersexuées, sous la direction de Marie-Andrée Couillard du Département d’anthropologie. 

L’étudiante-chercheuse s’est plus précisément penchée sur le sens que les intersexués donnent aux expériences vécues concernant leur corps. Elle a rencontré plusieurs militants au Québec et en Europe, au cours de manifestations internationales, et a mené des entrevues en profondeur avec deux personnes intersexuées, opérées à la naissance et donc forcées de vivre avec une identité sexuelle qu’elles n’ont pas choisie.

Anomalies à corriger
Parmi les critères retenus pour déterminer le sexe d’un bébé né avec des organes génitaux dits ambigus figurent la mesure des gonades (ovaires ou testicules), des chromosomes, des hormones et des organes génitaux extérieurs. Pour la majorité des médecins, lorsque l’organe génital semble trop petit pour être un pénis, mais trop grand pour être un clitoris, il s’agit d’une anomalie du développement sexuel à corriger par une ou plusieurs chirurgies.

Seulement voilà: la sexualité d’une personne ne se limite pas aux organes génitaux. Le cerveau aussi a un sexe. Par exemple, Rita, née intersexuée mais assignée garçon, a expliqué à Lucie Gosselin qu’elle s’est toujours sentie mal à l’aise dans son corps d’homme. À l’adolescence, ses parents l’ont forcée à prendre de la testostérone pour rendre son corps plus masculin. Rita, elle, a toujours su qu’elle était une femme et a, un jour, entrepris un parcours en sens inverse pour féminiser son corps.

En plus d’être dépossédées de leur corps, ces personnes sont confrontées à ce que Lucie Gosselin nomme «le paradigme intersexe du secret», c’est-à-dire le fait de « ne pas avoir le droit de dire ce qu’on ne nous a pas dit que nous étions », selon la phrase de Vincent Guillot, militant intersexué français. Elles apprennent très tôt la honte, la dissimulation et le mensonge. «C’est d’abord le regard qu’on pose sur elles qui fait mal, soutient ainsi Lucie Gosselin. Elles veulent être considérées dans leur pleine humanité, comme tout le monde.»

Depuis 25 ans, des militants demandent qu’on cesse d’opérer les enfants à la naissance et qu’on laisse la personne choisir son identité sexuelle. D’autres revendiquent le droit de garder ce corps non sexuellement conforme qui est le leur.

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