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Automne 2011

Réussite demande collaboration

La vigilance des parents et leur capacité de collaborer avec l'école sont toujours des éléments-clés de la réussite scolaire des enfants.

Conférencier apprécié pour son franc-parler, Égide Royer tient un discours qui tranche dans le milieu de l’éducation. L’auteur de Comment être le bon parent d’un élève difficile et de Leçons d’éléphants: pour la réussite des garçons à l’école ne craint pas de dénoncer le manque de préparation des enseignants aux enfants difficiles et de souligner que l’école est tout sauf boy’s friendly. Conscient de l’importance que joue la famille dans la réussite des élèves, le professeur au Département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage partage avec les lecteurs quelques-uns de ses résultats de recherche.
 
Selon vous, la lecture constitue la clé de voûte de la réussite scolaire: comment peut-on amener les enfants à lire?
Le seul fait de regarder un livre avec mon enfant, bien avant qu’il entre à l’école, et de suivre le texte avec le doigt, «Il était une fois un loup-garou qui s’était emparé d’une princesse…», c’est déjà de la pré-lecture. Dès la maternelle et la première année, les bonnes écoles et les bons parents suivent les progrès du lecteur débutant et surveillent aussi l’autre indicateur unanimement reconnu: sa capacité à respecter les consignes. Lire et obéir sont vraiment les deux choses les plus importantes à cinq et six ans. Cette période de la vie des élèves est tellement cruciale qu’on ne devrait choisir, pour la première année du primaire, que des enseignants admissibles au Temple de la renommée de l’éducation!

Comment les parents peuvent-ils identifier ce qui cause des difficultés à leur enfant à l’école?
Dès la première année du primaire, 10 à 15% de jeunes connaissent des difficultés ou une perte d’intérêt pour l’école, et il faut comprendre pourquoi. Les problèmes associés à la lecture et au comportement sont les plus fréquents, mais il peut aussi s’agir d’intimidation: un jeune qui en est victime risque de développer une réaction d’évitement aux situations scolaires, ce qui exige une intervention des adultes auprès des jeunes qui en sont la source. Un modèle pertinent d’évaluation des problèmes est celui de la réponse à l’intervention (voir par exemple www.rti4success.org/index.php) qui consiste à émettre des mini-hypothèses sur la cause des difficultés puis à mettre à l’essai des interventions de plus en plus puissantes en évaluant les progrès de l’élève, de son enfant.

Il faut aussi admettre que, parfois, une partie du problème vient de l’enseignant. La majorité d’entre eux travaillent très bien, mais certains auraient besoin d’aide, tandis que 5% ont d’énormes difficultés, comme dans n’importe quelle autre profession. S’ils rencontrent des jeunes en difficulté, cela fait des flammèches.

Que peuvent faire les parents dans ces cas extrêmes?
Lorsqu’un parent se rend compte que ses interventions auprès de l’enseignante ou de la direction de l’école ne donnent rien, il peut aujourd’hui se référer au protecteur de l’élève. J’ai milité 15 ans afin que les parents disposent d’une personne neutre pour les aider. Depuis le 1er septembre 2010, un protecteur de l’élève est présent dans chaque commission scolaire où il joue un rôle de médiateur.

La lecture garde-t-elle son importance plus tard dans le cheminement scolaire?
Vers la cinquième ou la sixième année du primaire, certains jeunes vont accuser un retard dans l’apprentissage, y compris dans la lecture. Faut-il le faire redoubler ou lui ouvrir automatiquement les portes de l’école secondaire? Ni l’une ni l’autre de ces mesures ne semblent très pertinentes. Selon la National Association of School Psychologists, aux États-Unis, un certain pourcentage d’élèves ont besoin de plus de temps et d’une formation intensive pour la lecture. Au Québec, des écoles privées et quelques écoles publiques organisent déjà des avant-midis de lecture le samedi pour donner un coup de pouce.

Les élèves décrocheurs engendrent-ils des parents décrocheurs?
Lorsque les enfants ont cinq et six ans, la plupart de leurs parents veulent collaborer avec l’école. Cependant, quand l’école les appelle fréquemment pour leur dire «Steve a frappé quelqu’un dans la cour de récréation, il va falloir que vous agissiez», les parents finissent par ne plus répondre. Vouloir chercher un coupable à ce qui se passe dans une classe ou une cour de récréation, ce n’est pas une avenue porteuse de changements, ni pour les enseignants, ni pour les parents.

Comme psychologue scolaire, j’ai constaté que dans les cas de difficultés de comportement à l’école, certains parents pointaient du doigt l’école. Les enseignants, eux, disent «Avec les parents que cet enfant a, comment voulez-vous qu’il réussisse à l’école?». Pour sortir de ce terrain miné, il faut enlever les accusations et voir comment on peut travailler sur le comportement de l’enfant.

Comment améliorer les relations entre l’école et les parents?
Dans mes cours, la première chose que je montre aux futurs enseignants c’est comment téléphoner à un parent. On ouvre toujours la conversation par un aspect positif. «Madame, je suis l’enseignante de Steve, juste pour dire que je suis contente de l’avoir dans ma classe, il a les yeux brillants, etc.». Après ça on peut aller vers un autre point. Je leur suggère de travailler avec les parents selon un modèle très simple, développé par Paterson dans les années 1980: celui des dépôts et des retraits. L’enseignant peut téléphoner au parent simplement pour dire que Steve est dans sa classe, c’est un dépôt. Le retrait, c’est quand il appelle pour dire que Steve a frappé quelqu’un d’autre et qu’il faut une rencontre. Si l’école ne fait toujours que des retraits, ne rapporte que des choses négatives, cela rend les relations tendues après quelques années.

Les enseignants sont-ils préparés à composer avec les enfants en difficulté?
Au Québec, les enseignants n’ont reçu que très peu de formation initiale concrète sur comment prévenir et composer avec des situations difficiles. La ministre de l’Éducation a annoncé un budget de 40 M$ pour soulager les enseignants qui ont des élèves en difficulté et peut-être revenir aux classes spéciales – ce qui nous ramène 30 ans en arrière. Malheureusement, la prévention, la formation des enseignants et les ser­vices professionnels adaptés ne font pas partie du débat actuel ! Même si la majorité des jeunes vont bien, la réussite scolaire pourrait s’améliorer de beaucoup avec une forme de collaboration école-famille plus articulée.

Avez-vous des exemples de bonne collaboration école-famille?
Si l’on revient aux compétences en lecture, fondamentales pour la réussite, on peut citer une école de Mont­réal qui, il y a quelques mois, a ouvert ses portes aux garçons seulement, pour une soirée de lecture. Les grands-pères, les pères et les fils ont lu «entre gars». C’est le genre d’initiative qui peut renforcer l’idée que l’école et les études sont une affaire de gars aussi. On a besoin de modèles masculins en situation d’apprentissage, car les jeunes apprennent par imitation.

Pourquoi aider particulièrement les garçons?
Les gars arrivent à l’école un peu moins prêts aux apprentissages. Et ça se répercute sur leur avenir : à 20 ans, 35 % des gars n’ont aucun diplôme du secondaire contre 21% des filles. Par ailleurs, 87% des enseignants sont des femmes et le nombre d’enseignants masculins ne cesse de diminuer, 13% au primaire, 37% aujourd’hui au secondaire alors qu’ils étaient majori­taires il n’y a pas si longtemps. On ne peut pas en conclure qu’il y a un lien de cause à effet, mais on peut dire que l’école n’est pas boy’s friendly.

Il va falloir revaloriser la contribution des hommes aux emplois en éducation. Pourquoi des enseignants masculins n’iraient-ils pas voir des jeunes de 4e ou 5e secondaire pour leur dire que c’est un maudit beau métier et qu’ils pourraient obtenir une bourse de 1000$ par an pendant les quatre ans du cours universitaire, à condition d’avoir conservé une bonne moyenne au collégial? Je veux avoir les meilleurs gars disponibles! Visons l’excellence et exigeons-la! Actuellement, certains étudiants sont admis à l’université dans les programmes d’enseignement avec des moyennes scolaires qui ne leur auraient jamais permis d’étudier en droit ou en psycho…

Est-ce qu’il y a une vision féminine de l’éducation?
Il y a un genre d’a priori qui dit que les difficultés de comportement touchent davantage les garçons. Les petits gars n’apprennent pas mieux à lire avec un enseignant, mais la diversité contribue à la richesse d’une école. Une direction d’école qui cherche un professeur doit toujours privilégier le meilleur pédagogue qui se présente, qu’il soit un homme ou une femme. Si j’ai deux profs à compétence égale, j’engage l’homme car il n’y en pas assez dans l’école. Ce qui va être perçu comme un tempérament violent ou extrême chez un garçon par une femme risque de l’être moins par un homme
.
Après la parution de mon dernier livre, ça a brassé. Certains disaient: «Royer tu dis que les femmes causent l’échec scolaire des garçons…». Pas du tout! Je pense simplement qu’une meilleure contribution des hommes en éducation serait positive pour la réussite scolaire, entre autres celle des gars. Les garçons ont besoin de bouger. Des initiatives comme enlever la récréation de l’après-midi parce que c’est trop long d’habiller les jeunes l’hiver, au primaire, cela a un impact différent chez les gars et les filles. Supprimer un cours d’éducation physique comme l’a décidé le gouvernement à la fin des années 1990 aussi.

De qui dépend la réussite des élèves?
Certaines statistiques m’embêtent, comme celle-ci : sept ans après le début de leur cours secondaire, 76% des gars anglophones du secteur public du Québec avaient obtenu leur diplôme, contre 60% des gars francophones. Ça montre qu’une partie de la réussite relève davantage de l’école que des parents. La qualité de l’enseignement a donc un lien direct avec la réussite scolaire.
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