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Automne 2014

La vigueur des musées selon trois diplômés

Des diplômés témoignent du sort des musées au Sénégal, aux États-Unis et en Espagne.

Ces témoignages s’inscrivent dans la suite de l’article Cyril Simard, artisan des économusées.

OSHuchard-150Sénégal: des lieux peu connus et peu soutenus
«Malgré le démarrage des travaux de construction du futur Musée des civilisations noires à Dakar, qui sera sans aucun doute le plus grand musée du monde noir, les institutions muséales vivent ici dans un état de quasi-léthargie», estime le Sénégalais Ousmane Sow Huchard (Histoire de l’art 1978; Anthropologie 1984).

M. Sow Huchard a été de tous les combats pour la mise en valeur de la culture sénégalaise, depuis son retour du Québec en 1985. Ce spécialiste des musées porte plusieurs chapeaux: anthropologue, muséologue, musicologue et directeur du Cabinet d’ingénierie culturelle CIWARA… Arts, Actions. Il a aussi été le premier député écologiste à siéger à l’Assemblée nationale du Sénégal, de 2007 à 2012.

Ousmane Sow Huchard rapporte que le gouvernement ne soutient que faiblement les quelques musées du pays, souvent établis grâce à des mécènes. De plus, considère-t-il, les Sénégalais connaissent très peu leurs musées, et il reste beaucoup à faire pour que les citoyens reconnaissent le rôle fondamental de ces lieux pour la sauvegarde et la promotion de leur patrimoine culturel.

«Nous espérons vivement, lance-t-il, qu’avec l’avènement du Musée des civilisations noires, nous verrons naître une véritable politique de développement des musées et de la muséologie à travers tout le territoire national. Nous souhaitons que cette politique soit soutenue par des moyens conséquents provenant du budget de l’État, tout comme la mise en place des programmes de formation d’un personnel compétent et dévoué à la cause du patrimoine.»

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SHoffman-150États-Unis: financement privé et précaire
Responsable d’une trentaine d’expositions muséales et auteure de plusieurs essais sur l’art, l’iconologie et le symbolisme, Sheila Hoffman (Français langue seconde 1998) rapporte qu’aux États-Unis, en général, les musées ne sont pas soutenus par les fonds gouvernementaux, «à part quelques rares subventions minuscules». Dans son pays, juge-t-elle, l’art est considéré comme un champ vain et, lors de crises économiques par exemple, perçu comme superflu et non essentiel. Elle fait remarquer que les conseils d’administration de plusieurs musées privés sont si préoccupés par le financement que les décisions y sont prises sans égard à la sauvegarde de la culture.

«C’est tout le contraire de la France, où j’ai étudié et où les musées sont subventionnés par le gouvernement, note-t-elle. J’ai aussi remarqué que les Européens tiennent en haute estime le patrimoine, la culture, l’art et l’architecture, ce qui n’est pas le cas ici.»

Sheila Hoffman, qui a été conservatrice des beaux-arts dans les États du Michigan, de l’Oklahoma et de New York, pense que le monde muséal en dehors des États-Unis va commencer à adopter le modèle de financement privé américain. «Je comprends bien pourquoi, mais c’est dommage; on peut anticiper que plusieurs petits musées fermeront», dit-elle. Dans la foulée, les tarifs deviendront de plus en plus élevés pour palier les dépenses liées aux bâtiments et aux collections. «C’est un modèle qui, à mon avis, dévalue l’art et la culture.»

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EDelPeral-150Espagne: des musées éprouvés par la crise économique
Espagnole d’origine, Ester Del Peral (Histoire de l’art 2002) travaille au Bureau du Québec à Barcelone comme attachée aux affaires publiques et culturelles. Elle croit que la plupart des musées d’Espagne dépendent trop du financement public. En fait, les musées privés ne représentent que 30% de l’ensemble.

Bien que la popularité des musées espagnols soit incontestable, la crise économique que l’Espagne subit depuis quelques années a fortement touché les budgets de ces établissements culturels. «Par exemple, raconte-t-elle, le renommé Prado, de Madrid, a subi une coupure de 30%.»

Sans rien enlever au patrimoine culturel extraordinaire du pays, Mme Del Peral considère que la qualité des expositions en souffre. «Ces coupures ont eu comme effet d’offrir un contenu plus pauvre et des expositions qui durent trop longtemps, de diminuer les achats ainsi que de réduire considérablement les publications, qui deviennent un luxe difficile à justifier», analyse-t-elle.

Selon Ester Del Peral, les dirigeants des musées espagnols ont une lourde tâche devant eux: faire évoluer leurs institutions et innover pour attirer plus de clientèle et de financement. «Une collaboration plus étroite entre l’administration publique, les partenaires privés et la société amènerait certainement un modèle plus prospère», conclut-elle.

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